mercredi 12 août 2020

Histoires et Significations des noms des rues du vieux Tunis

Café "la'richa", dans le quartier de la mosquée Zitouna
Plan de la médina de Tunis



Avant 1885, les rues de la Médina de Tunis ne portaient aucun nom. Il n’y avait pas de panneaux de signalisation, ni de numéros pour s’y retrouver. Elles étaient juste nommées verbalement par les habitants de la ville. 
Ce n’est qu’en 1885, après le décret du Bey relatif à la réorganisation de la Municipalité de Tunis, qu’une décision a été prise pour officialiser le nom de ces rues par des plaques et panneaux signalétiques
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L’origine des noms de ces rues peut être regroupée en dix groupes :

1 - Noms d’origine topographique

La principale voie urbaine de Tunis était centrée autour de Bab Suweika (porte du petit souk) et Bab el Jazira (porte de l'île), en passant par Sidi Mehrez, Souk el Hout (souk aux poissons), Souk el Grarna (souks aux grains), Sidi Saber et el Sabbaghin (les teinturiers).

Au fil du temps, le « mur » de la vieille ville, en ruine a fini par s’effondrer pour disparaître complètement. La municipalité de Tunis a ensuite établi une ceinture périphérique autour de la ville, dont beaucoup dont les rues auront de nouveaux noms.

Cependant, la partie du mur qui ne s’est pas effondrée, a été démolie en 1959. Elle s’étendait de Bab el Khadhra jusqu’à Bab el Karjani, en passant par la Kasbah.  

2 - Noms d’origine botanique

L’expansion de l’urbanisation dans la vieille ville jusqu’aux terres agricoles, a joué un rôle déterminant dans la nomination des rues.

Cependant, le nom de la mosquée Zitouna n’a pas été choisi à cause de la présence d’un grand olivier au centre de la ville, comme cela se dit, mais parce que la mosquée a été édifiée sur l’emplacement d’un ancien couvent byzantin du nom de sainte Olive que les conquérants arabes ont traduit par Zitouna.

Mais il existe des rues portant le nom d’arbres fruitiers tel que rue el Khoukh (pêcher) ou encore rue Ellaymoun (citronnier) mais aussi ceux dont le nom s’inspire de fleurs tel que rue el Machmoum (bouquet de jasmin) ou encore la rue el Yasmine (jasmin). 

3 - Noms d’origine animale

Si la ville de Tunis comme d’autres villes se sont vu interdire l’élevage d’animaux dans les zones urbaines, c’était différent pour les grandes banlieues de la ville où les animaux de trait des charretiers (ânes, mulets et chevaux) vivaient dans des écuries dans les cours intérieures des maisons.
C’est en 1901, que cette interdiction va s’étendre à toutes les zones urbaines et les banlieues de la ville de Tunis.
Cependant, les noms d’animaux désignant ces rues, ont été conservé ; comme Najh el Jmal (rue du dromadaire) ou encore Zanket Lahsan (impasse du cheval).

4 - Noms d’origine alimentaire 

Le nom des denrées alimentaires pour subvenir aux besoins des habitants de la ville de Tunis, seront repris pour désigner les rues et les ruelles où sont présents les marchands de ces denrées ou ceux qui sont préposés à leur transformation.
Ainsi on trouve Nahj el Khobz (la rue du pain) ou encore Nahj el Smid (rue de la semoule).

D’autres rues portent le nom d’ustensiles de cuisine, tels que Nahj el Mahres (rue du mortier)Nahj el Ebrik (rue des brik) ou encore Nahj el Kasbah (rue du roseau).

5 - Noms d’origine professionnelle 

Les noms des commerçants et des artisans occupent une grande partie des noms attribués aux rues de la ville, ce qui indique l’importance des métiers dans la vie sociale de la médina de Tunis.

Les artisans et les commerçants tunisiens étaient organisés par corporation autour de la Grande Mosquée dans des souks qui leur étaient dédiés. Les métiers nobles étant disposé tout près de la mosquées et les métiers bruyant et malodorant sont renvoyés vers la périphérie. Tel que Souk el-Attarin (les parfumeurs) et Souk Bashkamiya.

Certaines rues portent le nom d’un un artisan ou d’un ouvrier qui s’y est établi, comme Zanket el Tarzi (impasse du tailleur) ou Zanket el Baweb (impasse du portier).

6 - Noms d’origine ethnique

Beaucoup de rues portent le nom d’une personnalité ou d’une famille importante arabe, qui y possèdent une belle demeure, tel que la rue Abassirue Abdallah et zanket Khouja (impasse Khouja).

7 - Noms d’origine familiale 

La population de Tunis a été caractérisée par une diversité sociale et les habitants étaient divisés en deux catégories  « el Baldeya » (les citadins) et les « Bray'neya » (les étrangers). Pour honorer « el Baldeya », quelques ruelles en portent leur nom tel que zanket Laârab (impasse des arabes) ou encore Nahj el Chourafa (rue des nobles) qui étaient dit-on, des descendants du prophète. 

8 - Noms d’origine islamique 

La propagation de l’Islam a fortement influencé le caractère architectural de la ville de Tunis : rues et ruelles imbriquées et maisons à toits et coins avec dômes et minarets s’élançant vers le ciel, qui confèrent à la ville et à ses environs un caractère islamique évident.

Mais cette influence va-au-delà de l’architecture puisque plusieurs rues et ruelles ont une référence religieuse ou renvoient à une personnalité musulmane tel que rue Jamaâ el Zitouna (rue de la mosquée Zitouna)Zanket Sidi Mahrez ou rue el Wali (rue du gouverneur).

9 - Rue d’origine folklorique

Plusieurs noms sont inspirés d’événements folkloriques ou liés à des croyances populaires alors que d’autres noms semblent très étranges et inexplicables. On peut citer Nahj el Kenz (rue du trésor) ou encore Zanket el Ghoul (impasse de l’ogre).

10 - Noms d’origine française

Les noms d’origine françaises sont entrés dans la désignation des noms de la vieille ville de Tunis, grâce à la présence d’une petite communauté française dans la Médina.

Les autres noms de rues d’origine française que l’on rencontre dans la Médina et ses faubourgs, sont postérieurs à 1881 (date du protectorat de la France sur la Tunisie) comme : rue Devoize qui rappelle le nom d’un Consul général de France, rue du Tribunal, rue Catherine du nom d’une dame qui tenait un bar.

PS : Pour en savoir plus, lire le livre d’Arthur Pellegrin  « Le vieux Tunis. Les noms de rues de la ville arabe. Etude de toponymie urbaine ».

Article revu et complété par Rachid Barnat

4 commentaires:

  1. Bon pour la mémoire collective

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  2. Elles sont bien jolies ces rues...Le choix de l'origine des noms est plus intelligent que celui du patronyme des "Grands Hommes" fait par la France. Comme on déboulonne les statues il faut souvent débaptiser les rues !

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  3. SEMANTIQUE POPULAIRE ...

    Pour nommer le traître, le lâche, le collabo, le vendu .... les tunisiens utilisent un mot " tahhane" dérivé du mot "thin" qui est le produit du grain moulu ... en référence au sac de farine sous lequel la police française cachait les délateurs qui leur donnaient le nom des résistants durant l'occupation de la Tunisie, par reconnaissance visuelle à travers deux trous pratiqués dans le sac devant les yeux !

    "Tahhane", mot pour dire l'absence de "rjoulia" (de virilité), chez les délateurs, et qui va désigner par extension, l'homosexuel.

    https://www.facebook.com/photo?fbid=2116591905141748&set=a.677328559068097

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  4. Zaher Kammoun : La Tunisie romaine, architecture et urbanisation

    http://zaherkammoun.com/2015/05/31/la-tunisie-romaine-architecture-et-urbanisation-premiere-partie/?fbclid=IwAR0szz06rSuHR6jcYO0mAY_PjIiNmttP-tBR6fduf0Mq0c0D8RkFFdTBIXU

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