L'ambition
totalitaire de l'islamisme jihadiste est-elle vraiment nouvelle comme le
laisse entendre l'intitulé de votre conférence ?
Non. Ce qui est nouveau, c'est son implantation dans les sociétés et dans le discours politique. Il y a une sorte de normalisation de ce phénomène et de son installation dans le paysage. Il y a une quarantaine d'années, y compris dans le monde "arabo-musulman", ce discours était à la marge. C'était plutôt le discours nationaliste porté par la pensée nassérienne et par l'Egypte, qui dominait. Et ce n'est qu'à partir de la fin des années 70 que la pensée islamiste s'est imposée, d'abord dans le paysage "arabo-musulman" puis progressivement, par le jeu des interpénétrations, des mouvements de populations et de l'explosion des canaux de communication, en Europe. On a connu plusieurs phases mais tout cela a commencé au lendemain de la révolution iranienne, certes chiite, mais qui a donné une nouvelle impulsion à la pensée islamiste de manière générale.
Sur quels arguments s'est construite cette pensée ?
D'abord autour de la notion de l'ennemi occidental représenté notamment par les Etats-Unis, puis elle a glissé sur le conflit israëlo-palestinien pour l'utiliser comme abcès de fixation. Et évidemment, en construisant toute une phraséologie judéophobe et ensuite clairement antisémite qui s'est installée dans la rationalisation d'une haine, laquelle haine trouve, selon ses concepteurs, sa justification dans la politique israélienne.
Mesure-t-on réellement la percée de cette idéologie en France ?
Je fais souvent le parallèle. Il y une quarantaine ou une cinquantaine d'années, un adolescent dans la transgression était plutôt dans une démarche et un discours anti-religieux. Aujourd'hui, pour se montrer dans l'outrance ou dans le rejet d'un système, il rejoint au mieux la bigoterie, au pire l'extrémisme religieux y compris dans des sociétés censées avoir immuniser leurs populations, à travers notamment l'école et la culture, de ces logiques extrémistes et obscurantistes. L'islamisme arrive à séduire y compris des non musulmans, des Européens issus même parfois de familles catholiques conservatrices. Et on a vu certains aller jusqu'à l'action terroriste et l'attentat-suicide.
Non. Ce qui est nouveau, c'est son implantation dans les sociétés et dans le discours politique. Il y a une sorte de normalisation de ce phénomène et de son installation dans le paysage. Il y a une quarantaine d'années, y compris dans le monde "arabo-musulman", ce discours était à la marge. C'était plutôt le discours nationaliste porté par la pensée nassérienne et par l'Egypte, qui dominait. Et ce n'est qu'à partir de la fin des années 70 que la pensée islamiste s'est imposée, d'abord dans le paysage "arabo-musulman" puis progressivement, par le jeu des interpénétrations, des mouvements de populations et de l'explosion des canaux de communication, en Europe. On a connu plusieurs phases mais tout cela a commencé au lendemain de la révolution iranienne, certes chiite, mais qui a donné une nouvelle impulsion à la pensée islamiste de manière générale.
Sur quels arguments s'est construite cette pensée ?
D'abord autour de la notion de l'ennemi occidental représenté notamment par les Etats-Unis, puis elle a glissé sur le conflit israëlo-palestinien pour l'utiliser comme abcès de fixation. Et évidemment, en construisant toute une phraséologie judéophobe et ensuite clairement antisémite qui s'est installée dans la rationalisation d'une haine, laquelle haine trouve, selon ses concepteurs, sa justification dans la politique israélienne.
Mesure-t-on réellement la percée de cette idéologie en France ?
Je fais souvent le parallèle. Il y une quarantaine ou une cinquantaine d'années, un adolescent dans la transgression était plutôt dans une démarche et un discours anti-religieux. Aujourd'hui, pour se montrer dans l'outrance ou dans le rejet d'un système, il rejoint au mieux la bigoterie, au pire l'extrémisme religieux y compris dans des sociétés censées avoir immuniser leurs populations, à travers notamment l'école et la culture, de ces logiques extrémistes et obscurantistes. L'islamisme arrive à séduire y compris des non musulmans, des Européens issus même parfois de familles catholiques conservatrices. Et on a vu certains aller jusqu'à l'action terroriste et l'attentat-suicide.
On
n'arrive pas pas encore à comprendre que le problème n'est pas que la
manifestation violente de l'islamisme, à travers le terrorisme, mais l'ensemble
du corpus qu'il propose comme pensée anti-laïque, anti-républicaine...
Comme expliquez qu'il aura fallu deux vagues d'attentats historiques en 2015 pour que nous mesurions l'ampleur du phénomène en France ?
Beaucoup de personnes ont commencé à y être sensibilisées après les événements de l'an passé, mais j'observe tous les jours que nous ne sommes pas si convaincus que cela de la gravité de la situation. Nous ne sommes pas dans une société totalement mobilisée sous un mot d'ordre commun. J'en donne pour preuve toutes les polémiques qui continuent de la diviser et, plus encore, la Gauche qui est au pouvoir. On n'arrive pas encore à comprendre que le problème n'est pas que la manifestation violente de l'islamisme, à travers le terrorisme, mais l'ensemble du corpus qu'il propose comme pensée anti-laïque, anti-républicaine, anti-féministe, homophobe, misogyne, antisémite et, en somme, anti-moderniste.
Pourquoi ce retard, ce décalage alors ?
D'abord, les terroristes auxquels nous faisons face aujourd'hui et ceux qui ont sévi au courant de l'année 2015 ne sont pas le fait d'une génération spontanée. Ils ont été travaillés discrètement par cette pensée non pas en quelques mois mais durant plusieurs années, et on n'a pas su décrypter sociologiquement les événements. Ensuite, beaucoup d'hommes politiques gèrent l'instant et l'actualité, et n'ont pas eu la vision nécessaire pour se projeter sur une durée assez longue. Enfin, je dirai que la question de l'islamisme aujourd'hui ne doit pas être appréciée à partir du seul terrorisme mais bien à partir de l'ensemble de son spectre. Ce qui implique que l'on comprenne que ce terrorisme sert des idéologies qui souhaitent imposer un projet de société à tout le moins aux musulmans, qu'elles soient d'origine wahhabiste saoudienne ou inspirées par la pensée des Frères Musulmans.
Le danger terroriste ne doit pas occulter les autres manifestations de l'islamisme en somme...
Oui et cela nécessite un effort d'appréciation. Certes, le terrorisme est le segment le plus spectaculaire et le plus dramatique du projet idéologique mais, en définitive, il n'en est pas le plus dangereux pour les sociétés. Ce qui peut faire s'effondrer des sociétés, c'est le clivage qui peut exister entre plusieurs projets qui vont se télescoper, s'affronter et créer les germes d'une guerre civile. En l'occurrence aujourd'hui, ce qui doit interpeller, c'est le nombre de personnes qui applaudissent à l'action terroriste ou lui cherchent des excuses, et en comprendre la signification. Le terrorisme n'est pas un fait nouveau en France, mais le traumatisme est différent parce qu'on a des gens qui se revendiquent du même territoire, de la même citoyenneté, et qui frappent leurs compatriotes.
L'un
des problèmes majeurs de ce pays provient de là, de ces ghettos ou les gens
sont parfois livrés à des minorités qui exercent sur eux des pressions
culturelles, religieuses et carrément physiques.
Quel
regard portez-vous sur la réaction et les actions engagées pour enrayer le
phénomène ? La réaffirmation des valeurs républicaines semble ne pas toucher
une partie de la population ?
Oui car, et c'est courant avec tous les extrémismes, ceux-ci ont réussi à ringardiser quelque-part la République. Et à transformer la question de sa défense, avec la complicité lâche, consciente ou inconsciente de certains élus, en simple incantation. Au delà des paroles, il faut des actions fortes. Et parmi elles, je pense qu'il faut travailler d'abord sur la déghettoïsation. L'un des problèmes majeurs de ce pays provient de là, de ces ghettos ou les gens sont parfois livrés à des minorités qui exercent sur eux des pressions culturelles, religieuses et carrément physiques. Et puis, il faut réenchanter la République, et vraiment raconter une histoire qui soit à la mode. Il est inconcevable que des gens qui promettent des choses extraordinaires à Raqqa puissent séduire des jeunes filles ou garçons et les amener à quitter les domiciles de leurs parents pour rejoindre des tueurs barbares. Ça, c'est inadmissible et c'est un véritable échec de la République.
Oui car, et c'est courant avec tous les extrémismes, ceux-ci ont réussi à ringardiser quelque-part la République. Et à transformer la question de sa défense, avec la complicité lâche, consciente ou inconsciente de certains élus, en simple incantation. Au delà des paroles, il faut des actions fortes. Et parmi elles, je pense qu'il faut travailler d'abord sur la déghettoïsation. L'un des problèmes majeurs de ce pays provient de là, de ces ghettos ou les gens sont parfois livrés à des minorités qui exercent sur eux des pressions culturelles, religieuses et carrément physiques. Et puis, il faut réenchanter la République, et vraiment raconter une histoire qui soit à la mode. Il est inconcevable que des gens qui promettent des choses extraordinaires à Raqqa puissent séduire des jeunes filles ou garçons et les amener à quitter les domiciles de leurs parents pour rejoindre des tueurs barbares. Ça, c'est inadmissible et c'est un véritable échec de la République.
Propos recueillis par Yves BOITEAU
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