Avant 1885, les rues de la Médina de Tunis ne portaient aucun
nom. Il n’y avait pas de panneaux de signalisation, ni de numéros pour s’y
retrouver. Elles étaient juste nommées verbalement par les habitants de la
ville.
Ce n’est qu’en 1885, après le décret du Bey relatif à la
réorganisation de la Municipalité de Tunis, qu’une décision a été prise pour officialiser le nom de ces rues par des plaques et panneaux signalétiques.
L’origine des noms de ces rues peut être regroupée en
dix groupes :
1 - Noms d’origine topographique
La principale voie urbaine de Tunis était centrée autour de Bab
Suweika (porte du petit souk) et Bab el Jazira (porte de l'île), en passant par Sidi Mehrez, Souk el Hout (souk aux poissons), Souk el Grarna (souks aux grains), Sidi Saber et el Sabbaghin (les teinturiers).
Au fil du temps, le
« mur » de la vieille ville, en ruine a fini par s’effondrer pour
disparaître complètement. La municipalité de Tunis a ensuite établi une ceinture
périphérique autour de la ville, dont beaucoup dont les rues auront de nouveaux
noms.
Cependant, la partie du mur qui ne s’est pas effondrée, a été
démolie en 1959. Elle s’étendait de Bab el Khadhra jusqu’à Bab el Karjani, en
passant par la Kasbah.
2 - Noms d’origine botanique
L’expansion de l’urbanisation dans la vieille ville jusqu’aux
terres agricoles, a joué un rôle déterminant dans la nomination des rues.
Cependant, le nom de la mosquée Zitouna n’a pas été choisi à
cause de la présence d’un grand olivier au centre de la ville, comme cela se
dit, mais parce que la mosquée a été édifiée sur l’emplacement d’un ancien
couvent byzantin du nom de sainte Olive que les conquérants arabes ont traduit
par Zitouna.
Mais il existe des rues portant le nom d’arbres fruitiers tel
que rue el Khoukh (pêcher) ou
encore rue Ellaymoun (citronnier) mais aussi ceux dont le nom
s’inspire de fleurs tel que rue el Machmoum
(bouquet de jasmin) ou encore la rue el
Yasmine (jasmin).
3 - Noms d’origine animale
Si la ville de Tunis comme d’autres villes se sont vu interdire
l’élevage d’animaux dans les zones urbaines, c’était différent pour les grandes
banlieues de la ville où les animaux de trait des charretiers (ânes, mulets et
chevaux) vivaient dans des écuries dans les cours intérieures des maisons.
C’est en 1901, que cette interdiction va s’étendre à toutes les
zones urbaines et les banlieues de la ville de Tunis.
Cependant, les noms d’animaux désignant ces rues, ont été conservé ;
comme Najh el Jmal (rue
du dromadaire) ou encore Zanket Lahsan (impasse
du cheval).
4 - Noms d’origine alimentaire
Le nom des denrées alimentaires pour subvenir aux besoins des
habitants de la ville de Tunis, seront repris pour désigner les rues et les ruelles
où sont présents les marchands de ces denrées ou ceux qui sont préposés à leur
transformation.
Ainsi on trouve Nahj el Khobz (la rue du pain) ou encore Nahj el Smid (rue de la semoule).
D’autres rues portent le nom d’ustensiles de cuisine,
tels que Nahj el Mahres (rue
du mortier), Nahj el Ebrik (rue
des brik) ou encore Nahj el Kasbah (rue
du roseau).
5 - Noms d’origine professionnelle
Les noms des commerçants et des artisans occupent une grande
partie des noms attribués aux rues de la ville, ce qui indique l’importance des
métiers dans la vie sociale de la médina de Tunis.
Les artisans et les commerçants
tunisiens étaient organisés par corporation autour de la Grande Mosquée dans
des souks qui leur étaient dédiés. Les métiers nobles étant disposé tout près
de la mosquées et les métiers bruyant et malodorant sont renvoyés vers la
périphérie. Tel que Souk el-Attarin (les
parfumeurs) et Souk Bashkamiya.
Certaines rues portent le nom d’un un artisan ou d’un
ouvrier qui s’y est établi, comme Zanket el Tarzi (impasse du tailleur) ou Zanket el Baweb (impasse du portier).
6 - Noms d’origine ethnique
Beaucoup de rues portent le nom d’une personnalité ou d’une
famille importante arabe, qui y possèdent une belle demeure, tel que la rue Abassi, rue
Abdallah et zanket Khouja (impasse
Khouja).
7 - Noms d’origine familiale
La population de Tunis a été caractérisée par une diversité
sociale et les habitants étaient divisés en deux catégories « el Baldeya »
(les citadins) et les « Bray'neya » (les étrangers). Pour honorer « el
Baldeya », quelques ruelles en portent leur nom tel que zanket Laârab
(impasse des arabes) ou encore Nahj el
Chourafa (rue des nobles) qui étaient dit-on, des descendants
du prophète.
8 - Noms d’origine islamique
La propagation de l’Islam a fortement influencé le caractère
architectural de la ville de Tunis : rues et ruelles imbriquées et maisons à
toits et coins avec dômes et minarets s’élançant vers le ciel, qui confèrent à
la ville et à ses environs un caractère islamique évident.
Mais cette influence va-au-delà de l’architecture puisque
plusieurs rues et ruelles ont une référence religieuse ou renvoient à une personnalité
musulmane tel que rue Jamaâ el
Zitouna (rue de la mosquée Zitouna), Zanket Sidi Mahrez ou rue el Wali (rue du gouverneur).
9 - Rue d’origine folklorique
Plusieurs noms sont inspirés d’événements folkloriques ou liés à
des croyances populaires alors que d’autres noms semblent très étranges et
inexplicables. On peut citer Nahj el Kenz (rue du trésor) ou encore Zanket el Ghoul (impasse de l’ogre).
10 - Noms d’origine française
Les noms d’origine françaises sont entrés dans la désignation
des noms de la vieille ville de Tunis, grâce à la présence d’une petite
communauté française dans la Médina.
Les autres noms de rues d’origine française que l’on
rencontre dans la Médina et ses faubourgs, sont postérieurs à 1881 (date du protectorat
de la France sur la Tunisie) comme : rue Devoize qui rappelle le nom d’un
Consul général de France, rue du Tribunal, rue Catherine du nom d’une dame qui
tenait un bar.
PS : Pour en savoir plus, lire le livre d’Arthur Pellegrin
« Le vieux Tunis.
Les noms de rues de la ville arabe. Etude de toponymie urbaine ».
Article revu et complété par Rachid Barnat
Bon pour la mémoire collective
RépondreSupprimerElles sont bien jolies ces rues...Le choix de l'origine des noms est plus intelligent que celui du patronyme des "Grands Hommes" fait par la France. Comme on déboulonne les statues il faut souvent débaptiser les rues !
RépondreSupprimerSEMANTIQUE POPULAIRE ...
RépondreSupprimerPour nommer le traître, le lâche, le collabo, le vendu .... les tunisiens utilisent un mot " tahhane" dérivé du mot "thin" qui est le produit du grain moulu ... en référence au sac de farine sous lequel la police française cachait les délateurs qui leur donnaient le nom des résistants durant l'occupation de la Tunisie, par reconnaissance visuelle à travers deux trous pratiqués dans le sac devant les yeux !
"Tahhane", mot pour dire l'absence de "rjoulia" (de virilité), chez les délateurs, et qui va désigner par extension, l'homosexuel.
https://www.facebook.com/photo?fbid=2116591905141748&set=a.677328559068097
Zaher Kammoun : La Tunisie romaine, architecture et urbanisation
RépondreSupprimerhttp://zaherkammoun.com/2015/05/31/la-tunisie-romaine-architecture-et-urbanisation-premiere-partie/?fbclid=IwAR0szz06rSuHR6jcYO0mAY_PjIiNmttP-tBR6fduf0Mq0c0D8RkFFdTBIXU