dimanche 3 janvier 2016

Aux suivants !

Les tunisiens sont de plus en plus déçus de ceux qui les gouvernent, dont l'amateurisme et pire encore, l'indifférence à leurs espérances finiront par les exaspérer !
R.B
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Tunisie, la grande inquisitrice

Il nous faudra encore apprendre et nous imprégner de beaucoup d'Histoire et de philosophie pour réajuster notre vision du véritable rôle de l'État.
Jean Jacques Rousseau l'avait pourtant très bien explicité dans son traité «Du contrat social» ou «Des principes des droits politiques».

L'État a en effet la légitimité suprême d'exercer son autorité sur son peuple lui garantissant ainsi son existence, parce que d'après Rousseau, l'Homme est un «bon sauvage» qu'il faudra coûte que coûte maîtriser.
On peut conjointement retrouver cette référence chez le grand philosophe anglais Thomas Hobbes dans son œuvre de philosophie politique «le Léviathan» où il nous confie que l'Homme est un loup pour l'Homme, ou « Homo homini lupus est » en latin.

Le pacte social se manifeste à travers une inflexion de la part de l'individu à l'autorité politique de l'État pour exercer la violence légitime.
C'est une sorte de contrat abstrait que nous avons tous signés entre nous-mêmes tacitement après la naissance, et qui stipule que nous acceptions d'allouer notre confiance à l'État pour nous protéger et que nous nous soumettions aux règles du vivre-ensemble.

Bien que de tradition à forte tendance arabo-musulmane, la Tunisie adopte bel et bien un système juridique romano-germanique civiliste. Il en advient que la Tunisie est directement concernée par les fondements historiques de Rousseau, Locke et Hobbes, ces derniers ayant significativement influencé les principes du droit civiliste.
Quels sont ces principes ? La réponse est évidente et restera toujours la même : Liberté, égalité et volonté générale.
Mais cette Tunisie qui se fait récompenser par un Nobel de la paix, conjugué d'un statut de démocratie naissante après une révolution émouvante, trahit rapidement sa promesse faite au monde de respecter cet engagement historique et imminent, et par-dessus tout, trahit sa propre Constitution dite progressiste.

À la lumière des dernières condamnations qui ont visé des artistes pour avoir fumé des joints, des six jeunes homosexuels ayant écopé de la peine maximale, l'arrestation de la jeune fille mineure Afra ben Azza et son humiliation indécente de la part d'officiers d'un poste de police au Kef, l'interpellation d'un couple de jeunes mineurs au quartier El Menzah 1 pour s'être tenus la main, on ne sait plus où on va.
Force est de constater que ces arrestations arrivent parallèlement à des descentes massives et quotidiennes des brigades anti-terrorisme; des arrestations qui ne font pas une unanimité d'heureux, et on n'ose pas croire, quoique fort probable, à l'existence d'une négoce politique répugnante en back-office qui viserait éventuellement à équilibrer la nature des arrestations dans les deux camps.
Si ceci s'avère être vrai, il serait temps de crier haut et fort : Aux suivants !

Méthodiquement, rappeler les fondements de base de "qu'est-ce qu'un État de droit" aux yeux de ses fondateurs comme Rousseau n'est pas à simple titre d'information.
Il est judicieux voire même vital pour nous d'insuffler à nos "politiciens de la médiocrité", la superposition des notions de liberté et d'égalité à la légitimité de faire régner l'ordre autorisée par le pacte social, afin qu'ils puissent inculquer à leur appareil policier la dangerosité du glissement malencontreux vers l'hypertrophie de l'exécutif aux dépens des libertés.
Le cas échéant, nous basculerons honteusement d'un régime démocratique dans le fond à un retour de l'autoritarisme policier, et c'est dans ce même cas que nous crierons encore : Aux suivants !

Le chemin s'avère donc être très long pour les Tunisiens.
Sur la liste, une belle panoplie de lois à retaper, un code pénal obsolète et plusieurs articles anticonstitutionnel.

L'article 52
 qui fait le plus de bruit, et contre lequel le parti Afek mène campagne, envoie en moyenne 5 jeunes tunisiens entre 18 et 35 ans en prison tous les jours.
Si ce chiffre ne crève pas les yeux de nos politiciens et ne se situe pas sur leur ligne de mire pour combattre le terrorisme en amont, il ne faudra plus rien espérer du tout.

De même, l'article 230 pénalisant l'homosexualité de 3 ans de prison est aussi bien anticonstitutionnel qu'injuste - l'Organisation Mondiale de la Santé ayant depuis 1991 rayé l'homosexualité de la liste des maladies mentales pour tous les États signataires de la charte de l'OMS, dont la Tunisie.
Qu'à cela ne tienne si l'État ne veut pas risquer sa crédibilité en imposant des réformes pourtant courageuses et justes, plusieurs autres outils diplomatiques envisageables existent tels que le moratoire qui permet l'arrêt provisoire de l'application d'une loi et l'ouverture d'un débat sérieux à une échelle sociale, conduit uniquement par des experts scientifiques et sans démagogie.
Ce débat en l'occurrence devrait arriver à l'ultime conclusion que ce que fait un citoyen dans le domaine privé ne devrait aucunement être l'affaire de l'État, et qu'il est important de faire valoir la relativité des délits commis face aux peines infligées, car la prison n'est pas toujours la solution la plus appropriée.
L'avantage avec ce genre de moratoires en Tunisie est leur pouvoir infra-constitutionnel et supra-législatif, ainsi que leur convergence assez régulière et générale vers la cessation de l'application au bout de 10 ans. (Cf. Moratoire sur la peine de mort).

Un autre article de la honte figure dans notre code pénal.
L'article 227 bis permet, dans le cas d'un viol, d'annuler toutes les charges saisies contre l'inculpé si ce dernier épouse sa victime.
Cet article existe bel et bien dans la législation de la fameuse deuxième République titulaire d'un Nobel de la paix.

Je ne vous le fais pas dire, c'est révoltant et ceci n'est qu'un euphémisme.
Il ne nous restera donc comme arme que la culture et la riposte, et la culture de la riposte pendant que nous y sommes.
S'insurger contre la grande inquisition de l'État est notre devoir à tous, car la distance entre la sécurité et notre dignité est infinitésimale.

La ligne de démarcation a été franchie, alors allons leur dire : Aux suivants !

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