Si Bourguiba avait influencé les destouriens dans l'élaboration de la constitution de 1959, somme toute progressiste à bien des égards; son ennemi juré Ghannouchi, lui n'aura de cesse que de détricoter tout ce que les destouriens avaient réalisé, pour en finir avec la République et le CSP ! Pour commencer, il va rejeter la constitution de 1959 pour lui substituer une constitution islamiste minée, et opter pour un régime parlementaire bâtard pour paralyser les pouvoirs exécutifs et par la même le pays.
Il ne reste aux destouriens qu'à reprendre du service pour l'empêcher d'accomplir son funeste projet de ramener la Tunisie au statut de colonisée et de restaurer un régime présidentiel, l'expérience du parlementarisme ayant échoué avec les gouvernements des partis, dominés par le machiavélique Ghannouchi dont la constitution faite par et pour les Frères musulmans permet le maintien d'Ennahdha au pouvoir.
Vivement la Troisième République !
R.B
La Constitution
du 1er Juin 1959 : une naissance difficile
La Tunisie célèbre cette année le 61éme de
la constitution du 1er Juin 1959. Cette constitution est la première en Tunisie,
dans les temps modernes, à consacrer la souveraineté du peuple, instaurant
l’égalité entre tous les citoyens et les citoyennes, quelles que soient leur
race, leur appartenance sociale ou leur fortune.
Si je fais cette
distinction chronologique, c’est parce qu’une telle constitution existait à
l’époque carthaginoise, et Aristote lui-même en a fait l’éloge, la préférant à
la majorité des constitutions connues de son temps, notamment dans les cités
grecques.
Quant au fait de
considérer la Constitution de 1959 comme la première à avoir consacré la
souveraineté du peuple, cela est dû d’une part, à la promulgation, au XIXème
siècle du Pacte Fondamental connu sous le nom de « Ahd El Amen » instaurant
l’égalité entre les citoyens de différentes confessions, et d’autre part à la
Constitution du 26 avril 1861.
Ces deux textes ne
provenaient pas d’une conviction du Bey de l’époque, mais lui avaient été
imposés par les consuls étrangers, notamment le consul français Léon Roche et
le consul anglais Richard Wood, qui sont allés jusqu’à menacer le Bey d’une
attaque navale et d’une destitution.
Une constitution sous la pression des
puissances étrangères
Le Pacte Fondamental
publié le 9 Septembre 1857 est survenu à la suite de la pendaison d’un juif
pour blasphème contre l’Islam.
Ce texte avait pour but de préserver d’une part la sécurité des
citoyens Tunisiens, abstraction faite de leur appartenance religieuse, et
d’autre part donner des privilèges aux ressortissants étrangers.
Quelques années plus tard, le Bey fut obligé de promulguer une
constitution inspirée de la constitution ottomane («Ettandimet») qui conférait
le plein pouvoir au Bey et instaurait un Conseil Supérieur de 60 personnes
chargées de légiférer.
Cette dernière
constitution a été élaborée par une commission restreinte où le Consul Français
jouait un rôle important; d’ailleurs le projet avait été présenté à Napoléon
III qui avait donné son agrément lors de sa visite à Alger au mois de Décembre
1860.
Par cette constitution, le lien ombilical avec l’Empire
Ottoman a été définitivement rompu, et la religion musulmane n’y avait pas une
place prépondérante, ce qui a provoqué une indifférence du peuple à son égard,
d’autant plus qu’elle privilégiait les Janissaires au détriment des
autochtones.
Dans ce contexte,
Mhamed Bey fit le serment de respecter cette constitution, suivi en cela par
Sadok Bey. Cependant, ce dernier se rétracta lors de la révolte de Ali Ben
Ghdhahem du 24 Avril 1864.
Le Président Bourguiba, dans son discours devant l'Assemblée
Constituante, le 1er Juin 1959, a qualifié le Pacte Fondamental de 1857 de
scandaleux, bien que les premiers leaders du mouvement de libération nationale
l’ayant reconnu comme référence historique, aient demandé au Gouvernement
Français de doter le pays d’une nouvelle constitution. C’est la raison pour
laquelle ils ont baptisé leur mouvement, le Destour.
Depuis la signature du
Protocole du 3 Juin 1955 qui avait conféré à la Tunisie l’autonomie interne,
l’idée était venue d’instituer une nouvelle constitution consacrant la
souveraineté du peuple, ce qui fut réalisé le 1er Juin 1959 ; et vu
l’importance de cet événement, ce jour fut déclaré fête nationale, d’autant
plus qu’il coïncidait avec la date-anniversaire du retour d’exil de Bourguiba
le 1er Juin 1955.
Avant d’analyser le contenu de cette
constitution, il est nécessaire de mettre l’accent sur deux événements à
l’origine de sa promulgation :
- Le premier est la signature par le Bey du décret convoquant une
Assemblée Constituante à se réunir le 8 avril 1956 afin d’élaborer une
constitution pour le pays, dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle.
Cet événement est survenu le 29 Décembre 1955, quelques mois
après la signature du protocole du 3 Juin 1955.
Le Gouvernement de
l’autonomie interne, présidé par Tahar Ben Ammar, fut exhorté par les leaders
du mouvement national pour demander au Bey la convocation d’une assemblée
constituante élue par le peuple.
En réalité, on avait forcé la main au Bey qui fut obligé
d’acquiescer, bien que ce dernier eût préféré nommer une commission et la
charger de l’élaboration d’une constitution de type monarchique.
Des élections furent organisées le 25 Mars 1956, date qui avait
été fixée avant la Déclaration de l’indépendance; seuls les hommes y prirent
part.
Le Front National rassemblant le Parti du Néo Destour, l’Union
Générale Tunisienne du Travail, le patronat, et l’Union des Agriculteurs rafla
les 98 places de l’Assemblée Constituante.
Parmi les élus figuraient des personnalités qui entretenaient
avec le Bey et la Résidence Générale de fortes relations .
Certains Destouriens, et en particulier des étudiants, ont
critiqué la présence de ces personnalités dans cette Assemblée.
Bourguiba, quant à lui, ne voyait pas cela du même œil, car,
selon lui, leur présence était de nature à calmer l’inquiétude des milieux
pro-français encore puissants à la veille de l’indépendance.
Les élections se sont déroulées selon le suffrage universel
masculin, au scrutin de liste bloquée, ce qui avait pour but d’empêcher tout comportement tribal.
C’est ainsi
que le Parti du Néo Destour a remporté un grand succès qui lui a permis, depuis
cette date, de dominer la scène politique tunisienne.
- Le deuxième événement a été la proclamation de la République, le
25 Juillet 1957, avant même la promulgation de la constitution.
La plupart des compagnons de lutte de Bourguiba n’avaient
aucunement l’intention de mettre fin à la Monarchie; la preuve en était
l’orientation du congrès du parti, tenu le 15 Novembre 1955 à Sfax, vers
l’instauration d’une Monarchie Constitutionnelle.
Cette orientation ne convenait pas aux aspirations profondes de
Bourguiba vers un régime républicain, et à sa répugnance à l’égard des Beys dont
le patriotisme, d’après lui, laissait à désirer, à l’exception de feu Moncef Bey, bien entendu.
L’exemple de Mohamed
Lamine Bey qui était soumis aux réformes exigées par le Résident Général De
Hautecloque le 21 Décembre 1952, ainsi qu’aux exigences du Résident Général
Voisard relatives aux municipalités, et ce malgré l’opposition du peuple,
révèle sa faiblesse et sa traîtrise. C’est la raison pour laquelle le mouvement
national décida la liquidation de Chédli Kastalli, directeur du journal
Ennahdha, qui était tête de liste aux élections municipales de Tunis, déroulées
le 3 Mai 1953.
Bourguiba qui s’était opposé à ces réformes, avait adressé un
message au Bey sur un ton patriotique, l’incitant à ne pas céder aux pressions
du Résident Général, mais ce fut peine perdue, car la famille husseinite
s’était rapprochée davantage du Résident Général, provoquant ainsi la colère du
peuple, surtout quand le prince héritier Azzedine Bey fut chargé de présenter
ses vœux, à l’occasion du nouvel an, au Résident Général.
La réplique du mouvement national fut sans merci, avec
l’exécution du prince héritier par Hédi Ben Jaballah. Ce dernier fut jugé et
condamné à mort; la sentence fut exécutée le 14 Avril 1956 en présence de ses
deux avocats, Maîtres Ammar Dakhlaoui et Abdelmajid Ben Aissa.
D’après Maître Dakhlaoui, le condamné, sur son chemin vers le
peloton d’exécution a fait preuve de beaucoup de courage et, a entre autres,
refusé qu’on lui bande les yeux, et a préféré prier derrière son avocat plutôt
que derrière l’imam envoyé à cet effet. Le bruit de la fusillade s’était mêlé à
la voix du martyr criant « Vive la Tunisie, Vive Bourguiba».
La haine réciproque entre le Bey et Bourguiba a poussé ce
dernier à prendre des mesures préventives contre le Bey, dès sa nomination en
tant que Premier Ministre.
Parmi ces mesures figuraient l’incorporation de la Garde
Beylicale dans l’Armée Nationale, la réduction de la liste civile du Bey, la désignation d’un fonctionnaire du
Ministère des Finances pour gérer les biens personnels du Bey, la suppression
de l’immunité des membres de la famille beylicale à l’exception de sa personne,
et la prise en charge par le Gouvernement tunisien de la diffusion
radiophonique.
Toutes ces mesures ont eu pour conséquence l’affaiblissement du
pouvoir du Bey et ont précipité la proclamation de la République, le 25 Juillet
1957.
Ce jour-là, tout était mis en œuvre dès le matin pour permettre au Conseil
Constitutif de voter pour l’instauration du régime républicain et la mise en
application de cette décision le jour même, et ce en désignant Bourguiba
provisoirement à la tête de cette République, qui fut proclamée avant que la
constitution ne voie le jour.
Le différend Bourguiba-Ben Youssef
Aussi, sommes-nous amenés à nous interroger sur les raisons qui
ont retardé l’avènement de cette constitution. L’une des raisons est le conflit
qui a opposé Bourguiba à Salah Ben Youssef, entraînant le pays dans
l’instabilité. En effet, Salah Ben Youssef considérait que le protocole de
l’autonomie interne est un pas en arrière sur le chemin de l’indépendance.
Bourguiba a profité de cette prise de position négative pour exhorter la France
à parachever l’indépendance du pays qui, une fois obtenue, rendait l’opposition
de Ben Youssef inappropriée.
Les tentatives de réconciliation entre les deux leaders ont
échoué et Salah Ben Youssef a remanié son discours en lui donnant un fondement
arabo-islamique, soutenant que l’indépendance de la Tunisie restait tributaire
de l’indépendance de l’Algérie. Ce discours a trouvé un écho favorable auprès des
combattants algériens qui ont participé aux côtés des partisans de Ben Youssef
à semer la discorde.
Le même écho favorable a été enregistré du côté du régime
égyptien qui a soutenu Ben Youssef non pas pour des raisons personnelles mais
plutôt politiques ; il se trouvait que le président égyptien Jamel Abdel Nasser
s’était rapproché de l’URSS qui avait équipé l’armée égyptienne et avait aidé
l’Egypte dans la construction du grand barrage d’Assouan. L’URSS est donc
devenue l’alliée des pays arabes dits progressistes.
En revanche, Bourguiba se considérait comme l’allié des USA et a
lui-même dit expressément dans son discours du 18 Janvier 1956 devant
l'Assemblée Constituante , qu’il ne pouvait faire confiance à la Russie,
qu’elle soit Tsariste ou Communiste, et qu’il approuvait les propositions du
Président Eisenhower dont le pays n’avait jamais déclaré la guerre à quiconque
même s’il a été impliqué dans la guerre pour défendre les libertés. Il a terminé
son discours en glorifiant les Etats-Unis et en précisant son choix stratégique
en faveur de cette grande puissance.
Les sous-entendus de ce discours donnaient à penser que les
Etats-Unis avaient suffisamment d’influence sur la France pour la pousser à parfaire
l’indépendance avec l’évacuation des forces militaires françaises, sans
laquelle l’indépendance n’aurait aucune valeur.
Le rapprochement bilatéral entre l’Egypte et l’URSS d’un côté,
et la Tunisie et les USA de l’autre côté, a créé une tension entre les deux
pays frères et a permis à Salah Ben Youssef d’être le favori du régime
égyptien.
Ces divergences politiques ont donc pris un caractère idéologique,
ajoutons à cela la politique de réforme et de modernisation menée par Bourguiba
et qui était basée sur une interprétation moderniste de l’Islam. Cela a conduit
le pays à adopter une législation interdisant la polygamie et la répudiation,
autorisant l’adoption et l’avortement et supprimant les habous. Bourguiba est
allé jusqu’à demander aux travailleurs et aux forces vives du pays de ne pas
pratiquer le jeûne du Ramadan.
Cette ambiance libérale vis-à-vis de la religion n’a pas manqué
de créer une tension à l’intérieur du pays, et une certaine hostilité de la
part des pays arabes qui ont qualifié le régime tunisien de laïque (pour ne pas dire athée), comparant
Bourguiba à Atatürk.
L’Egypte en particulier n’a pas manqué d’exprimer son désaveu et
a renforcé en conséquence son soutien à Ben Youssef. Ce dernier n’était
d’ailleurs pas le seul à propager un message négatif sur la place accordée à
l’Islam en Tunisie. L’Imam d’El Azhar, originaire du sud tunisien, nommé à ce
poste en 1952, le Cheikh Mohamed Kedher Hassine était lui aussi hostile aux
réformes réalisées en Tunisie et n’a pas manqué de ternir l’image de Bourguiba
en Egypte.
Le régime égyptien a mis à la disposition de Salah Ben Youssef
tous les moyens susceptibles de nuire à la Tunisie. Bourguiba, de son côté, n’a
pas manqué d’évoquer dans son discours du 16 Octobre 1958 devant l'Assemblée
Constituante, la gravité de la situation, allant jusqu’à incriminer Hassine
Echafii, membre du Conseil de la Révolution Égyptienne, venu en Tunisie pour
participer aux festivités du 1er anniversaire de l’indépendance, en l’accusant
d’organiser à l’ambassade égyptienne des rencontres secrètes avec les partisans
de Ben Youssef.
Les retombées de l'agression contre Sakiet
La deuxième raison du retard dans l’élaboration de la
constitution fut l’agression perpétrée par l’aviation française sur le village
frontalier de Sakiet Sidi Youssef.
Il se trouve que la tension était montée d'un cran depuis la capture de 4 soldats français par les combattants du FLN.
Il se trouve que la tension était montée d'un cran depuis la capture de 4 soldats français par les combattants du FLN.
L’armée française en Algérie croyait que les combattants
algériens qui avaient toujours trouvé refuge en Tunisie, avaient amené les
otages sur le sol tunisien. Un raid aérien donc a été décidé et exécuté
immédiatement le 28 Février 1958 avec le concours de 25 avions militaires, causant
la mort de 130 personnes dont des élèves d’une école primaire, et blessant 400
autres personnes.
Une grande colère a éclaté dans tout le pays. Bourguiba a
exploité cet événement douloureux pour demander l’évacuation de toutes les
forces militaires françaises en Tunisie, et en a saisi le Conseil de Sécurité
de l’ONU.
Nous étions alors au summum de la Guerre Froide. Aussi, Les
Américains ont-ils essayé de résoudre cette crise loin du Conseil de Sécurité
afin d’empêcher l’URSS de jouer tout rôle dans son règlement.
Une mission américano-britannique de bons offices a été
constituée, et est parvenue à un compromis le 15 Mars 1958, selon lequel
l’armée française se retirerait de tout le territoire tunisien, à l’exception
de Bizerte, dans un délai de 4 mois.
Cet accord fut soumis par Félix Gaillard, chef du Gouvernement
français à l’Assemblée Nationale qui a voté une motion de censure contre le
gouvernement. Une crise politique s’en est suivie, aboutissant à la chute de la
IVème République.
Devant l’importance de ces événements, l’attention accordée à la
Constitution s’était quelque peu relâchée. Cette constitution tant attendue
devait retarder son apparition.
- La troisième et dernière cause de ce retard, mais non la moindre, était la volonté de Bourguiba d’installer un régime républicain de type présidentiel, en l’imposant dans la pratique avant que la Constitution ne l’adopte.
La volonté de Bourguiba découlait de sa conviction qu’un jeune
Etat ne pouvait pas se permettre les secousses d’un régime parlementaire, d’autant
plus que la majorité des élus n’avaient pas les moyens intellectuels
nécessaires pour assumer leur rôle dans un régime parlementaire. Aussi, la
Constitution devrait-elle attendre que les mentalités changent et que les
compagnons de Bourguiba soient convaincus du régime présidentiel.
Débats houleux à l'Assemblée Constituante
Si les événements vécus par le pays ont contribué à retarder la
promulgation, il n’empêche que l’intensité de la polémique au sein de l'Assemblée Constituante a nécessité de nombreuses séances de débat sur
différents points relatifs notamment à la religion de l’Etat, à la
participation de la Femme, à la vie politique, à la double nationalité, et au
statut du député et son indépendance.
En effet l’article 1er du projet de constitution prévoyait que
la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, sa religion est
l’Islam, sa langue l’arabe, et son régime la République. Cet article a été voté
le 25 Juillet 1957 sans aucune objection, et Bourguiba fut aussitôt proclamé
Président de la République Tunisienne.
Les séances se succédèrent et certains élus, exploitant le
conflit tuniso-égyptien se déclarèrent contre l’un des points de l’article 1, à
savoir la religion de l’Etat. Ils soutinrent que la République ne peut être que
laïque par définition. Parmi ces élus, Mohamed El Ghoul, qui, tout en
proclamant son attachement à l’Islam, trouvait que l’affirmation dans l’article
1 d’un Etat dont la religion est l’Islam pourrait susciter une inquiétude chez
les communautés non musulmanes ajoutant qu’il n’y avait plus de raison pour
maintenir l’article 1er dans les termes qui ont été votés. Cette proposition a
rencontré une forte opposition parmi les élus, notamment Ali Belhaouane,
Mohamed Ben Romdhane, Mohamed Bellalouna et Taieb Miladi.
L’intervention d’Ali Belhaouane a été une véritable plaidoirie
en faveur de l’identité du pays, qui à travers des siècles a su préserver son
appartenance arabo-musulmane, malgré les tentatives des colonisateurs; Maître
Bellalouna, quant à lui, a adhéré à ce discours, ajoutant que la Constitution
devrait contenir une clause qui rendrait l’article 1 immuable afin de
préserver les principes fondamentaux : la République, la langue, et la
religion. Cette dernière proposition a été contrecarrée par les propos de Salah
Ghalaoui et d’autres élus qui trouvaient que c’était une manière de douter des
capacités des générations à venir.
Pour Ahmed Ben Salah, l’article n’était plus conforme à
l’orientation prise par le pays après le congrès de Tanger, et qu’il fallait
mentionner que la Tunisie, tout en étant libre et indépendante, faisait partie
du Grand Maghreb. Cette dernière précision est à l’origine de l’article 2 qui
stipule que la République Tunisienne constitue une partie du Grand Maghreb
Arabe à l’unité duquel elle œuvre dans le cadre de l’intérêt commun.
Hormis le débat sur l’appartenance religieuse de la Tunisie, la
participation de la Femme à la vie politique a soulevé de grandes divergences,
surtout lors du débat sur les termes de l’article 27 du projet de constitution,
et selon lequel "Est considéré électeur tout citoyen de nationalité
tunisienne".
La discussion portait sur l’interprétation du mot Citoyen et la
question était de savoir si cette notion englobait ou non la femme. Une faction traditionaliste de l'Assemblée soutenait que le mot citoyen ne concernait que
les hommes, vu que l’article 10 du même projet précisait que Tout citoyen a le
droit de circuler librement à l’intérieur du territoire, d’en sortir et de
fixer son domicile dans les limites prévues par la loi. Or, d’après ces élus,
le mot citoyen ne pouvait pas englober la femme qui n’était pas libre de
circuler à sa guise. De ce fait, la femme ne devait pas participer à la vie
politique, par respect aux traditions qui ne lui permettaient pas de sortir et
de participer aux réunions. Les tenants de cette position venaient
principalement de l’intérieur du pays.
Un grand nombre d’intellectuels, avec à leur tête Mahmoud
Materi, Mohamed Bellalouna, Sadok Bousoffara et Azouz Rebai se sont dressés
contre les traditionalistes affirmant que le mot citoyen englobe l’homme et la
femme, et rien ne devait empêcher la femme de participer à la vie politique au
même titre que la plupart des hommes, qui ne les dépassaient pas en
instruction.
Un troisième courant modéré, mené par Bahi Ladgham, Chedli
Ennaifer, et Ahmed Drira préféraient surseoir à ce problème en attendant la
publication du code électoral.
Bourguiba accorde le droit de vote aux femmes
Mais Bourguiba trancha en accordant à la Femme le droit de
participer aux élections municipales de 1957, par un décret paru le 14 Mars
1957, mettant ainsi l'Assemblée Constituante devant le fait accompli. Ainsi la
Femme Tunisienne obtint ses droits électoraux bien avant les femmes d’autres
pays européens.
Parmi les sujets qui ont animé le débat figure le droit à la
double nationalité. Le projet de constitution prévoyait la déchéance de la
nationalité tunisienne en cas d’obtention d’une autre nationalité. Une certaine
élite de l'Assemblée dont Mahmoud Materi et Ahmed Mestiri a critiqué cette
restriction, soutenant qu’à travers le monde la double nationalité et même
plus, était courante, et qu’il serait injuste de priver un Tunisien de sa
nationalité lorsqu’il a un intérêt professionnel ou autre à obtenir une seconde
nationalité. Leurs arguments ont été persuasifs et les articles 6 et 11 ont été
modifiés dans ce sens. Le Conseil a montré une fois de plus sa clairvoyance, sa
foi en l’avenir et son ouverture d’esprit.
A côté de ces choix fondamentaux, le Conseil a délibéré sur le contenu
des articles 40 et 41 du projet de constitution d’après lesquels l’attribution
d’insignes et de décorations est interdite aux députés pendant l’exercice de
leurs fonctions ; de même que la passation de marchés avec l’Etat ou l’octroi
au député d’un bien. Le but de ces interdictions était de tenir le pouvoir
législatif dans la transparence loin de toute tentative de corruption. Ces
dispositions n’ont pas été retenues afin de ne pas heurter la sensibilité du
pouvoir exécutif, surtout que le régime républicain a été choisi sous la forme
d’un régime présidentiel.
Enfin la Constitution vit le jour le 1er Juin 1959. Ce fut une
journée de gloire et de fierté car c’était la réalisation d’un des rêves du
mouvement national dès sa création.
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