La faiblesse des démocraties devant les extrémismes : au nom de la liberté d'expression, ils ont laissé se développer chez eux le fascisme, le nazisme ... et voilà qu'à nouveau ils se laissent déborder par l'islamisme des pétromonarques et leur wahhabisme !
R.B
R.B
Sociologue, chargé de cours à l’École de politique appliquée de l’Université
de Sherbrooke.
La burqa, la France, l’Europe et ce qu’on refuse de voir
Apparemment, c’est une bonne nouvelle. La Cour européenne des droits de l’homme, qui avait pris l’habitude des minauderies politiquement correctes à propos de la diversité, vient de reconnaître la valeur de la législation française proscrivant le voile intégral dans l’espace public. C’est donc avec la bienveillance d’une CEDH se prenant elle-même plus souvent qu’elle ne le devrait pour l’avant-garde de l’humanité en marche à la conquête de ses droits, que cette interdiction se maintiendra et que la France, dans une démarche plus tâtonnante qu’on ne le souhaiterait, cherchera à contenir sa désintégration sous les communautarismes ethniques et religieux. Faut-il dire que cette désintégration s’exprime de nombreuses manières, comme en témoigne la violence des banlieues, la multiplication des incivilités et la crise plus générale de l’identité nationale.
Mais ce n’est une bonne nouvelle qu’à moitié. Car c’est encore une fois un pouvoir supranational à la légitimité problématique qui s'est placé en situation de décider ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. La souveraineté française est bornée par une nouvelle souveraineté européenne, qui s’exerce au nom des droits de l’homme. Ou si on préfère, la démocratie française est sous tutelle : c’est la CEDH qui lui fixera ses limites. Cette fois, c’est bon, elle octroie à la France un permis pour définir les termes du «vivre-ensemble». Il se pourrait bien que demain, elle lui en enlève un. On comprendra aisément, de ce point de vue, la méfiance grandissante des Français en particulier et des Européens en général pour ce pouvoir qui a bien peu à voir avec ceux qui émanent de la souveraineté démocratique. Il faut avoir l’esprit mal tourné pour réduire cette méfiance légitime à une maladive «europhobie».
Le voile intégral relève de la «violence symbolique», pour reprendre un jargon à la mode. Il représente une déclaration de non-appartenance à la société d’accueil. Il relève de la provocation grossière. Celles qui le portent, sachant la réaction qu’elles suscitent, et sachant la signification de leur geste, lancent un défi à la société d'acceuil : nous sommes plus fortes que vous, et vous allez plier. Une nuance s’impose toutefois. Si la burqa est absolument odieuse, tant elle incarne une cage à femmes, elle a aussi une fonction stratégique: celle de dédramatiser le voile ordinaire, en lui donnant par effet de contraste un vernis de modération. Ce dernier s’inscrit pourtant dans une même logique. Il marque par ailleurs la femme en lui assignant un statut d'infériorité sociale et désigne les frontières de la communauté dont elle ne peut sortir. En fait, le voile programme une forme d’apartheid sexuel implicite, qui aura tendance à se radicaliser et à s’expliciter peu à peu, comme en témoigne la multiplication des bains séparés, et autres innovations pour plier les services publics à des normes culturelles étrangères à la société française.
La question devrait pourtant se poser: pourquoi rejoindre une société dont on rejette aussi viscéralement les mœurs? On connait la réponse de ceux qui pratiquent le libéralisme multiculturel: c’est que justement, les mœurs ont été privatisées dans les sociétés libérales qui se définissent justement par leur diversité. L’argument du sens commun est retourné: ce serait alors contre nos valeurs que de demander à celles qui tiennent à tout prix à porter le voile de respecter nos mœurs dans les institutions publiques. Et ce serait agir conformément à nos valeurs que de l’autoriser. Car ce que nous avons en commun, ce sont nos droits individuels, et les préférences des uns ne devraient pas peser plus que celles des autres. Il n’y a plus de culture commune ici: seulement une majorité qui peut écraser une minorité et qu’il faut conséquemment contenir.
On nous dira aussi que derrière la signification objective du voile, comme symbole discriminatoire, asservissant et marquant un rejet des sociétés occidentales derrière une piété ostentatoire et un exhibitionnisme de la vertu, les femmes se l’approprient librement, comme s’il s’agissait finalement d’un accessoire de mode islamique parmi d’autres, sans signification véritable, que les individus, selon leurs goûts et au gré de leurs désirs, peuvent porter ou enlever, sans qu’il ne témoigne aucunement d’une mise à l’écart identitaire volontaire de la société occidentale. Ce serait même pratiquer une forme de colonialisme ou de paternalisme à leur endroit que de refuser cette dissolution de l’histoire et de la sociologie dans l’individualisme absolu. Dans cette logique, la société se dissout alors dans la diversité infinie des subjectivités. Chacun peut s’enfermer dans son monde intérieur et l’ordre public est obligé, plus souvent qu’autrement, de l’accommoder.
C’est ainsi qu’un communautarisme ethno-religieux régressif est parvenu à se dissimuler derrière les droits de l’homme en se reformulant dans ses termes et trouve dans les élites mondialisées des gens pour reprendre cette rhétorique et se porter à sa défense. Mais cette fiction obstrue l’accès au réel. Elle empêche de constater que ces revendications identitaires ne sont pas individuelles, mais collectives, car ce ne sont pas que des individus, qui immigrent, mais des communautés, qui se reforment une fois rendu dans le pays d’accueil, ce qui est inévitable, puisque les mouvements migratoires sont loin d’être modérés. La dissolution des revendications communautaristes dans la logique libérale des droits, empêche tout simplement la société d’accueil de comprendre ce qui lui arrive et de redéfinir sa politique d’intégration pour en tenir compte. Plus encore, celui qui cherchera à nommer cette réalité risquera l’accusation de xénophobie ou d’islamophobie, comme si le simple fait de noter que les flux migratoires avaient entraînées la constitution de communautés ne prenant pas le pli de la nation et ne se définissant pas dans ses paramètres relevait de la haine de la «différence».
Simplement noter les tensions sociales et identitaires entraînées par la formation de ces communautarismes résultant de politiques d’immigration mal pensées et de politiques d’intégration déréglées relèverait désormais de la provocation publique, et peut risquer à celui qui transgresse l’interdit de nommer la réalité la pire des réputations. Derrière cela, c’est la conception classique de la nation qui est disqualifiée, et ceux qui cherchent à la garder vivante sont accusés de conserver un modèle de société écrasant la diversité, ou à tout le moins, qui l’empêcherait d’éclore. D’ailleurs, le rapport Tuot invitait récemment la France à renoncer à l’intégration, trop exigeante (qui avait elle-même succédé à l’assimilation républicaine), pour passer à «l’insertion», minimaliste et faisant finalement porter à la société d’accueil la responsabilité de se transformer pour accommoder l’identité des immigrants.
Prenons néanmoins la bonne part de cette décision de le CEDH, malgré ses limites évidentes: l’interdiction du voile intégral rappelle que la question des mœurs, de la culture, du mode de vie, a une dimension inévitablement politique. Il ne s’agit certainement pas d’abolir la distinction entre le domaine public et le domaine privé, non plus que d’empêcher la libre expression de la spiritualité des uns et des autres. Mais il faut justement sortir de la seule logique des droits individuels pour ressaisir politiquement la question des rapports inter-communautaires. Passer d’un pays à un autre, cela devrait dire aussi passer d’une culture à une autre, ce qui ne veut pas dire, évidemment, que les cultures sont statiques et ne peuvent pas changer. Encore faut-il reconnaître qu’un pays n’est pas une page blanche. Le mythe d’une diversité accommodant toutes les identités repose en fait sur l’oblitération de l’identité de la société d’accueil. Il s’agit dès lors de refaire de l’identité nationale un principe politique, en lui redonnant un contenu, même si cette entreprise, évidemment, sera très complexe.
Claude Meyer :
RépondreSupprimerComme cela au moins, pas de jalousie entre les femmes, pas de problèmes pour les vêtements, un uniforme bien uniforme sans formes qui cache toutes les formes mêmes de celles qui sont difformes ...
http://www.tunisiadaily.com/2014/07/31/les-jihadistes-veulent-des-femmes-invisibles-il-est-interdit-aux-femmes-de-montrer-leurs-yeux/