Au
cœur du palais de Carthage, une mystérieuse villa signée Le Corbusier…
Du temps de Bourguiba puis de Ben Ali, le sujet était tabou et
il était aventureux de l’évoquer.
Mais depuis la révolution de 2011, les choses ont
relativement changé. Des voix, y compris celle du ministre Azzeddine Bechaouch,
avaient même proposé une reconnaissance international de cette fameuse villa,
avec son classement dans la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Villa Baizeau, Carthage, Tunisia, 1928 | Crédit photo : Fondation le Corbusier
L’unique œuvre tunisienne de Le Corbusier
Cette villa est en effet exceptionnelle. D’abord,
elle se situe dans le périmètre du palais de Carthage auquel elle a été
intégrée et abrite actuellement l’un des services de la présidence.
Ensuite, elle est signée Le Corbusier, l’un des plus
grands architectes du vingtième siècle, apôtre du fonctionnalisme et théoricien
universellement reconnu.
Cette villa est doublement unique: d’une part, c’est
la seule villa Le Corbusier en Tunisie ; d’autre part, cet édifice est l’un des
tout premiers exemples d’adaptation du courant architectural moderniste en
Méditerrannée et dans le monde arabe.
Retour en 1929 à la villa Baizeau
L’histoire commence en 1928, lorsque l’industriel
Lucien Baizeau rencontre Le Corbusier à Stuttgart, en Allemagne, pendant une
foire.
Baizeau est un industriel réputé en Tunisie. Avec son
associé Schwick, il est à la tête d’une grosse entreprise dans le domaine des
matériaux de construction.
Cet entrepreneur convainc l’architecte suisse
d’appliquer ses nouvelles méthodes pour les plans d’une villa à Carthage.
Le Corbusier acceptera mais réalisera les plans en
1929 sans se rendre sur le site. Lui et son collègue Pierre Jeanneret
travailleront selon les descriptions de Lucien Baizeau et réaliseront une œuvre
qui porte clairement la griffe de l’architecte suisse.
Le Corbusier
L’architecte suisse s’inspire des kasbahs et des
médinas
En pleine période « puriste », Le Corbusier
va se livrer à un véritable exercice de style. Il va toutefois devoir présenter
deux projets successifs car la première mouture sera rejetée par Baizeau. C’est
donc la deuxième mouture intégrant les recommandations du maître d’œuvre qui
sera retenue.
Même si elle demeure peu intégrée à son
environnement, la villa Le Corbusier de Carthage a fière allure. Elle prend
pour modèle l’architecture compacte d’une kasbah et la distribution spatiale
d’une maison traditionnelle de la médina de Tunis.
En d’autres termes, les murs aveugles dans la
tradition tunisienne permettront de domestiquer le soleil alors que de larges
baies vitrées s’ouvrent sur le golfe de Tunis. Comme un grand bloc
rectangulaire, cette villa semble tournée vers elle-même.
Vers un classement Unesco ?
Le Corbusier intégrera dans cette demeure un système
de ventilation naturelle qui souligne la quête de cet architecte pour un
fonctionnalisme tourné vers la qualité de vie.
Unique œuvre tunisienne du plus grand architecte du
vingtième siècle, cette villa Le Corbusier qui se trouve au cœur du palais de
Carthage sera-t-elle un jour classée au patrimoine mondial de l’Unesco ? Nul ne
saurait le dire même s’il s’agit d’un vœu cher aux animateurs de la fondation
internationale Le Corbusier.
Aux origines du palais de Carthage
Pour la petite histoire, soulignons que le palais de
Carthage a connu des agrandissements successifs, en absorbant des demeures
voisines, depuis 1960, lorsque Bourguiba en a fait la résidence présidentielle.
Auparavant, ce qui deviendra le palais de Carthage
était la résidence du secrétaire général français du gouvernement tunisien, une
villa de style mauresque construite en 1905.
Je ne savais pas que le génie de Le Corbusier avait traversé la Méditerranée.
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