mercredi 19 août 2020

13 Août : Jour sombre pour les droits des femmes tunisiennes


KS pour se distinguer de ses prédécesseurs, a choisi la régression en matière d’héritage. Drôle de façon de célébrer la fête des femmes et la promulgation du CSP qui voulait les soustraire au joug des hommes et en faire des citoyennes égales en droits avec eux. KS serait-il aussi réac' que beaucoup de démocrates tunisiens prétendument progressistes ? 
Curieux de la part d'un président de la République, chef d'un Etat Civil avec un code civil; lui même juriste et constitutionnaliste; qui rappelait qu'il serait temps de séparer la religion de l'Etat ! 
Mais il n'est pas à un paradoxe près !
R.B
Sophie Bessis 

Le président tunisien Kaïs Saïed appelle à une lecture littérale du Coran pour enterrer la question de l’égalité successorale entre hommes et femmes, voulue par les mouvements féministes et une partie de l’opinion, analyse l’historienne.

Le 13 août 2020 restera comme un jour sombre dans la longue histoire des luttes des Tunisiennes pour l’égalité.
Date anniversaire de la promulgation du code du statut personnel qui leur a donné des droits, faisant de leur statut une exception dans le monde arabe, il est traditionnellement l’occasion pour le chef de l’Etat de dresser un état des lieux de la condition féminine dans le pays et de proposer, avec plus ou moins d’audace selon les moments et les circonstances, des avancées en la matière.

Le président Kaïs Saïed n’a pas dérogé à la règle ce 13 août. Mais le discours qu’il a prononcé à cette occasion donne le signal d’une régression à laquelle les Tunisiennes n’étaient plus habituées de la part de leurs gouvernants.

Revenant sur la question de l’héritage, un des derniers bastions de l’inégalité juridique entre les sexes et qui a donné lieu à d’ardents débats ces dernières années, M. Saïed a invoqué une lecture littérale du texte coranique pour enterrer la question de l’égalité successorale remise sur le tapis par son prédécesseur sous la pression des mouvements féministes et d’une partie non négligeable de l’opinion.

Pour l’actuel président, c’est donc le Coran – et lui seul – qui fait loi et trace une frontière que les revendications des femmes ne doivent en aucun cas franchir. Si aucun président tunisien depuis l’indépendance n’a osé en finir avec cette discrimination légale entre les sexes, qui est une des causes de la précarité économique de nombre de femmes, c’est la première fois que le texte sacré est invoqué avec une telle autorité pour mettre fin à toute chance de progrès dans ce domaine.

Un contexte régressif !

Le chef de l’Etat est allé encore plus loin dans son coup d’arrêt à la marche de ses concitoyennes vers l’acquisition de la plénitude de leurs droits en révoquant la notion d’égalité au profit de celle d’équité. Ce concept flou, d’ordre purement moral et qui ne garantit aucun droit réel, est défendu depuis des décennies dans toutes les instances internationales par les Etats musulmans les plus conservateurs.

La Tunisie, qui, encore loin d’être un Etat égalitaire en matière de statut personnel, a cependant fait de l’élargissement des droits des femmes un élément central de sa singularité, rejoint ainsi, par la parole présidentielle, le consensus conservateur qui prévaut dans le monde arabe. L’heure est d’autant plus grave pour les Tunisiennes que le chef de l’Etat s’inscrit, ce faisant, dans le contexte régressif qui domine au sein de la classe politique locale.

Les plus farouches contempteurs du parti islamiste Ennahdha ont clairement pris position, comme lui, contre l’égalité successorale et M. Saïed, quoique menant une guérilla politique contre cette formation et son chef, partage également ses positions sur la majorité des questions sociétales.

En l’absence d’une gauche défaite en 2019 dans les urnes et devenue à peu près inexistante, force est donc de constater que l’opposition parlementaire et présidentielle contre Ennahdha relève bien davantage d’un affrontement pour le pouvoir et ce qui reste de rentes dans un pays économiquement exténué que d’un clivage idéologique et d’une confrontation sur le type de société que les Tunisiens et les Tunisiennes sont appelés à construire dix ans après leur révolution.

La messe serait-elle dite ? Le Coran ferait-il office de nouveau code civil après des décennies d’avancées insuffisantes, ambiguës, mais réelles ? La charia, que le parti islamiste n’avait pas réussi à imposer en 2013 du fait d’une mobilisation massive de l’opinion contre son introduction dans la Constitution, reviendrait-elle sans dire son nom ?

Reste la société civile dont les voix les plus courageuses ont commencé à s’élever contre une rhétorique présidentielle qui assume pleinement son conservatisme et sa volonté de faire découler le droit positif de la sphère du sacré.

Il faut espérer que, malgré les problèmes colossaux que connaît une Tunisie au bord de la faillite économique et du collapse (« affaissement ») social, tous deux en grande partie provoqués par l’incurie de son personnel politique, les femmes, qui y sont massivement présentes, sauront relever le gant et continuer un combat qui s’avère aujourd’hui plus que jamais difficile à mener.

2 commentaires:

  1. Abdelaziz Kacem : Le droit et le bon sens.

    Selon « Maqasid al-Charī‘a », les buts, l’argumentaire, l’exposé des motifs de la jurisprudence, les inégalités successorales sont, aux yeux des ulémas, largement compensées, puisque l’homme est le seul à avoir obligation de subvenir aux besoins de la femme qu’elle soit sœur, mère ou épouse. L’argument était sans doute valable à l’époque.

    Mais les temps ont changé !

    Aujourd’hui bien des femmes subviennent aux besoins de leurs parents et de leur fratrie et bien des époux dotés de tous les attributs de la virilité émargent à la carte de crédit de leur épouse.

    https://www.leaders.com.tn/article/30435-abdelaziz-kacem-le-droit-et-le-bon-sens?fbclid=IwAR1BXzuuSFq36-ATLMQnLOnxGV7COXLr5-H_gvf7D90jXTUwqYoEH_O5R3w

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  2. Youssef Gdoura :

    Heureusement que pour sa libération, la femme a pu compter sur Bourguiba.
    Si elle avait dû s'en remettre aux hommes de l'époque, il est certain qu'elle serait restée au statut d'alors en femme soumise aux mâles de sa famille et aux hommes en général, statut que lui réservaient la religion et la colonisation, qui à cet égard s'entendaient fort bien ensemble !

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