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Le mémoriel du
"Monde" aux victimes des attentats du 13 novembre
En mémoire du 13 novembre
Nous avons beaucoup
appris de ce Mémorial. Bien plus que nous ne l’avions anticipé, lorsque nous
avons lancé ce projet, la nuit des attentats, sous le choc d’un bilan qui
n’était encore « que » de 40 morts, mais qui s’alourdissait d’heure
en heure. L’idée, très simple, était, précisément, de ne pas limiter ces
victimes à un bilan, de rendre à chacune son
nom, son visage, son histoire. Pour les garder en mémoire,
collectivement.
Nous avons d’abord beaucoup appris sur eux, les 130 morts du
13 novembre. En nous imposant d’interroger leurs conjoints, parents,
fratries ou, à défaut, amis proches pour rédiger ces portraits, nous avons
appris non seulement qui ils étaient au moment où ils ont été tués, mais d’où
ils venaient, quels enfants ils avaient été. Nous avons fait la connaissance de
leur entourage. Nous avons découvert leurs goûts, leurs espoirs, leurs galères
et leurs bonheurs. Et, progressivement, s’est révélé à nous un portrait de
groupe, extraordinairement cohérent.
Une
sacrée bande de Parisiens
On les a appelés la « génération Bataclan » : naturellement,
le rock est son marqueur. C’est aussi la génération easyJet et Erasmus. Son
espace, c’est l’Europe, puis le monde. Une génération qui se balade et se
cherche, prend son temps, au gré des petits boulots, des rencontres et des
diplômes, avant, un beau jour, de « trouver sa voie » et d’y réussir.
Des trentenaires souvent nés en province, issus de classes moyennes, venus à
Paris pour y étudier ou travailler et, finalement, retenus dans
cette ville par sa culture, son art de vivre, d’aimer et de se mélanger. Une
ville-base. De la mondialisation, ils ont fait un atout, tout en restant ancrés
dans un solide lien familial et un mode de vie français, attirés par ces cafés et
ces quartiers qui intègrent la modernité sans perdre la tradition.
Une génération libre, joyeuse, grégaire, généreuse à sa manière, moins
engagée politiquement que la précédente et en même temps connectée et soucieuse
de l’autre. Marquée, déjà, par le terrorisme de janvier, tout près. Une
génération Charlie, en quelque sorte, si bien représentée par le groupe de La
Belle Equipe, fauché en pleine fête d’anniversaire : chacun ou presque,
dans cette bande, venait d’un endroit différent, d’une culture différente. Tous
différents et pourtant une sacrée bande de Parisiens, massacrée, un verre de
champagne à la main. Ce n’est ni la France des banlieues rebelles, ni la
France du CAC 40, ni la France du bling-bling. C’est la France qui
vit ensemble avec l’envie de réussir, dans laquelle se fondaient avec
gourmandise les 23 étrangers tombés, eux aussi, sous les balles. Celle où l’on
va voir un groupe de rock californien dans une salle de concerts du
XIXe siècle avec sa sœur, sa mère, un couple ami.
Ce portrait de groupe, finalement, c’est l’anti-Etat islamique. C’est tout
ce que les terroristes ne sont pas, tout ce qu’ils haïssent : la beauté,
l’esthétique, la musique, l’art, le plaisir, la science, l’éducation, la
diversité, la mixité, la tolérance, la liberté, l’égalité… et la fraternité.
Comme Al-Qaïda, à travers le World Trade Center et le Pentagone, avait
visé les symboles de la puissance américaine, l’EI a visé ces symboles français
que sont la culture et l’art de vivre.
Nous avons aussi appris sur nous-mêmes – et ça, nous nous y attendions
encore moins.
Au fil de ces cinq semaines, au fur et à mesure que nous avancions dans la
rédaction et la publication des portraits des victimes, leurs familles sont
devenues « nos » familles. Parce que c’était Paris, parce que c’était
les 10e et 11e arrondissements, familiers à beaucoup d’entre nous.
Parce que c’était le terrorisme, un objet, malheureusement, d’étude permanent
au Monde. Parce qu’il y
avait eu, déjà, ces terribles journées de janvier. Et parce que la plupart de
ces morts ressemblaient tant à nos amis, ou aux amis de nos enfants.
Journalisme
d’empathie
Au fil des jours, malgré nous, ce Mémorial, projet journalistique, s’est
doublé d’une dimension sociale qui nous a échappé. Notre distance habituelle,
ce cynisme si mal compris à l’extérieur mais qui nous sert de rempart parfois,
tout s’est écroulé devant cette nouvelle proximité. Nous nous sommes surpris à
pratiquer un journalisme d’empathie, nous, les spécialistes du négatif,
les experts de la noirceur. Nos boîtes e-mail internes se sont remplies
d’échanges d’étranges impressions (« Ça me fait vraiment mal de pénétrer ces
foyers brisés, et un peu de bien d’écrire, pour une fois, des choses
gentilles ;-) », « Cette douleur, tu prends ça en pleine face, ça
fait pleurer… »), en même temps que nous nous sentions portés par l’adhésion des lecteurs,
chaleureusement exprimée, à notre démarche, que beaucoup ont jugée
nécessaire. « Un
hymne à la vie », nous a écrit un lecteur. Ça non plus, nous n’avions pas l’habitude.
Peu à peu, les journalistes se sont retrouvés dépositaires d’une mémoire,
la mémoire du 13 novembre. Un lien de confiance s’est établi avec les
familles endeuillées. « Je prends ça comme un autre métier : écrivain public », a résumé une
journaliste aguerrie, l’une des nombreux auteurs de portraits. Ce récit
collectif ne doit pas s’arrêter là. Nous le poursuivrons donc, avec ceux qui
vont continuer à vivre sans les êtres aimés et ceux qui ont survécu à
leurs blessures. Les survivants du 13 novembre.
LE FLUX MASSIF DE MIGRANTS FUYANTS LEURS PAYS EN GUERRE, PROPICE AUX ISLAMISTES POUR S'INFILTRER EN EUROPE ... POUR Y COMMETTRE DES ACTES TERRORISTES !
RépondreSupprimerVoilà ce qui arrive quand l'UE joue les apprentis sorciers en soutenant les islamistes pour semer le chaos dans le monde "arabe" : un jour ou l'autre cela finit par se retourner contre eux !
Les allemands après les français et les belges, découvrent l'erreur stratégique de leurs gouvernants d'avoir choisi de "collaborer" avec les pétromonarques, de soutenir leurs protégés islamistes dont les Frères musulmans et de laisser se répandre le wahhabisme qui fonde leur action politique aussi bien chez les "arabes" (Tunisie, Syrie,Libye ... ) qu'en Europe !
http://www.lapresse.ca/international/europe/201612/20/01-5053063-berlin-un-dangereux-criminel-probablement-dans-la-nature.php
Isabelle Cohen :
RépondreSupprimerWolinski, né Georges David Wolinski le 29 juin 1934 à Tunis.
Georges Wolinski a été élève au lycée Carnot.
.Je suis né à Tunis. Mon père, Sygfrid Wolinski, sorte de Juif errant venu de Pologne, est tombé amoureux de la petite Juive italo-tunisienne, Lola Bembaron, ma mère. Ils se sont mariés en 1928 dans la Tunisie coloniale. Ce qui fait que je suis né français comme ma sœur. Je n’ai pas eu le temps de connaître mon père. Il a été assassiné en 1936 par l’un de ses employés. Il avait l’air d’être un type formidable.
Ainsi, j’ai passé toute mon enfance auprès de mes grands-parents maternels. Mon grand-père était très connu à Tunis. Il dirigeait la pâtisserie Chez les nègres, renommée pour ses chocolats et ses gâteaux, qui se trouvait juste en face du lycée Carnot. C’est mon père qui avait décoré le magasin avec des têtes de nègres en fer forgé.
Je garde la nostalgie du vendredi soir où toute la famille venait manger le couscous. C’était une fête à chaque fois. Dans ces soirées familiales très gaies, tous mes oncles et tantes qui avaient remplacé mon père et ma mère, étaient adorables avec moi. Je me sentais bien dans ces liens familiaux très serrés.
Et puis, il y avait tous les plaisirs de la vie tunisoise. Nous allions à la plage avec le TGM* (le train aux wagons en bois qui reliait Tunis à ses plages). L’été, nous passions deux-trois mois au bord de la mer. La famille louait une maison vide à La Marsa ou à Khereddine. C’était une équipée, dans la haraba, une grande charrette conduite par des chevaux, nous entassions tous les meubles : les armoires, les lits.
Un autre grand moment, c’est quand à neuf ans, ma grand-mère m’a amené au hammam avec ma sœur et ma cousine plus âgées. J’étais chez les femmes. C’était la première fois que je voyais des femmes nues, avec tous leurs poils. Comme des gamins, on a joué, on s’est envoyé de l’eau. J’ai gardé le souvenir de cette ambiance, de cette lumière, de ces corps de femmes luisants, avec cette beauté des corps à l’ancienne – des hanches et des seins. Pas des maigrichonnes comme maintenant, qui ont aussi des seins et des fesses, mais qui n’ont pas de hanches. C’étaient de vraies nanas. J’ai gardé un souvenir ébloui de tout cela.
Je suis Juif, dit Wolinski qui comme chacun ne le sait pas a « fait » sa bar-mitsva à Tunis, comme Obama est noir : je suis né comme ça. Je ne renie pas mes origines, mais je suis un laïc : plus qu’un laïc, un athée. J’ai une méfiance vis-à-vis de la religion juive qui est aussi importante que vis-à-vis des autres religions, l’islam ou la chrétienté. J’ai plus confiance dans les gens qui ne croient pas que dans les gens qui croient. »
Ce qu’il a connu de juif à Tunis et qu’il a perdu en France, c’était Pessah (Pâque) et le shabbat : « toute la famille se réunissait le vendredi, sauf mon oncle Victor (1) qui était communiste italien. Or, ma famille était anticommuniste. ».
A Paris, dans les années soixante, Georges erre dans Belleville qui « était complètement juif ». Il y dégustait des bricks à l’œuf : « ça me rappelait à Tunis, la rue de Marseille, où à côté de la maison il y avait un marchand de beignets, saupoudrés de sucre, qu’on ramenait à la maison. ».
Quand j’ai quitté Tunis pour venir en France, j’ai perdu ma Méditerranée, ma grande amie la Méditerranée. Aujourd’hui, je suis heureux dès que je la revois.