jeudi 6 août 2020

Le discours qu'aimeraient entendre les tunisiens de leur nouveau chef de gouvernement ...


Le président de la république face à la crise politique qui paralyse le pays, a décidé de siffler la fin de récréation au Bardo où Ghannouchi outre passe ses prérogatives et confond l'Assemblée Nationale avec Majless e-choura d'Ennahdha. En choisissant Hichem Mechichi, un grand commis de l'Etat que tout le monde s'accorde à dire qu'il est compétant et honnête, Kais Saied veut mettre un terme aux gouvernements des partis mis en place par Ghannouchi et dont l'unique soucis est l'intérêt des partis ; et en premier, de celui d'Ennahdha que Ghannouchi veut imposer à tous.

R.B

Mesdames et Messieurs les Députés,

Je viens devant vous, conformément à la Constitution du pays, solliciter l’approbation de mon gouvernement et de son programme.

Je dois dire que je n’entends pas marchander et que votre décision, capitale pour l’avenir de notre pays, entraînera si vous refusez la confiance, la dissolution de cette assemblée.

Je commencerai par vous dire clairement, car je n’ai aucune intention de ménager qui que ce soit et je n’ai pas non plus l’intention de me gargariser de phrase et de mots, que depuis dix ans notre pays régresse et que la situation, que vous ne pouvez ignorer, est mauvaise tant sur le plan des finances publiques, que sur celui de la valeur de la monnaie nationale, de l’emploi, de la sécurité et du fonctionnement des Administrations; et plus grave, de notre Justice.

Cette situation est due, je le dis haut et fort, à un régime électoral qui en émiettant le pouvoir, en le donnant à une assemblée dans laquelle de trop nombreux partis se disputent uniquement le pouvoir sans réfléchir aux réformes nécessaires à l’avenir de ce pays ; et conduit le pays à être géré au jour le jour, par des consensus boiteux et sans réel projet d’avenir.

Ce régime électoral, il faudra nécessairement le changer pour parvenir à une démocratie plus sérieuse et porteuse de projets et d’actions.

Mais en attendant cette réforme indispensable, à laquelle je vais œuvrer, en espérant obtenir l’appui de ceux qui veulent réellement sortir le pays du marasme dans lequel il se trouve, je vais vous dire quel est mon projet pour ce pays et cela entraînera à la fois des mesures immédiates mais aussi des réformes pour le plus long terme.

La Justice

En effet dans une nation, tout se tient et tout doit être tenu en même temps. L’économie ne peut fonctionner correctement et apporter au pays une meilleure vie que si les conditions sont favorables tant sur le plan de l’Etat de droit; de la lutte déterminée contre la corruption qui corrompt tout; de l’éducation qui fait des salariés compétents; de la Justice qui évite passe-droit et petits arrangements, faussant une saine concurrence.

Or si l’économie ne fonctionne pas correctement, n’attire pas les investissements des Tunisiens et des étrangers; il est illusoire de croire que l’on pourra s’attaquer, avec fruits, aux inégalités sociales.

Tout passe donc d’abord par la restauration d’une Justice impartiale et qui applique le droit. J’ai donc donné au Ministre de la Justice un ordre du jour destiné à faire de l’Institution judiciaire un organisme compétent, insoupçonnable et libre de ses décisions.

Cela passera, hélas, dans un premier temps par un nettoyage et une discipline du corps des magistrats qui, je l’espère et dans son intérêt bien compris, nous aidera à assainir ce corps et faire que les soupçons qui depuis trop longtemps le frappent, disparaissent. J’ai demandé au Ministre de la Justice sous mon contrôle et celui du Président de la République, d’être intraitable sur les objectifs que je viens d’évoquer. Je crois pouvoir dire que le peuple Tunisien sera à nos côtés dans cette œuvre absolument nécessaire pour la réussite de tous les autres programmes.

Ce qui sera fait pour l’Institution Judiciaire, devra être fait pour l’ensemble de l’Administration qui, depuis des années a beaucoup baissé en efficacité et en honnêteté. Je rappelle à tous les fonctionnaires qu’ils sont au service des administrés et que les administrés lorsqu’ils s’adressent à l’administration, ne demandent pas une faveur mais un droit; et qu’ils doivent être traités correctement; et le plus efficacement possible.

Cette reprise en mains sera plus simple que pour l’Institution Judiciaire qui a un statut particulier d’indépendance. Cela passera par la responsabilité des chefs de service, par la diminution des effectifs qui ont été beaucoup trop alourdis ces dernières années au mépris de la compétence et de l’efficacité.

J’espère que les syndicats comprendront à la fois l’utilité de ces mesures et qu’ils accepteront de collaborer à la restauration de l’efficacité de l’Administration, la suppression de tous les passe-droits, la plus grande rapidité des décisions. Il y va de l’image de l’Administration, donc du pays et donc de son attrait pour les investisseurs. Je veillerai personnellement à la mise en place de cette politique.

Ce que je vous dis là de la reprise en main des services de l’Etat, n’est pas anecdotique, loin de là. Regardez simplement du côté du malheureux Liban et vous serez convaincu qu’un pays qui laisse son Etat péricliter, qui ne lutte pas contre la corruption, est conduit rapidement au déclin et à la disparition.

L'éducation 

Enfin, dans le cadre de ces grandes réformes nécessaires, aucun pays moderne ne peut progresser sans un peuple éduqué. La Tunisie a compté parmi les pays où la jeunesse a bénéficié des bienfaits de l’école et cela grâce au Président Bourguiba qui en avait fait une priorité et lui avait alloué une part conséquente du budget de la nation. Malheureusement depuis, cette éducation s’est grandement dégradée et devenue, soyons clairs, une éducation à deux vitesses : une éducation de très mauvaise qualité pour les plus pauvres et une éducation de bon niveau pour une minorité d’enfants de riches pouvant bénéficier d’écoles et de cours privés.

Cela n’est plus tolérable et tous les enfants de ce pays doivent pouvoir bénéficier d’une éducation forte jusqu’à, y compris, l’Université et les grandes écoles. Ce n’est là que de la vraie justice sociale.

Par ailleurs, soyons clairs, cette école doit être une école moderne et ouvrir sur les sciences, la raison, la philosophie, la littérature, la musique et les arts. Et dans un monde vaste et ouvert, l’apprentissage sérieux d’une ou plusieurs langues étrangères qui permettront à nos jeunes d’accéder à l’excellence. Tout cela est une question de formation des maîtres, de formation permanente, de meilleurs salaires. Je demanderai qu’un effort conséquent soit fait au niveau budgétaire et que nous demandions, sur ce point, l’aide de la communauté internationale. Et, notamment de l’Europe.

Je voudrai dire aussi que si nous devons à notre jeunesse une éducation de qualité, il nous faut aussi lui donner une plus grande place dans la société, la laisser plus libre et faciliter ses initiatives dans tous les domaines, celui des arts comme celui des entreprises. La jeunesse par son enthousiasme et par sa force, a beaucoup à donner. Ne la laissons pas désœuvrée et sans perspectives. Là encore je suis prêt à étudier toutes les initiatives, pourvu qu’elles soient sérieuses et non démagogiques.

La sécurité

Enfin il n’y a pas de pays heureux et de pays prospère sans la sécurité. Or la sécurité qui était une des forces du régime précédent, a beaucoup trop diminué. Il faut qu’elle soit reprise en main et cela est possible même dans un régime démocratique (qui ne veut pas dire anarchique), tout en respectant l’Etat de droit. L’Etat de droit n’est pas le laxisme.

Par conséquent le Ministère de l’Intérieur va assurer une reprise ne main de la sécurité des citoyens et aucun laxisme de cette administration ne sera admis.

Mesdames et Messieurs les Députés, voilà mes objectifs, voilà les lignes directrices qui vont guider mon action et celle de mon gouvernement tant qu’il sera en poste. Je crois que tous les Tunisiens patriotes, soucieux avant tout de l’intérêt de leur pays, pourront être d’accord sur ces constats et sur ces objectifs. Je pense donc que rien ne s’oppose à la confiance que je demande.

Cependant je suis bien conscient que si ces objectifs sont à la fois nécessaires et simples à exprimer, ils sont très difficiles à mettre en œuvre car ils exigent que tous, à tous les niveaux, participent à leur mise en œuvre ; et acceptent les contraintes que cela entraînera.

Je terminerai en disant que, bien au contraire j’espère, que beaucoup parmi vous adhéreront à ces objectifs et accepteront d’aider mon gouvernement à réussir.

Il y va de l’intérêt bien compris du pays et je serai attentif à toutes les propositions constructives qui pourront être faites.

Essayons d’oublier nos querelles assez inintéressantes et sans portée, pour nous allier sur un projet ambitieux qui, s’il réussit, nous rendra à nouveau fier de notre pays et pourra rendre les Tunisiens plus heureux.

3 commentaires:

  1. LE NOUVEAU CHEF DU GOUVERNEMENT CONFIRME SON INDÉPENDANCE DES PARTIS !

    Et c'est une bonne chose pour la Tunisie qui n'a que trop souffert des gouvernements des partis que fait et défait Ghannouchi selon ses desiderata et qui se fout des Tunisiens et de la Tunisie !

    Bon point pour Monsieur Mechichi !!

    https://www.leaders.com.tn/article/30405-mechichi-a-tranche-pourquoi-s-est-il-resolu-a-former-un-gouvernement-de-competences-totalement-independantes

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  2. Hichem MECHICHI, UNE CHANCE POUR LES TUNISIENS ?

    Jean-Pierre Ryf :

    La position du Premier Ministre désigné :

    Le premier Ministre désigné, vient de déclarer officiellement et cela malgré les demandes répétées d'Ennahdha, qu’il allait former un gouvernement de compétences non partisanes.

    C’est là une déclaration capitale, qui est dans la suite de la décision du Président, qu’il faut analyser et comprendre.

    Disons d’abord - ce que tout le monde a compris -, qu’il s’agit d’une claque magistrale aux islamistes mais également à tous les partis politiques. Même si le Premier Ministre l'a dit avec beaucoup plus de diplomatie !

    Est-ce anormal ? Et le peuple va-t-il l’accepter ?

    Pour ma part je pense que cette décision forte de mettre à l’écart les partis politiques, est la bienvenue et qu’elle était attendue par la grande majorité du peuple tunisien.

    Elle est justifiée par le fait que les partis ont montré très largement leur absolue nullité, leur corruption, leur absence de patriotisme et, en réalité, de conviction et de programme pour redresser le pays.

    Cette décision du Premier Ministre nous dit, en réalité, clairement deux choses :

    - La première, c’est qu’il y a en Tunisie des partis dangereux et je pèse mes mots.
    Le Président l’avait laissé entendre dans quelques messages dit avec diplomatie. Il avait montré du doigt des partis (les partis islamistes) qui veulent usurper des pouvoirs que la Constitution ne leur donne pas. (Rappelez-vous le rôle de Gannouchi avec la Turquie et le Qatar en tant que Président de l’Assemblée !)
    Il a aussi évoqué à demi-mots des menées contre le pouvoir.
    Et chaque Tunisien sait quel danger cela représente par la main mise sur l’Administration et la Justice en plaçant leurs hommes sans souci de compétence mais pour mettre ces institutions à genoux, ce qui est un immense danger.

    - Il y a aussi des partis moins dangereux mais complètement incompétents et sans patriotisme, sans programme; inféodés aux islamistes dans l'espoir de miettes du pouvoir.
    Dés lors quoi d’étonnant à ce que ces partis dangereux et incompétents soient mis à l’écart ?

    (Suite ci-après)

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  3. (Suite)

    Mais il ne faudrait pas s’arrêter seulement à cet aspect purement négatif de ces décisions.
    Elles ont, en réalité, un aspect très positif, car ce recours à des « personnes compétentes, sans liens partisans », ne signifie pas, contrairement à ce que l’on dit parfois, une absence de politique mais bien au contraire un retour à la vraie politique, celle des programmes et de l’action.

    Ces personnalités ne sont affiliées à aucun parti mais, croyez-le bien, elles ont des convictions réellement politiques pour faire progresser le pays.
    C’est en réalité de la vraie politique alors que jusqu’à maintenant, c’était un théâtre d’ombres où chacun se gargarisait à qui mieux mieux de mots comme « révolution », « démocratie » ... tout en se livrant à des jeux de cour de récréation entre garnements !

    Alors qu’elle sera cette politique ?

    Il est difficile de le dire clairement sans connaître le nom des Ministres et du discours programme mais on peut tout de même, penser qu’il y a un certain nombre d’évolutions claires :
    - D’abord clairement, il s’agit d’une mise à l’écart des islamistes de toute nature et de leurs nuisances.
    C’est capital et il n’y a qu’à voir leurs agitations, leurs menaces; pour comprendre la portée de cette évolution capitale et salvatrice.
    - En second lieu, le curriculum vitae du Premier Ministre peut laisser penser que ce grand commis de l’Etat va redonner à la Tunisie son ancrage méditerranéen proche de l’Italie et de la France et mettre un terme net avec la tentative de colonisation par la Turquie et par le Qatar.
    - Ce grand commis de l’Etat va, sans aucun doute vouloir redonner à l’Administration et aux Services de l’Etat, leur efficacité et leur neutralité mises à mal par les islamistes.
    - Enfin, je pense que ce nouveau pouvoir fera une politique libérale sur le plan économique mais aura la volonté de mettre plus de justice sociale à la fois entre les régions du pays et entre les citoyens.

    J’ai donc l’espoir que tout cela sera très positif et même si le travail sera long et difficile, le sens, la direction de ce projet iront dans le bon sens.

    J’ajouterai enfin que j’ai aussi l’espoir que la formation et l’expérience de ce nouveau Premier Ministre, seront un contrepoids utile à qui me semble le caractère un peu « utopiste » du Président.

    Au total, beaucoup de positifs mais attendons la suite pour voir confirmer ces analyses.

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