Ce n'est pas avec ces laïcs qui pratiquent la takqia chère aux islamistes, que la laïcité verra le jour en Tunisie !
Vivement une Troisième République laïque pour en finir avec l'identitarisme religieux et ethnique, fonds de commerce des complexés de l'Histoire, les islamistes et de leurs frères ennemis les arabistes, mais qui paralyse le pays et ne fait que le faire régresser.
R.B
Youssef Seddik est passé, tout à l’heure, sur la chaîne Ettasia, dans l’émission de Naoufel Ouertani Labess Show. Décidément, il n’est pas près de finir avec cette mascarade, cette comédie hypocrite, et tient toujours à se faire passer pour un « musulman progressiste » lors de ses passages dans les médias audio-visuels, alors qu’il est agnostique.
En effet, peu avant 2010, j’avais assisté à la présentation d’un de ses livres, en l’occurrence 𝐿'𝐴𝑟𝑟𝑖𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑑𝑢 𝑠𝑜𝑖𝑟, à l'IFC de l'avenue de Paris, et au cours de laquelle il a entamé son intervention en soulignant son rapport à la foi : « 𝐽𝑒 𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑙𝑒 𝑑𝑖𝑠 𝑑’𝑒𝑚𝑏𝑙𝑒́𝑒 : 𝑗𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑠 𝑎𝑔𝑛𝑜𝑠𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 » avait-il dit.
En revanche, tout à l’heure, sur Ettasia, à la question : « 𝐸𝑡𝑒𝑠-𝑣𝑜𝑢𝑠 𝑚𝑢𝑠𝑢𝑙𝑚𝑎𝑛 ? », il a répondu sans la moindre hésitation : « 𝐵𝑖𝑒𝑛 𝑠𝑢̂𝑟 𝑞𝑢𝑒 𝑗𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑠 𝑚𝑢𝑠𝑢𝑙𝑚𝑎𝑛 ! », comme si l’agnosticisme ou l’athéisme était une tare honteuse qu’il ne faut surtout pas avouer. Bien entendu, entre quatre-z-yeux, il jouera avec les mots et vous expliquera qu’il est non-croyant, mais de culture musulmane ; donc ce qui fait de lui un musulman d’une certaine manière.
Avec cette lâcheté intellectuelle, et contrairement à l’esquisse de réforme à laquelle il aspire, Youssef Seddik n’est pas en train de réformer l’islam de l’intérieur, mais de conforter la populace dans ses inébranlables certitudes que l’on peut résumer en quelques mots : ne pas croire en Dieu est quelque chose de répréhensible. Il aggrave son cas lorsqu'il essaye de donner plus de poids à sa parole en projetant une image de lui-même immaculée** et bien seyante et en précisant qu'il a arrêté l'alcool juste après le décès de son père en 1980.
J’ai déjà reproché à Olfa Youssef de vouloir contribuer à l’évolution des mœurs à partir du Coran. Ceci est encore plus valable pour le vieil hypocrite dénommé Youssef Seddik. Ce dernier a, comme tous les « intellectuels tunisiens » qui se prennent pour les Luther du monde musulman, essayé au cours de l’émission de légitimer son point de vue en s’appuyant vainement sur une lecture coranique soi-disant progressiste et réformiste. C'est comme s’il disait : « J'ai une lecture du Coran différente de la vôtre, elle peut vous choquer, mais, comme je suis croyant comme vous, la ligne jaune n'a pas été franchie. »
Les « intellectuels » comme Youssef Seddik avancent masqués. Le regretté Mohamed Talbi manifestait à leur endroit un profond mépris et les appelait les « désislamisés ». Manifestement, son mépris était totalement justifié. Par conséquent, ces « réformateurs » se retrouvent à chaque fois paralysés par les toutes-puissantes contraintes religieuses auxquelles adhère la majorité de la société tunisienne et se fourvoient dans des débats théologiques où les musulmans conservateurs finissent toujours par avoir le dernier mot. La doxa, le « Livre Saint » et les traditions arabo-islamiques séculaires sont beaucoup plus en phase avec l’éthos du commun des musulmans qu’avec celui des intellectuels laïques nourris aux valeurs universelles.
Cette volonté de réformer l’islam de l’intérieur dure depuis des siècles et relève tout bonnement de l’enc.ulage de mouches. Ces penseurs auront passé leur vie à vouloir donner une lecture progressiste de l'islam, c'est-à-dire à vouloir concilier l'inconciliable. Ils ont toujours été minoritaires parce que ce sont des islamologues, pas des prédicateurs, et les musulmans sensibles au discours des islamologues ne sont pas légion. En revanche, le discours des prédicateurs, la rhétorique des 𝑐ℎ𝑜𝑢𝑦𝑜𝑢𝑘ℎ (théologiens) et des 3𝑎𝑙𝑙𝑒́𝑚𝑎 (savants) est à la portée de tout crétin et prendra toujours le dessus sur celle des « musulmans progressistes ».
En outre, les musulmans ont raison de se montrer rétifs au discours des « musulmans progressistes » car quand on modernise une religion, elle perd toute sa substance. Que vaudrait une religion sans dogmes et sans un brin de fanatisme ? Que vaudrait l’islam (une religion qui ne repose pas uniquement sur la foi) sans son projet politico-juridique et sans ses versets belliqueux qui, pour les takfiristes, sont une exhortation au jihad ?
Les réformateurs musulmans n'ont jamais gagné dans le monde arabo-musulman et ne sont pas près de gagner. Mais la solution est toute indiquée : il faut séculariser la société tunisienne et la religion ne doit plus avoir son mot à dire dans l'espace public. Pour ce faire, il faut entreprendre un travail de fond à l’école et au sein des familles, notamment en arrêtant de donner aux enfants une éducation fondée sur des chimères puériles et sur les récits de miracles contenus dans le Coran, en leur injectant une bonne dose de rationalité dans leurs valeurs et convictions. Autrement, on ne pourra jamais s'en sortir.
Il faut également écarter de force la religion de l'espace public et de tout ce qui régit le quotidien des citoyens (administration, loi, école, etc.) et la cantonner à la sphère privée. Ensuite, libre à chacun d'adhérer au discours religieux progressiste ou au discours conservateur, voire obscurantiste. A un moment donné, il faut donner un coup de pied dans la fourmilière, il faut « rentrer dans le lard » de la doxa, de l’orthopraxie et du système de valeurs archaïque sur lequel se fonde l’islam ; certains y laisseront des plumes, mais c'est le prix à payer. Tout le reste, à commencer par le trahdyn (hypocrisie) de Youssef Seddik, est perte de temps.
** ... comme de rappeler que son nom Seddik, lui vient du surnom de Boubaker, compagnon et beau-père du messager Mohamed, connu pour sa franchise et que les compagnons du prophètes surnommèrent Essedik; laissant entendre que sa famille serait descendante de ce compagnon.
R.B