On voit de plus en plus une "mode" se développer en Tunisie chez les adeptes de la maison individuelle.
Table des matières : http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.fr/2014/04/tables-des-matieres-de-mon-blog.html ...... Ce nouveau blog est ma contribution à la réussite de la révolution tunisienne. PS : J'utilise la rubrique "commentaires" pour "actualiser" l'article, par des commentaires piochés dans FB, ou par des liens vers d'autres articles pour un autre éclairage ...
dimanche 28 mai 2023
LE JARDIN PRIVE : ENCORE UNE BIZARRERIE TUNISIENNE ...
mercredi 24 mai 2023
Le perdant Melenchon, se venge de Macron comme il peut ...
Les récents tweets de Jean-Luc Mélenchon en réaction à l'agression du petit-neveu de Brigitte Macron ont inspiré l’éditorialiste, Maurice Szafran qui regrette les excès de l'ancien candidat à l'élection présidentielle.
Mélenchon, pourquoi tant de haine …
Comme une boule de
haine. Ne supportant rien ni personne, à l’exception de quelques jeunes députés
LFI dans la dévotion la plus béate. Il n’y a plus de semaine où Jean-Luc
Mélenchon ne trouve pas une (ou plusieurs) raisons de dérailler, de cogner - à
mauvais escient -, de créer partout des tensions et des conflits, y compris au
sein de "son " organisation, La France Insoumise. Le " lider Maximo " ne
supporte plus la moindre divergence sur quelque sujet que ce soit. Il faut être
en tout point en accord avec lui; sinon, il excommunie.
Dernière victime en
date? Jean-François Kahn. Dans un récent débat télévisé, le journaliste et
essayiste s’est autorisé l’analyse suivante à propos des putschs
militaro-fascistes en Amérique Latine dans les années 60-70 : " Une
certaine gauche radicale, par ses excès a favorisé l’arrivée au pouvoir de
l’extrême-droite. Il y a un risque de voir ce processus aujourd’hui " [en
France]. On peut être d’accord (ou pas) avec ce rapprochement historique. Mais
rien dans les propos de Kahn ne justifie le déchaînement de Mélenchon, le
qualificatif qu’il utilise - " ignoble " - . Il va jusque l’accuser,
c’en est même risible, " d’extrême-droitisation ".
Nous avons connu
jadis, il y a fort longtemps, Mélenchon brillant dialecticien, capable de
soutenir le débat idéologique, la controverse historique ou l’affrontement
politique, nous nous souvenons de Mélenchon défenseur acharné de François
Mitterrand, - pas précisément un gauchiste…-, capable de toutes les pirouettes
pour défendre le " vieux " Président. Mais qu’est-il devenu ce
Mélenchon qui séduisait y compris parmi ses adversaires les plus irréductibles?
Un personnage acariâtre et méchant.
Condamnation à demi-mot après l'agression de Jean-Baptiste Trogneux
Après que le petit neveu du président de la République, Jean-Baptiste Trogneux, ait été bastonné à Amiens en raison de ses liens familiaux avec Emmanuel et Brigitte Macron, les chaînes d’info ont voulu connaître la réaction, le commentaire, de Jean-Luc Mélenchon. À ces journalistes que Mélenchon, désormais, exècre, ce qu’il ne dissimule même plus, Mélenchon refuse d’abord de répondre. Il finit par consentir à quelques explications et remarques dans un … tweet ! Au moins ne sera-t-il pas interrogé, contredit, titillé, toute chose qu’il ne supporte plus. Sa Majesté républicaine…
Voici donc le tweet, dans son entier : " Des
commentateurs indifférents aux tentatives de meurtres et agressions racistes
contre des Insoumis me somment de me prononcer sur l’agression à Amiens contre
le chocolatier Trogneux. Je lui exprime ma compassion et je joins ma
protestation à la sienne. Je demande à Macron et Madame d’en faire autant pour
nos amis agressés ou menacés sans réserver leur sollicitude au seul Zemmour
quand il fut molesté ".
Le ton, il faut bien
évidemment relever ce ton, d’un souverain mépris, l’écho d’un mépris de classe :
le " chocolatier " Trogneux d’abord ne mérite pas son prénom; les
Macron pas davantage et ces journalistes maudits qui le " somment ",
lui l’Intouchable, détenteur d’une parole magique que l’on ne saurait contester
sinon par esprit réactionnaire, quasi fascisant. Quand une chaîne d’info, BFM en l’occurrence, titre sa bande-annonce
" Trogneux : les ambiguïtés de Mélenchon ", alors il feint la
martyrologie pour mieux éviter une nouvelle fois de s’expliquer pour de bon.
Alors il cogne. " Ignoble incitation à la haine [contre sa personne, cela
va de soi], récrimine-t-il. Ces gens-là [les journalistes, toujours eux,
présents dans tous les mauvais coups à son encontre] font de moi une cible
". En bon français, cela veut dire que Jean-Luc Mélenchon considère sa vie
menacée.
Le ton donc,
toujours plus acrimonieux, mais le fond du propos, lui aussi problématique.
Relevons d’abord que, dans son tweet, Mélenchon est incapable de rappeler que
Jean-Baptiste Trogneux et Emmanuel Macron sont liés familialement, qu’il s’est
fait casser la gueule pour cette seule et unique raison. Ensuite, il s’entête
dans cette explication absurde selon laquelle, jour après jour, Emmanuel
Macron, tout comme Jean-François Kahn, tout comme tant d’autres qui le
critiquent, qui le contestent, auraient en réalité des accointances avec
l’extrême-droite. La preuve? Le président " ménagerait " le raciste
récidiviste Éric Zemmour. Ça n’a aucun sens, aucune réalité, mais qu’importe.
Mélenchon entretient de la sorte la haine anti-Macon. C’est son objectif.
La Nupes menacée ?
Les Verts, les
socialistes et les communistes, partenaires de LFI et donc de Mélenchon au sein
de la Nupes, pourront-ils supporter encore longtemps tant de provocations et de
grossièretés qui éloignent la gauche de tout retour en grâce auprès de ces
millions d’électeurs qui ont fini par l’abandonner?
La question
Mélenchon est d’autant plus aiguë qu’elle ne tarabuste pas uniquement les
alliés, de circonstance ou pas, mais qu’elle mine plus que jamais LFI de
l’intérieur, en particulier au sein du groupe parlementaire. Dernier exemple en
date, le sort du député de Seine-Saint-Denis Alexis Corbière. Parmi les
Insoumis , il compte parmi les poids (très) lourds siégeant à l’Assemblée
nationale.
Il y a quelques mois encore,
Corbière était rangé parmi les inconditionnels de Mélenchon, un membre du
premier cercle, l’un des rares qui puisse exercer un peu avoir d’influence sur
le chef. Terminé! Out, Corbière, sorti de toutes les structures de direction,
sans la moindre explication, sans qu’on sache ce que Mélenchon lui reproche
exactement. Il n’est pas le seul dans ce cas, à subir une disgrâce sans motif
apparent. Sa compagne Raquel Garrido, elle aussi députée, se retrouve
embarquée elle aussi dans la même galère. À LFI, on morfle désormais en
famille ! On croyait disparue cette pratique stalinienne. Erreur. Jean-Luc Mélenchon
a choisi de la réhabiliter, de la remettre au goût du jour.
lundi 22 mai 2023
Lettre de Habib Bourguiba à Habib Thameur – Août 1942
Le visionnaire Habib Bourguiba, contrairement à l'élite de son temps, a choisi de soutenir de façon inconditionnelle les alliés; alors que l'immense majorité des leaders du monde arabe d'alors, soutenaient l'axe, persuadés que Hitler les débarrassera du colonialisme franco-anglais. Même le grand mufti de Jérusalem, s'est jeté dans les bras de Hitler convaincu qu'il l'aidera à débarrasser la Palestine des sionistes juifs qui ont jeté leur dévolu sur la terre promise par Yahvé.
Et d'avoir choisi de rester aux cotés des démocraties dont la France, il se trouve encore parmi les complexés de l'Histoire (islamistes & arabistes), des imbéciles qui n'ont ni digéré leur propre histoire ni tiré de leçon de l'Histoire, pour traiter Bourguiba de collabo ... inféodé à la France !
Pourtant l'Histoire adonné raison à ce grand homme.
Mais comme dit le proverbe chinois, quand le sage montre la lune, les imbéciles ne regardent pas plus loin que son doigt !
R.B
Haut-Fort Saint-Nicolas, 8 août 1942
Mon Cher Thameur,
Mes chers camarades,
Mes chers compatriotes,
Je profite d’une occasion qui ne se renouvellera peut-être jamais, pour vous faire parvenir par voie clandestine les instructions que je considère comme mes dernières volontés, presque mon testament politique. C’est vous dire que j’y attache une importance capitale puisque j’ai assumé pour vous les faire parvenir des risques graves (j’en ai même fait assumer à des personnes qui me sont chères, que, jusqu’ici, je n’ai jamais voulu mêler à une opération de ce genre).
Dites-vous bien que si je ne devais jamais plus revoir la liberté, le peuple tunisien, qui connaîtra ces instructions, vous tiendra pour responsables (toi surtout, mon cher Thameur), au cas où vous n’arriveriez pas ou ne voudriez pas les exécuter à la lettre. C’est qu’il y va de l’existence même du mouvement national tunisien qui porte en lui tous les espoirs de la patrie.
Voici :
Depuis l’armistice, j’ai reçu la visite de plusieurs compatriotes de tous les milieux : étudiants, commerçants, avocats (Guellaty). En causant avec eux, j’ai acquis la conviction que tous ou presque tous croient fermement à la victoire de l’Axe.
Cet état d’esprit rejoint fatalement le sentiment obscur du peuple tunisien, écrasé sous le poids d’une répression brutale et aveugle qui dure depuis le 9 avril 1938 et qui se poursuit avec la même violence, après la défaite de la France, sous les yeux indifférents des commissions d’armistice.
La croyance naïve que la défaite de la France est un châtiment de Dieu, que sa domination est finie et que notre indépendance nous viendra d’une victoire de l’Axe, considérée comme certaine, est ancrée dans beaucoup d’esprits… et cela se comprend. Eh bien, je dis que c’est une erreur grave, impardonnable, qui nous coûtera, si nous la partageons et surtout si vous la partagez, non seulement le Parti qui est arrivé jusqu’ici à bout de toutes les répressions, mais le mouvement national tout entier, toute l’élite pensante et agissante de la nation! La vérité qui crève les yeux.
Entre le colosse russe qui n’a pas été liquidé l’année dernière – qui reprend déjà l’offensive – et le colosse américain ou anglo-saxon qui tient les mers et dont les possibilités industrielles sont infinies, l’Allemagne sera broyée comme dans les mâchoires d’un étau irrésistible.
Ce n’est donc plus qu’une question de temps. Cela étant, notre rôle, le vôtre, celui de tous ceux qui ont une certaine autorité sur la masse, est d’agir de telle sorte qu’à l’issue de la guerre, le peuple tunisien, et plus particulièrement son aile marchante, le Néo-Destour, ne se trouve pas dans le camp des vaincus, c’est-à-dire compromis avec les germano-italiens.
Encore que mes préférences personnelles et ma sympathie, en tant que leader d’un peuple qui lutte pour sa liberté, vont nécessairement vers les démocrates, je vous répète que ce n’est pas cela seulement qui a emporté ma conviction.
Les faits sont là : l’Allemagne est en train de perdre la guerre et nous n’y pouvons rien; et nous n’avons aucun moyen de changer ce fait, même si nous avions intérêt à le faire, ce que, pour ma part, je ne crois pas. Dans ces conditions, voici comment vous devez procéder :
Tâcher si possible, et par leur intermédiaire, d’entrer en contact avec les agents anglais ou américains qui doivent pulluler en Tunisie. On pourra les sonder sur les intentions de leurs pays à notre égard après la victoire.
Mais ça il faut le faire avec beaucoup de précautions et sans perdre contact avec les Français, car il est possible – et même probable – que vous aurez des déceptions de ce côté.
Mais n’importe. Notre soutien aux Alliés doit être inconditionnel.
Car l’essentiel pour nous, c’est qu’à la fin de la guerre – qui maintenant ne saurait tarder beaucoup – nous nous trouvions dans le camp des vainqueurs, ayant contribué, si peu que ce soit, à la victoire commune. Même si nous devons courir au-devant de pénibles déboires, nous aurons par notre seule attitude acquis des titres à l’estime et au respect de la France et des Alliés, ce qui serait pour nous, non seulement une garantie de survie, mais une magnifique base de départ et un atout formidable pour nos luttes futures. Tous les espoirs nous seraient permis.
Ne croyez surtout pas que si je vous dis cela, c’est parce que j’attends quoi que ce soit pour moi de la France. Tout me porte à penser que la France, celle de demain, comme celle d’aujourd’hui, ne me lâchera pas. S. A. le Bey en a eu la preuve de l’amiral Estéva qui lui aurait dit :
« Jamais plus Bourguiba ne remettra les pieds en Tunisie. » L’instruction de l’affaire est depuis longtemps terminée et tout est prêt pour le jugement. Un jour ou l’autre, peut-être à la fin de la guerre, elle passera devant le tribunal militaire qui me condamnera vraisemblablement au maximum, c’est-à-dire à la peine de mort… Non parce que j’aurai comploté le renversement du Gouvernement, mais parce que certains Français sont convaincus que ma vie, mon activité mettent en danger la domination de la France sur la Tunisie. Il n’est pas exclu toutefois que cette peine soit commuée en détention perpétuelle dans quelque île lointaine du Pacifique ou dans une enceinte fortifiée et on présentera cela comme un geste de clémence ou d’apaisement et beaucoup s’en contenteront et s’en féliciteront.
Donc, de toute façon, je pense que ma carrière est finie. Mais la vôtre ne fait que commencer et je veux, avant de laisser la place à ceux qui viendront après moi, leur ménager des possibilités réelles de lutte et des chances raisonnables de victoire.
Or, aucune possibilité de ce genre n’existera pour le peuple tunisien si aujourd’hui, pour une raison ou pour une autre, vous n’exécutez pas à la lettre les ordres que je vous donne. Voilà ce qu’il ne faut pas perdre de vue. Quand le sort de la patrie est en jeu, ma personne importe peu. Aussi, c’est au nom de cette patrie pour laquelle je mourrais peut-être bientôt, que je vous adjure de ne pas donner à nos ennemis le prétexte rêvé d’écraser, de détruire à jamais notre seul instrument de lutte : le Néo-Destour, qui nous a coûté tant d’efforts, de larmes, de sueur et de sang !
Ayez la force de dominer vos sentiments et surtout vos ressentiments, de résister aux entraînements de la foule qui ne voit pas loin et qui aura toujours besoin d’être fermement guidée dans la vie sinueuse et pleine de méandres de la lutte libératrice.
Je vous le répète; c’est une question de vie ou de mort pour la Tunisie !
Et si malgré tout ce que je viens de dire, vous n’êtes pas convaincus, obéissez ! C’est un ordre que je vous donne. Ne le discutez pas ! J’en prends l’entière responsabilité devant Dieu et devant l’Histoire. J’ai noué des relations très cordiales et très confiantes avec un gaulliste notoire :
Le capitaine Kurt, que nous rencontrons au préau. Il vient de s’évader et doit être à Londres maintenant. Il m’avait même mis dans le secret de son évasion, ce qui vous donne une idée de sa confiance en moi ! J’espère qu’il ne m’oubliera pas.
Hédi, à Trets, est paraît-il en contact avec un agent français de l’Intelligence Service. Je fais ce que je peux d’ici pour ménager l’avenir, mais c’est à vous qu’incombe la lourde tâche d’entraîner le peuple dans le camp des Alliés.
Il faut se méfier bien entendu des agents provocateurs à la solde de Vichy, mais j’estime qu’à tout prendre, il faut risquer. Car même si des Destouriens sont frappés pour leur travail clandestin avec les gaullistes, ça nous fera en définitive plus de bien que de mal.
C’est un risque à courir sans hésiter. Ne prenez surtout pas mes paroles pour les élucubrations d’un prisonnier coupé du monde extérieur et ne sachant rien de ce qui s’y passe. Je suis attentivement toutes les phases de la guerre et ma conviction dans la victoire des Alliés n’a jamais été aussi solide.
Tout est là.
Toute notre action doit être basée sur ça. Tout doit être envisagé sous cet angle, et un jour viendra où vous rendrez grâce à Dieu que j’ai vu juste et que j’ai épargné à notre chère patrie la plus grande catastrophe de son histoire.
Bonne santé à tous, bon courage et quoi qu’il arrive, nous nous reverrons, si ce n’est dans cette vie, certainement dans l’autre.
Bien affectueusement.
Encore un attentat à la Ghriba à Jerba * ...
Mohamed Salah Ben Ammar
Dépasser le déni et aller de l’avant
«Alors que des centaines de fidèles célébraient la fin du pèlerinage juif annuel dans la synagogue de la Ghriba, un homme a ouvert le feu sur la foule mardi dernier. Quatre Tunisiens et un Français ont perdu la vie dans la fusillade meurtrière.»
Alors que la synagogue, la plus ancienne d'Afrique, était clairement visée par l’assaillant, les autorités tunisiennes refusent pourtant de qualifier cette attaque d’antisémite. Un déni qui ne résiste pas à l’épreuve de l’histoire. Casser le thermomètre ne fait pas baisser la fièvre, parole de médecin.
Il y a un temps pour tout, le temps du deuil d’abord
Nos premières pensées vont aux familles des victimes à qui nous adressons nos condoléances les plus attristées. Il est aussi essentiel de saluer l’intervention rapide des forces de sécurité qui risquent tous les jours leurs vies pour nous protéger de meurtriers fanatisés.
Ce temps du deuil n’a pas été respecté et c'est intolérable. A peine l’information parvenue aux médias que des polémiques inacceptables dans de pareils moments ont surgi. Saison touristique en danger, déni de la réalité des faits, accusations absurdes, bref nous nous sommes offerts en spectacle au monde entier au moment même où nous aurions du faire preuve de retenue et de compassion. L'irrémédiable a été fait et rien ne pourra le réparer.
Vient ensuite le temps de la colère, non moins important. Il s’agit de la troisième attaque de la synagogue de la Ghriba. Deux des trois attaques ont été l’œuvre d'éléments appartenant aux forces de l’ordre, personnes qui étaient censées protéger les lieux. En 1985, un soldat en faction devant la Ghriba avait ouvert le feu sur les pèlerins tuant cinq personnes. La version officielle de l’époque était déjà celle d’un accès de folie isolé. Puis vint l’attentat d’avril 2002 commis à l’aide d’un camion rempli de bonbonnes de gaz. Les autorités avaient déclaré dans un premier temps qu’il s’agissait d’un accident de la voie publique.
Les modes opératoires changent, le déni reste
Selon Goethe, celui qui oublie son passé, est condamné à le revivre.
Et l’histoire s’est répétée …
Attentat ou acte isolé d’un fou déséquilibré ? La polémique ravive la douleur. Le meurtrier souffrait-il de troubles mentaux ? Acte criminel ou terrorisme ? On tourne autour du pot.
L’enquête ne le dira jamais mais des médias évoquent déjà l’arrestation de deux complices. Acte antisémite ou non ? Le fait que ce lieu de culte israélite soit la cible d’attaques d’envergure à répétition n’autorise aucun doute.
Il n'y a aucun doute sur l’implantation du judaïsme en Tunisie, et ce bien avant l’avènement du Christianisme, ils étaient là avant tout le monde. La répartition des communautés juives sur tout le territoire - de Gabès à Nabeul en passant par Jerba - attestent de l’enracinement de la religion juive en Tunisie. Pas une ville tunisienne n’avait pas sa synagogue et donc sa communauté juive.
Autochtones berbères judaïsés, juifs venus d’Orient après la destruction du Temple de Salomon, d’Andalousie et de Livourne. Ces communautés étaient très différentes dans leurs modes de vie, elles ne se mélangeaient pas mais elles étaient enracinées dans la géographie du pays. Soulignons que mise à part la communauté turque, la répartition de la population Musulmane a suivi la même évolution.
Histoire d'une rupture
De fait, les Tunisiens Juifs ont bien fait l'objet de brimades et de mesures discriminatoires collectives, les vexations individuelles et les propos anti-juifs étaient quotidiens. Certains diront que ce n’était pas méchant, affectueux même. Je ne sais pas ce qu’en pensent les Tunisiens Juifs ?
Ainsi à titre d’illustration seulement, on relève que le système judiciaire, à l'exception toutefois des tribunaux Hanafites plus tolérants, a souvent été partial envers eux. La fameuse affaire Batou Sfez en 1857 en est la criante illustration. Les Juifs étaient traités en Dhimmi dans leur propre pays, ils étaient ainsi astreints au paiement d’une taxe appelée la jizya, et les plus pauvres d’entre eux étaient en cas de besoin affectés à des travaux forcés d’utilité publique.
Les Juifs devaient aussi porter des signes vestimentaires distinctifs, ils n’avaient, par exemple, pas le droit de porter des chechias rouges comme leurs compatriotes musulmans, leurs chechias et leurs turbans devaient être de couleur noire.
Il est presque indécent de le préciser mais les Tunisiens Juifs avaient la même langue, les mêmes expressions, les mêmes superstitions, les mêmes habits, la même nourriture, la même musique, les mêmes origines ethniques, bref exactement la même culture que le reste de la population. « Telle proximité, telle ressemblance me troublaient : «Je me demandais où logeaient l’identité et la différence. Était-ce la même prière dans une autre langue ? Et ces juifs que je voyais au quotidien portaient aussi en eux à la fois ce qui me les rendait semblables et différents. C’est cette différence dans la ressemblance qui me troublait. Disait ainsi feu Abdelwahab Meddeb dans son Histoire des Relations entre Juifs et Musulmans des Origines à nos Jours.
Nous le verrons plus loin, l’exploitation du rejet de la dimension d’altérité de l’autre, celui qui nous ressemble tellement sera exploité.
En Tunisie, après l’indépendance, les manifestations anti-juives ont été rares au début mais pas exceptionnelles. En 1961, lors de la bataille de Bizerte, en pleine guerre d’Algérie, une rumeur prétend que la population juive de Bizerte aide les troupes françaises. Quelques manifestations anti-juives spontanées, dénoncées par le pouvoir s’organisent. On y entend des slogans tels que « Mort aux juifs ». Le parti destourien eut beau réaffirmer que les juifs sont des citoyens à part entière et que le pouvoir a confiance en leur loyauté, un climat d'insécurité́ et d'inquiétude s’est installé dans les différentes communautés juives du pays.
Le génie incompris de Bourguiba
Au fil du temps, ce mal ne fera que s’amplifier. Après la guerre de juin 1967 des dizaines de magasins appartenant à des juifs et des synagogues furent incendiés ou mis à sac. Signe très significatif, Bourguiba qui était au summum de sa gloire n’est pourtant pas arrivé à calmer la foule. Il condamna violemment à la radio et à la Télévision «ces énergumènes irresponsables qui méritent la potence...» Mais n’est pas entendu par la population.
Plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes juifs, dont de nombreux intellectuels, quittèrent, la mort dans l’âme leur pays. Du simple vendeur de casse-croûte au professeur en médecine, jamais ils n’ont réussi à faire leur deuil d’un pays qu’ils ont adoré jusqu’à leur dernier souffle.
1954, le président Bourguiba avait anticipé, il avait déclaré : «Les Néo-Destouriens s'opposent entièrement à l'antisémitisme et à la discrimination envers les Juifs de Tunisie. Ils sont pour l'égalité totale des droits […] Le gouvernement tunisien et les Néo-Destouriens feront tout pour assurer le bien-être des Juifs, mais si certains Juifs préfèrent émigrer pour telle ou telle raison en Israël, nous ne leur ferons aucune difficulté» et après l’indépendance un bureau tenu par l’Alliance Israelite Internationale a été ouvert à Tunis pour organiser le départ vers Israël des Juifs qui souhaitaient partir. Pour Bourguiba, le patriote pragmatique, l’intérêt de la Tunisie primait. Il voulait rassurer car il savait que son pays serait le grand perdant si cette élite partait.
De fait, au lendemain de l’indépendance et malgré les appels du pied d’Israël, nombreux sont les Juifs qui sont restés et ont eu à cœur de servir leur patrie. Albert Bessis a ainsi occupé le poste de ministre de la santé et le militant destourien André Barrouch, celui de la reconstruction et du plan, Henri Smadja dirigeait le journal « La Presse » et Simon Zana « Le Petit Matin ».
«Les professeurs juifs que nous avions eus au collège, au lycée, puis à l’université, nous parlaient en tant que Tunisiens, vecteurs de la modernité. Je pense notamment à Marcel Maarek, professeur de mathématiques ; à Jean-Pierre Darmon ou Juliette Bessis, professeurs d’histoire, et tant d’autres, les Boulakia, Naccache, Perez, Bellaïche, Slama, Valensi, Sebag, etc. Nous percevions en eux des maîtres proches, alliés, aînés, amis qui nous initiaient à l’esprit critique, à la liberté, qui nous aidaient à nous configurer dans la conscience de soi.». disait feu Abdelwahab Meddeb.
Faut-il rappeler que la vie académique, scientifique, culturelle du pays était pour beaucoup animée par ces monuments, chacun dans son domaine, le peintre Moses Levy, l’unique, l’exceptionnel Albert Memmi qui enseignait au Lycée Carnot, l’immense linguiste Claude Hagège y était surveillant, le peintre Victor Sarfati enseignait le dessin au collége Sadiki, le père de l’ophtalmologie tunisienne Dr Roger Nataf, Dr André Salomon Corcos, Maitre Claude Sitbon, Dr Daniel Uzan … et même la vie politique par d’autres comme Paul Sebag, les militants Georges et Gladys Adda, Béatrice Slama, Juliette Bessis, la grande et Gisèle Halimi, le camarade Gilbert Naccache … Ils nous ont montré, ce que beaucoup ont encore du mal à admettre, qu'il est possible d’être tunisien et moderne. «Ils tiraient la Tunisie vers le nord mais après leur départ la Tunisie s’est mise à dériver vers l’Est», disait A. Meddeb. Bourguiba ne disait pas autre chose. Durant la seconde guerre mondiale il a été avec Mohamed V les seuls leaders "arabes" à prendre position contre le nazisme.
Prenez le temps de relire la lettre envoyée le 10 août 1942 par Bourguiba au président par intérim du parti destourien Dr Habib Thameur. Bourguiba et ses compagnons venaient d’être libérés par Mussolini de la prison Haut-Fort Saint-Nicolas où les conditions de détention étaient inhumaines. Ils ont failli mourir et en 24 heures ils se sont retrouvés traités comme des rois, Hôtel Negresco de Nice puis au Palais Respighi à Rome … et retour à Tunis. Bourguiba lucide n’a pas été tendre avec Habib Thameur et ses compagnons car il savait que la tentation de soutenir l’Allemagne était grande : «L'ordre, vous est donné, à vous et aux militants, d'entrer en relation avec les Français gaullistes en vue de conjuguer notre action clandestine […] Notre soutien doit être inconditionnel. C'est une question de vie ou de mort pour la Tunisie». Plus tard Bourguiba le visionnaire sera qualifié de traître par ceux qui n’ont rien compris à l’Histoire.
Nos chemins se séparent ou le refus d’entrer dans la modernité
L’éradication de l’altérité est une manière de ne pas prendre en compte quelque chose qui est pourtant inscrite symboliquement inscrite en nous sinon comment expliquer que les Tunisiens Juifs que rien ne distingue des autres citoyens à part la religion soient progressivement devenus aux yeux de leurs concitoyens une sorte de cinquième colonne ?
Accuser les minorités d’être au service de l’étranger est une rhétorique bien commode qu’on retrouve régulièrement dans l’histoire. Mais la différence de religion ne peut pas à elle seule tout expliquer.
Osons une hypothèse.
La route des Tunisiens Juifs et Musulmans s’est progressivement séparée. Vers 1860 les écoles de l’Alliance Israelite Universelle ont mis en Tunisie les petites filles et les garçons juifs sur le chemin d’une école gratuite et moderne. Quelques années plus tard, les transformations socio-culturelles et économiques dans la communauté juive n’ont pas tardé à devenir visibles. Disons qu’à travers cette évolution qui a accompagné la colonisation française, un fossé s’est ouvert entre les deux communautés. Le refus de la modernité synonyme d’Occident, face à une soif salvatrice de modernité.
Les jeunes Juifs, juristes, médecins, banquiers, professeurs diplômés des universités françaises sont sortis de la Hara pour investir de nouveaux quartiers de la capitale comme Lafayette où de belles villas ont été érigées, ils ont pris des prénoms européens alors que l’immense majorité de leurs parents ne parlaient pas un mot de français. Il faudra bien plus qu’un article pour parler de la naissance de cette élite.
Fraichement diplômés, ils sont revenus au pays et se sont engagés dans l’effort de modernisation de leur pays, mais ils étaient tourmentés. Ils n'étaient pas naïfs, ils étaient conscients qu’une Tunisie indépendante pouvait, avec le temps, être tentée de les exclure. Le choix n’était pas facile mais beaucoup ont eu le courage de rester et de servir.
Il est facile d’accuser, de juger et de condamner les autres mais tous ceux qui crient haut et fort aujourd’hui contre ce qu’ils qualifient de double allégeance ou de traîtrise devraient prendre le temps de s’interroger sur la position qu’ils auraient adoptée s’ils avaient été Juifs Tunisiens en 1956 ?
Évidemment il y a eu des prises de positions moins vertueuses. En 1954 Charles Haddad, président de la communauté israélite de Tunis (que Bourguiba avait reçu à plusieurs reprises), s'est prononcé dans un discours public en faveur du maintien de la présence française. La suspicion toujours quiescente, envers la communauté juive a trouvé de quoi se nourrir. La puissance occupante qui a toujours joué sur les différences, l’exemple le plus criant est le décret Crémieux - qui octroie aux juifs d’Algérie la nationalité française contrairement aux musulmans. Même s’il n’a jamais été appliqué en Tunisie – diviser pour régner a été la politique des puissances coloniales.
Et puis comment oublier 1948 et la création d’Israël et l’expulsion des Palestiniens de leurs terres. Il était demandé aux Tunisiens Juifs de choisir « entre la justice et leur mère ». Humainement, ce choix était impossible à faire pour des personnes qui durant 3000 ans ont récité à la fin des prières cette petite phrase : " l'an prochain à Jérusalem ".
Avec la création de l’État d’Israël, toute manifestation de sympathie ou acte de soutien envers Israël devenait synonyme de double allégeance, pire de traîtrise. Un dilemme insolvable. L’histoire est tragique.
Le déni, jusqu’à quand ?
Le problème est que la diabolisation du Juif a des racines profondes et différentes, il a eu lieu après leur départ mais il n’en est pas moins réel. Le déni dérive d’une interprétation qui refuse à chaque fois de prendre en compte la réalité des faits. La haine s’est amplifiée au fil des années.
Nous aurons beau crier haut et fort au monde entier qu’étant nous-mêmes sémites nous ne pouvons pas être qualifiés antisémites, cela n’y changera rien.
Il est clair que nos concitoyens et surtout ceux qui ont eu à côtoyer nos compatriotes Juifs et qui parlent de cette vie commune les larmes aux yeux, rejettent cette analyse des faits. La solidarité entre les deux communautés n’est pas une vue de l’esprit, même aujourd’hui elle reste forte. Les immigrés le savent bien, nos jeunes diplômés à l’étranger le vivent au quotidien, rencontrer et travailler avec un compatriote Juif est souvent une chance.
Pas d’amalgames, des meurtriers antisémites
Reconnaître qu’il y a un problème à traiter, accepter de lui attribuer les bons qualificatifs, est une étape nécessaire si l’on veut le traiter. Le déni est la limite de la dimension paranoïaque. L’exploitation du rejet de la dimension d’altérité de l’autre, celui qui nous ressemble tellement, n’est pas innocente dans le cas d’espèce. Ils trouvent des arguments dans l’actualité quotidienne en Palestine.
Mais il refuse de se poser la question, pourquoi le nombre de Tunisiens Juifs est passé de 150 000 ou 200 000 à, à peine 1500 personnes actuellement. Détrompez-vous, tous ceux qui sont partis ne l’ont pas fait de gaité de cœur et la Tunisie les a perdus. Ils sont partis parce qu’ils ne se sentaient plus en sécurité. Certains diront que personne ne les a obligés à partir ? C’est d’autant plus vrai que l’État n’a pas su ni pu rassurer; qu'il n’avait pas les moyens d’offrir les garanties de sécurité que tout pouvoir devrait offrir à ses citoyens. Mais malgré les efforts du gouvernement, la peur probablement alimentée par des mains non innocentes, a pris le dessus.
Les intolérables injustices faites au Peuple Palestinien sont le fait du gouvernement israélien, on doit s’y opposer de toutes nos forces mais intelligemment pas bassement en justifiant l’injustifiable. Il faut être aveugle pour ne pas réaliser que nous sommes manipulés depuis 70 ans par des esprits étroits et que les intérêts des dictateurs qui nous ont gouvernés convergent avec ceux du gouvernement israélien.
Des deux bords, l'exploitation politique du désespoir, sème la haine dans une jeunesse qui est naturellement généreuse et aime la paix, elle l’enferme dans un nihilisme dangereux. Que de vies détruites, que de malheurs semés par la bêtise des politiques. C'est insupportable.
Il nous suffit de dépasser notre colère et nos préjugés pour voir que la meilleure façon d’aider les Palestiniens, n’est pas de tomber dans le négationnisme ou l’antisémitisme. C’est même le contraire qu’il faut faire.
Les discours enflammés des dictateurs, le racisme, les actes antisémites font beaucoup de mal au monde arabe. La Tunisie a toujours essayé de rester à l’écart et ne s’est jamais laissée emporter par la haine. Elle ne le fera pas aujourd’hui.
Affronter la réalité, sortir du déni que les discours démagogiques exploitent, refuser d’amalgamer la défense des droits légitimes des Palestiniens à un État et les actes antisémites, est une dérive qu’il faut dénoncer.
Lutter contre ces démons qui rongent le monde et qui sont les montures des régimes autoritaires. J’ai dit racisme, xénophobie et antisémitisme. Éduquer la jeunesse, punir les actes racistes et antisémites, raconter objectivement l’histoire de ces idéologies qui reviennent en Europe et ailleurs; et qui dans le passé, ont fait de la haine de l’autre, du voisin, du plus proche, celui qui est comme nous, leur fonds de commerce. Ne pas oublier qu’elles ont fait des millions de morts.
Au-delà de l’insupportable spectacle de la violence qui s’exerce à l’encontre des minorités, nous devons garder en tête que la brutalité affecte celui qui en fait les frais comme celui qui la prodigue.
La souffrance du premier étant indissociable de l’aliénation du second.
Parole d’Albert Memmi. Un Tunisien … juif.