Fréderic
Koller
Une profession de foi contre le wahhabisme, ce « cancer de l'islam
»
Cheikh Bentounès, le leader spirituel de la confrérie soufie
Alawiyya, pointe la filiation idéologique entre les kamikazes de Paris et les
oulémas saoudiens. Et s’étonne de l’aveuglement de l’Occident face aux
financiers du Golfe .
Une fois de plus, ce sont les Allemands qui ont dégainé les
premiers. Le 6 décembre dernier, le vice-chancelier Sigmar Gabriel brisait
un tabou dans
l’hebdomadaire Bild am Sonntag: l’Arabie saoudite finance des
mosquées wahhabites à travers le monde depuis des décennies, constate-t-il. Or,
« en Allemagne, de nombreux islamistes considérés comme dangereux viennent de
ces communautés ». Son collègue du parti socialiste (SPD, partenaire de la
coalition au pouvoir), Thomas Opperman, ajoute : « Nous allons empêcher
l’Arabie saoudite de financer les mosquées en Allemagne […]» car le wahhabisme
a fourni une «idéologie complète à l’État islamique et contribue à la radicalisation
des musulmans modérés ».
Au lendemain des attentats terroristes de Paris, le salafisme –
rejeton du wahhabisme émancipé de la tutelle saoudienne – a certes été pointé
du doigt comme l’un des facteurs de radicalisation des jeunes Français
transformés en kamikazes. Mais le pouvoir politique reste muet sur le fil rouge
de cette dérive idéologique qui relie des jeunes Français, souvent issus de
l’immigration post-coloniale, aux oulémas de La Mecque ou de Médine. Alors
qu’on s’interroge en Allemagne, Jack Lang, ancien ministre français de la
Culture et président actuel de l’Institut du monde arabe à Paris, s’emporte
contre les journalistes qui le questionnent sur les financements de lieux de
culte venus du Golfe. « Ce n’est pas cela le problème ! »
Le «cancer» de l’islam
« Très peu de gens ont le courage de dire ce qui se passe », se
désole cheikh
Khaled Bentounès. Selon ce dignitaire religieux, à la tête de la
confrérie soufie Alawiyya, la réponse de l’ancien ministre de François
Mitterand est emblématique de l’attitude des dirigeants français depuis des
décennies : « Ils refusent d’appeler un chat un chat. Ils veulent concilier
l’inconciliable. C’est la recette de la catastrophe. » Pourquoi ? L’Arabie
saoudite est l’un des meilleurs clients de l’industrie française d’armement.
Cheikh Bentounès observe le salafisme, ce « cancer » de l’islam,
depuis plus de vingt ans. Depuis que son pays, l’Algérie, a été ravagé par une
guerre civile opposant le pouvoir militaire aux islamistes qui s’est soldé par
la mort de 150 000 personnes. C’étaient dans les années 1990. Durant cette
décennie noire, l’Algérie fut le laboratoire du jihadisme, explique-t-il. Aux
yeux des fondamentalistes, le jihad moderne est devenu le 6e pilier de l’islam.
Ce jihad-là est la synthèse du salafisme, de l’expérience militaire acquise en
Afghanistan dans le combat contre l’occupant soviétique et des frustrations
d’une certaine jeunesse musulmane.
Âge d’or mythique
Quel lien avec l’Arabie saoudite? Reprenons, avec l’aide de cheikh
Bentounès : jusqu’en 1923 existait un califat, celui de l’empire ottoman, dans
lequel coexistaient diverses formes de l’islam avec d’autres religions. Dans
les soubresauts sanglants de la chute des Ottomans, de la colonisation et des
Accords Sykes-Picot qui découpent le Proche-Orient va émerger l’Arabie saoudite
qui, en 1926, adoptera le wahhabisme comme religion d’État. Les Saoud « vont
opérer un hold-up sur la religion pour en faire un outil de pouvoir,
explique-t-il. Leur religion s’inspire de l’idéal rigoriste des ancêtres pieux,
les Salafs, et érige le mythe d’un âge d’or de la lutte contre l’envahisseur.
C’est le piège dans lequel vont s’engouffrer nombre d’intellectuels comme les
Frères musulmans en Egypte. »
Le wahhabisme va engendrer le néo-wahhabisme, puis le salafisme,
enfin le takfirisme,
doctrine qui justifie le meurtre des infidèles dont se réclame aujourd’hui le
chef de l’organisation Etat islamique, Al-Bagdadi. « Ils prônent un soi-disant
retour aux sources, un islam purifié, une interprétation unique des textes
sacrés et jettent l’anathème sur toutes les autres écoles de pensées. Ils ont
figé l’islam et tué tout esprit critique », poursuit le dignitaire soufi qui
défend un islam humaniste dans la tradition nord-africaine.
Genève aux avant-postes
Cette lecture de l’islam va être propagée à travers le monde à
partir de la fin des années soixante avec l’appui de la Ligue islamique
mondiale dont le siège est à La Mecque. La première mosquée qu’elle financera
en Europe est celle du Petit-Saconnex à Genève. Depuis, des centaines de lieux
de culte ont bénéficié de son soutien, mais aussi subi sa supervision. Depuis
les années 1980, l’Arabie saoudite a formé 45 000 imams. « Derrière tout cela,
il y a un pays qui veut prendre le leadership et imposer sa pensée. »
Ce réseau d’influence est complété par une vingtaine de chaînes de
télévision satellitaires, comme Iqraa TV, qui diffuse des émissions religieuses
24h sur 24, et 34 000 sites internet, la plupart financés par des gens fortunés
d’Arabie saoudite ou du Golfe. « Le pire, c’est internet, souligne cheikh
Bentounès. Ces sites propagent un discours piétiste et littéraliste, un
prêt-à-penser islamique qui annihile toute réflexion. » Les imams eux-mêmes
sont aujourd’hui débordés avec l’apparition de fatwas par internet. Les jeunes
se retrouvent seuls face à leur écran, enfermés dans un islam impersonnel. « Un
jour l’un d’eux m’a dit : votre islam de papier mâché n’est pas solide. Les
imams ne parlent pas de l’islam pur. » De son côté, Daech, l’organisation d’Al
Bagdadi, a produit des milliers de films relayés sur Youtube dont certains
adoptent un style hollywoodien, d’autres évoquent des jeux vidéos.
La capitale spirituelle du salafisme
Que faire contre cette déferlante ? L’Arabie saoudite est dépassée
et commence à prendre conscience du danger. N’est-elle pas à son tour la cible
des jihadistes, une victime ? « Alors, qu’elle démontre qu’elle prend des
mesures, réagit cheikh Bentounès. Si le pouvoir veut véritablement changer les
choses, il doit agir dans le domaine de la formation et de l’information. Mais
il n’en est rien.»
Six millions de pèlerins visitent chaque année les lieux saints de
l’islam à La Mecque et à Médine. Là, le pouvoir continue de distribuer par
millions les livres des théologiens salafistes Ibn Baz (1919-1999) et Al Albani
(1914-1999), auteurs de fatwas contre des intellectuels algériens. « Al Bagdadi
s’en réclame ! Il se réclame du même islam, des mêmes références théologiques
qui remontent au XIIIe siècle et au penseur Ibn Taymya à l’époque de la
lutte contre les Mongols. » Quand est-ce que l’Arabie saoudite fera « la chasse
à ceux qui financent depuis son sol les groupes islamistes ? », ajoute-t-il.
Très actif dans la vie associative et le dialogue interreligieux,
cheikh Bentounès a fondé en 1990 le mouvement des Scouts musulmans de France.
Il reste pantois devant la déférence française envers le pouvoir saoudien.
Comme au début des années 2000, lorsque le ministre de l’Intérieur Nicolas
Sarkozy insiste pour qu’on reçoive au mieux le responsable de la Ligue
islamique mondiale. Ou en mai dernier, lorsque François Hollande, en
déplacement en Arabie saoudite, est reçu non pas à Riyad mais à Dariya, le lieu
d’origine des Saoud. « N’y avait-il personne au Quai d’Orsay pour lui dire que
c’est la capitale spirituelle du salafisme ? »
Le chef soufi peine à comprendre que, dans les relations
internationales, « on ne mesure pas certains actes contre-productifs ».
Seuil de rupture
Car dans cette dérive salafiste, l’Arabie saoudite n’est pas seule
en cause. Les régimes arabes autoritaires ont eux aussi instrumentalisé la
religion. L’Occident a sa part de responsabilité avec le legs colonial, ses
alliances troubles, ses calculs économiques avoués ou non. « Prenez un jeune
musulman de 25 ans. Il est né avec la première guerre du Golfe, puis il a
vécu catastrophe après catastrophe. L’intervention en Afghanistan, puis en
Irak, en Libye, en Syrie, sans compter le problème palestinien qui dure depuis
60 ans, tente d’expliquer cheikh Bentounès. Il ne comprend pas ce monde où
seuls l’emportent les intérêts financiers. Il a besoin d’un autre idéal qui
donne du sens à sa vie. Il sera d’autant plus perméable aux idées salafistes si
l’on est dans une logique de confrontation. La violence apparaît comme la seule
réponse dans une société aux abois.»
Face à cette radicalisation, la réponse ne peut pas être que
sécuritaire. « Les idées se combattent par les idées, en remontant au niveau
doctrinaire », estime le religieux. Il observe un « éveil » en Afrique où, en
2013, a été créée la Ligue des oulémas du Sahel (Algérie, Maroc, Burkina Faso,
Mali, Mauritanie, Niger). Ces capitales, Rabat en tête, font désormais de
grands efforts pour former des imams hors de l’influence wahhabite.
Cela
ne suffira pas. Pour lutter contre le fondamentalisme religieux, cette « maladie
du siècle », cheikh Bentounès appelle à une mobilisation de même ampleur que
contre le réchauffement climatique. Son Association
internationale soufie Alawiyya (AISA) fait circuler une
pétition en faveur d’une journée mondiale du « Vivre ensemble » sous l’égide de
l’ONU. Il rêve aussi de créer une Académie de la paix. « Nous sommes arrivés à
un seuil de rupture », constate le guide spirituel.
Une idéologie pro-terrorisme !
RépondreSupprimerRaphaël Glucksmann :« Si l'on veut combattre le terrorisme, il faut arrêter de s'aplatir devant des régimes comme le Qatar et l'Arabie saoudite qui sponsorisent l'idéologie wahhabite qui nous combat.
Quand on est François Hollande, on doit éviter d'aller poser avec un sabre applaudi par des wahhabites saoudiens.
Quand on est un ancien président de la République comme Sarkozy, on évite d'aller toucher de l'argent au Qatar.
Il faut aussi empêcher que des pays comme le Qatar financent des plans pour les banlieues de Paris.»
https://www.facebook.com/postedeveille.ca/videos/vb.208754045819581/1207599115935064/?type=2&theater
LE WAHHABISME : UNE IDÉOLOGIE PRO-TERRORISTE !
RépondreSupprimerRaphaël Glucksmann :
« Si l'on veut combattre le terrorisme, il faut arrêter de s'aplatir devant des régimes comme le Qatar et l'Arabie saoudite qui sponsorisent l'idéologie wahhabite qui nous combat.
Quand on est François Hollande, on doit éviter d'aller poser avec un sabre applaudi par des wahhabites saoudiens.
Quand on est un ancien président de la République comme Sarkozy, on évite d'aller toucher de l'argent au Qatar.
Il faut aussi empêcher que des pays comme le Qatar financent des plans pour les banlieues de Paris.»
https://www.facebook.com/postedeveille.ca/videos/vb.208754045819581/1207599115935064/?type=2&theater