mardi 28 juillet 2020

La grande Gisèle nous quitte

La tunisienne qui a permis à la femme française la maîtrise de sa reproduction ... longtemps après la femme tunisienne, à laquelle Bourguiba avait accordée le droit d'avorter, en multipliant les centres de planning familial pour maîtriser la natalité en Tunisie et la démographie par la même occasion. Une féministe convaincue qui a défendu le droit pour les femmes de disposer de leur corps et qui sera à l'origine de la loi anti-viol.
Qu'elle repose en paix !
R.B
 Gisèle Halimi - Sa bio et toute son actualité - Elle

La célèbre militante féministe et femme politique franco-tunisienne, Gisèle Halimi est morte ce mardi 28 juillet 2020 à Paris. Née à La Goulette, à la banlieue nord de Tunis, le 27 juillet 1927 d’une mère juive et d’un père d’origine berbère. Elle entreprend des études au lycée de jeunes filles de Tunis.

En 1949 elle entre au barreau de Tunis et poursuit sa carrière d’avocate à Paris en 1956, après des études à la Faculté de droit et de lettres de Paris et à l’Institut d’études politiques de Paris.

Qui était, pour vous, Bourguiba ? Un visionnaire, répondit-elle dans une interview au journal Le Parisien en avril 2000 dont voici les extraits : Il avait très tôt compris que le degré de liberté accordé à la femme est un révélateur du degré de modernité d’un pays.

Lui ne regardait pas les femmes comme une catégorie en péril. Il a vu ce que beaucoup d’Occidentaux ne comprennent pas encore : pas de développement sans les femmes. L’urgence était de les intégrer, et à part entière.

Et il n’y est pas allé de main morte. Utilisant le Coran, il a mis le droit religieux en échec. Il a fait disparaître la répudiation, les mariages précoces. Il a instauré le divorce par consentement mutuel dès 1956.

En 1961, il disait oui à la contraception et, un an plus tard, à l’avortement. Aujourd’hui, l’alphabétisation est réussie à 92 %. Je rentre du Maroc : le contraste est effrayant. Là-bas, 70 % des femmes sont analphabètes. Et le taux atteint 90 % dans les campagnes. L’élan initial semble pourtant s’être vite arrêté. En 1967, Bourguiba a été victime d’un accident cardiaque assez sérieux.
Il en est sorti diminué. Mais sa nature extrêmement autoritaire est demeurée intacte. Il brûlait toujours d’une volonté de réussir. Forcément, il y a eu, à la longue, des dégâts, des erreurs, la répression. Le responsable, c’était lui ? Il en a rejeté la responsabilité sur les courroies de transmission du régime.

Là se sont tournées, pour la Tunisie, des pages noires. Quel était son âge exact ? Je n’ai jamais su. Bourguiba, c’est comme pour mon père. Il était « présumé né en ». Je disais toujours à mon père : « Tu carottes quelques années ».
Comme Bourguiba. D'après mon père, il était né en 1900. Certains disent : un an avant. Bref, il serait mort centenaire. À son époque, il n’y avait pas d’état civil. On savait simplement qu’on était né en été ou en hiver.

Fortement engagée dans plusieurs causes, elle milite pour l’indépendance de la Tunisie, mais aussi pour l’Algérie ; elle dénonce les tortures pratiquées par l’armée française et défend les militants du Mouvement national algérien poursuivis par la justice française.

À partir de 1960, elle prend la défense de Djamila Boupacha, militante du Front de libération nationale algérien, notamment dans le journal Le Monde.

Par la suite, elle co-signe avec Simone de Beauvoir « Djamila Boupacha, » livre dans lequel elle obtient de nombreux soutiens et la participation de grands noms comme Pablo Picasso dont le portrait de Djamila Boupacha figure sur la couverture.

Ariane Marwane : Gisèle fut choisie par Bourguiba pour le défendre, alors qu'elle n'avait que 23 ans et débutait dans le barreau ... plutôt que de s'adresser à un grand ténor déjà installé dans la profession.
من سجنه لم يختر بورقيبة أكبر المحامين للدفاع عنه وإنما اختار ووضع كامل ثقته في Gisèle halimi ذات 21 سنة والمتخرجة حديثا للدفاع عنه وعن القضية التونسية، كان بورقيبة أول حرفائها كمحامية وكانت مدافعة شرسة عن أبناء الحزب الدستوري الحر وأبناء الاتحاد العام التونسي للشغل
عندما تتحدث عن بورقيبة في مذكراتها تقول إن الرجل كان سابقا للتاريخ في ما يخص قضايا المرأة ويرى البعض أنها استلهمت من بورقيبة الكثير عندما قامت مع سيمون دي بوفوار تقديم قانون الطلاق بفرنسا فقد كان مرجعها مجلة الأحوال الشخصية بتونس ...
بورقيبة تعود علاقته بجيزيل بالطيب أو حليمي إلى سنة 1948 وكان دائما يقول لها " ما تنساش اللي أنت تونسية"
هي أيضا محامية الجميليتين : جميلة بوحيريد وجميلة بوباشة وأنقذتهما من حبل المشنقة
هي أيضا محامية مروان البرغوثي الذي طلب أن تكون ضمن فريق دفاعه من سجنه بإسرائيل
هي أيضا صديقة للرئيس الراحل الباجي قائد السبسي فقد كانا عضوين معا بالجمعية التونسية للمحامين الشبان
لم تكن إمرأة مهادنة أو ممن يمكن تساوم في القضايا الانسانية وكانت فطنة لا يرهبها الزعماء ولا رجالات السياسة...مما ترويه في مذكراتها أنها عندما التقت شارل ديغول طلبا لعفو رئاسي لأعضاء منظمة التحرير الجزائرية ،أراد ديغول ارباكها لأنها في تلك الفترة كانت في مرحلة طلاق فقال لها madame ou mademoiselle لكنها أجابته بكل ثقة appellez moi Maître
هذه هي ابنة حلق الوادي التي غادرت ساحات النضال الإنساني يوم أمس
رحمها الله ورحم الله كل الزعماء الذين سيخلدهم التاريخ

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Aziliz Le Corre

Sonia Mabrouk : « Le féminisme de Gisèle Halimi se conjuguait avec l’universalisme »

Avocate et grande figure du féminisme, Gisèle Halimi est morte le 28 juillet à l’âge de 93 ans. Sonia Mabrouk lui rend hommage.

Un café avec … Sonia Mabrouk, Juste Quelqu'un de bien, par Sarah Cattan -  Tribune Juive

Sonia Mabrouk est journaliste, animatrice sur CNews et Europe 1. Elle a notamment publié Douce France: où est (passé) ton bon sens?

FIGAROVOX. - Que retenez-vous de la figure de Gisèle Halimi? Vous reconnaissez-vous particulièrement dans ses combats?

Gisèle Halimi, c’est la Femme révoltée au sens camusien. Toute sa vie, elle a incarné une révolte positive, un refus constructif des injustices et de l’ordre établi. C’est pour cela que le rapprochement avec

Avocate, militante, écrivaine, politique, Gisèle Halimi a brillamment campé de multiples rôles qui offraient un seul et même visage, celui de la rectitude des idées. C’est aussi pour cela que de nombreuses générations de femmes - dont la mienne - et d’hommes se reconnaissent dans ses combats. Elle a toujours incarné une résistance pragmatique à tous les archaïsmes, à toutes les oppressions et aux différentes formes d’injustices. Au fond, elle fait partie de ces figures qui nous ont toujours rassurées sur notre devenir. Je fais ici référence à notre devenir civilisationnel qui transcende largement le strict aspect sociétal. À mes yeux, Gisèle Halimi restera comme l’une des gardiennes d’une aspiration à l’universalité, la défenseure d’une culture qui forme le socle de toute civilisation, et un être qui n’aura jamais perdu de vue son environnement au sens premier du terme. J’insiste sur ce point car l’Homme qui est conscient de la fragilité de sa civilisation est un être qui reste connecté avec la nature qui l’environne, avec le cycle des saisons et sa condition naturelle. Ce fut le cas de Gisèle Halimi qui a, toute sa vie durant, gardé un lien charnel avec ses terres, françaises et tunisiennes.

En 1989, après l’affaire du foulard de Creil, Gisèle Halimi quitte SOS Racisme et n’hésite pas à parler du voile comme d’un «apartheid». Pour elle, droits de l’Homme et droits des femmes sont indissociables?


À chaque polémique - et elles sont nombreuses - sur le voile, je me remémore. 


Plus récemment, Gisèle Halimi, avec le collectif «No Body for Sale», s’est exprimée contre la GPA pour dénoncer notamment «une extension du domaine de l’aliénation des femmes». Son engagement va-t-il à contre-courant du néo-féminisme?

 

Le débat sur la gestation pour autrui, même s’il symbolise de profondes fractures entre féministes, ne permet pas d’identifier des camps aussi nettement délimités que ne semble le suggérer votre question. J’en veux pour preuve l’engagement de grandes figures comme Sylviane Agacinski et Yvette Roudy qui, aux côtés de Gisèle Halimi, ont pris position contre la GPA à travers l’appel du collectif «No body for sale», lorsque d’autres voix tout aussi fortes et marquantes pour le féminisme, ont, à l’instar d’Élisabeth Badinter, soutenu sa légalisation assurant que la mère est celle qui élève l’enfant et défendant l’idée que l’instinct maternel en tant que tel n’existe pas. On voit bien que les lignes de fractures sont multiples et dépassent largement le cadre du strict débat féministe. Je pense que ces grandes figures comme Halimi ou Badinter, même si sur ce sujet leurs positions divergent, se placent surtout sur le terrain de l’humanité. Ainsi, le féminisme est d’abord un humanisme pour lequel la liberté des femmes ne va pas sans celle des hommes. Et réciproquement. C’est l’une des principales leçons de celles qui marqueront l’Histoire comme Gisèle Halimi.



jeudi 23 juillet 2020

Abir MOUSSI DÉRANGE TOUT LE MONDE

En premier Ennahdha et ses partis satellites dont Iitilef al karama, résurgence de la fameuse LPR (Ligue de protection de la révolution), dissoute juridiquement.
Mais aussi les partis dits progressistes, comme Tahya Tounes, Nidaa Tounes … qui courent toujours après Ghannouchi. Mais  aussi certains journalistes !

Depuis bientôt 10 ans de comédie islamiste pour prouver l'ouverture d'esprit de Ghannouchi "pour les femmes non voilées" (Souad Abderrahim), "pour les juifs" (René Trabelsi), "pour les homosexuels", "pour la modernité", jusqu'à porter "costume et cravate bleue", pour mieux berner les Tunisiens; il y a un seul homme à ne pas tomber dans son panneau. Il se trouve que cet homme est une femme. Et quelle femme ! Une authentique fille de Bourguiba. C’est Abir Moussi.

Elle dénonce méthodiquement la stratégie de Ghannouchi pour rester au pouvoir et les moyens qu'il se donne pour le faire, comme sa trouvaille du fumeux "consensus", puis sa recherche de "l’oiseau rare" ; ses discours où il dit une chose et son contraire avec aplomb ; ses menaces et son terrorisme s’il ne recourait à l’élimination physique de ses opposants (Chokri Belaid, Lotfi Naghedh, Mohamed Brahmi … ).

En le dénonçant systématiquement, elle a permis aux tunisiens de découvrir le double langage de Ghannouchi et ses accords secrets avec le Qatar et la Turquie; son mépris pour le droit, pour la constitution et pour les règles internes à l'ARP (Assemblée des représentants du peuple), pourtant élaborés par ses Frères musulmans d'Ennahdha ...

Ennahdha s'est crue invincible, incontournable et indispensable aux Tunisiens, au point de jouer l'arrogante ! Abir Moussi a pu démontrer qu'Ennahdha n'est qu'un tigre en papier, Ghannouchi ne tirant sa force que de la faiblesse et de la lâcheté des dits "progressistes". 
Mais le tigre en papier, Abir Moussi a su trouver son talon d'Achille : le non-respect du Droit et de la Constitution que Ghannouchi avait imposés aux Tunisiens ! 
Abir Moussi & le PDL ont démasqué Ghannouchi; et par la même, le démocrate qu'il prétend être.
Puisque hormis elle, personne parmi la classe politique ni les médias, n'a ouvertement démenti les discours des islamistes, encore moins ceux de leur cheikh Ghannouchi devant lequel tous font semblant de le croire, poussant l'obséquiosité à lui donner du Sidi Cheikh avec moult courbettes ! Elle est la seule à dénoncer l'imposteur marchand du Temple, droit dans les yeux, en rappelant que le wahhabisme qu'il diffuse en Tunisie n'a rien à voir avec le malékisme et le soufisme qui ont façonné durant des siècles la tunisianité des Tunisiens, cette identité qui leur est si particulière.

Si La popularité de Abir Moussi a fini par inciter les partis dits progressistes à prendre en considération ses "révélations", il n'en demeure pas moins que l'adhésion de leurs chefs à son combat, se fait du bout des lèvres dans un attentisme toujours opportuniste !
Et s'ils admettent le retrait de leur confiance à Ghannouchi, reconnaissant ses abus de pouvoir; et qu'ils aient signé la motion de son éviction du perchoir; ils n'iraient pas jusqu’à la voter, car ils "marchandent leur voixdans les coulisses, contre une promesse de poste ou d'un strapontin dans un futur gouvernement qu'il concoctera ... ou autres faveurs, pour les plus corrompus d'entre eux !

Alors faut-il ou non que Abir Moussi poursuive son combat contre la dictature islamiste que met en place Ghannouchi sous la menace des terroristes (Hafedh Barhoumi) ?
La réponse est OUI, car elle est la seule à faire ce « travail » salutaire pour la Tunisie.
Ce travail, est salutaire aussi pour les Tunisiens qui sauront en fin de compte le moment venu, faire barrage aux islamistes mais aussi aux partis prétendument progressistes mais qui se sont dévoyés ainsi qu'à leurs chefs quand de compromis en compromission, ont fini par se coucher devant Ghannouchi ! 

Abir Moussi leur a permis de distinguer le bon grain de l'ivraie de leur classe politique ; autrement dit distinguer les patriotes, des traîtres à la Tunisie.

Le PDL (Parti Destourien Libre) par son opposition frontale aux Frères musulmans et grâce à la vigilance de ses responsables, a clarifé le débat politique. Désormais la question est de savoir qui est pour et qui est contre la Tunisie ?

En obligeant Ghannouchi de tomber le masque, Abir Moussi a révélé qu'il n'est ni démocrate, ni progressiste, ce qu'il prétend être; et surtout qu'il est traître pour la Tunisie ! Qu'il est toujours membre actif de l'organisation mondiale des Frères musulmans malgré ses négations. Sa culture politique étant toujours la violence et le terrorisme !

Les partis qui se disent progressistes, doivent choisir leur camp : non pas celui d'être avec ou contre Abir Moussi mais celui d'être avec ou contre Ghannouchi ! 
Le PDL a pris une position on ne peut plus claire : contre Ghannouchi et pour la Tunisie !!

Sans la vigilance du PDL, Ghannouchi aurait continué à se moquer des Tunisiens et du monde avec son cirque de moderniste démocrate, et aurait poursuivi son funeste projet pour la Tunisie; puisque TOUS les prétendus progressistes, lui mangent dans la main pour des miettes de pouvoir !

Rachid Barnat


mercredi 22 juillet 2020

Islamistes : ces retardataires de l’Histoire

Des idéologies qui ont secoué le siècle dernier, il y a une qui a été dévoyée de son objectif premier : libérer les pays "arabo-musulmans" de leurs colonisateurs occidentaux. En effet ces pays pour la plus part ayant été libérés souvent grâce au nationalisme qui a nourri le combat de leurs libérateurs, restait l'islamisme dont ces mêmes libérateurs se méfiaient, s'ils ne l'avaient pas combattu.
Le communisme quant à lui, était devenu la bête noire des occidentaux et un cauchemar pour les Américains, auquel ils vont faire une guerre froide sans merci. Pour le contrer chez les peuples nouvellement décolonisés, ils vont "suggérer" aux dirigeants "arabes" accusés de virer dictateur depuis l'indépendance de leur pays et pour plus de démocratie, de faire une place à l'islamisme tout en leur "recommandant" une guerre sans merci au communisme !
Ce que va faire Bourguiba entre autres dirigeants "arabes", en autorisant un islamisme "sous contrôle", pour mettre un terme au collectivisme que pratiquait à marche forcée Ahmed Ben Salah qui a suscité un mécontentement général. Occasion pour l'Uncle Sam de "conseiller" à Bourguiba une ouverture aux islamistes et de serrer la vis aux communistes, islamistes dont il se méfiait comme de la peste conscient qu'ils seront un frein à tous ses projets de modernisation de la Tunisie. Ce qu'il résumait d’ailleurs, d'une phrase lapidaire à un journaliste qui lui demandait quelle différence y avait-il entre lui et les islamistes ? "14 siècles nous séparent !", répondit-il. 
Et voilà qu'à la faveur du fumeux "printemps arabe", les occidentaux donnent un dernier coup de pouce aux islamistes, ces complexés de l'Histoire qui piaffent de prendre leur revanche; puisqu'ils soutiennent les Frères musulmans qui remplaceront des dictatures laïques par des dictatures religieuses, plus "coopératives" avec eux, pensent-ils, oubliant que les peuples "arabes", et plus particulièrement les Tunisiens, n'en veulent pas.
Certains peuples ont mis 70 ans pour se débarrasser du communisme. Les peuples "arabo-musulmans", mettront-ils autant pour se débarrasser de l'islamisme ?
R.B
Azza Filali (@goutouss) | Twitter

Nos islamistes accumulent les déboires : une victoire médiocre aux élections législatives, une claque avec le gouvernement, proposé par le mouvement Ennahdha. A chaque défaite, leur chef crie à la « fête démocratique. » En somme, la démocratie est, pour Ennahdha, la roue de secours à brandir quand rien ne va plus : curieuse idée qu’ils ont de la démocratie !
En vérité, qu’il s’agisse d’ici ou d’ailleurs, les mouvements islamistes ont vécu. En dépit du bruit et des effets de manche dont ils peuvent faire preuve, tout cela ne représente que les soubresauts de la fin.
L’histoire a ceci de bien qu’en nous renseignant sur la genèse des phénomènes sociaux, elle présage aussi de leur devenir. La naissance des mouvements islamistes se situe au tout début du siècle dernier, alors que des pays musulmans, tels Irak, Syrie, Soudan, Yémen, Indonésie, possédaient d’importants partis communistes. Le parti communiste indonésien était ainsi le troisième, en nombre d’adhérents, après ceux de la Chine et de l’URSS. Avec ces partis communistes, le paysage socio-politique s’enrichissait d’une importante composante laïque, mêlant des croyants de confessions diverses et des athées, en une même conviction marxiste.

C’est avec les deux guerres mondiales que tout bascula. Bien avant 1918, les accords Sykes-Picot, conclus entre la France et la Grande-Bretagne, (avec l’aval des russes et des italiens)avaient décidé de découper le Moyen-Orient en tranches, à la fin de la guerre. La France reçut mandat sur le Liban et la Syrie, alors que Mésopotamie, Transjordanie et Palestine revinrent à la Grande Bretagne. En 1928, le désir de libérer l’Egypte du joug britannique conféra à Hassen El Benna un prétexte légitime pour créer la confrérie des frères musulmans, et instaurer l’idée de Jihad comme lutte armée offensive.
C’est aussi aux années 1920 à qu’on peut approximativement faire remonter l’éveil des nationalismes arabes qui couvaient sous la cendre, depuis la colonisation du Proche-Orient et du Maghreb par l’Europe. Ces nationalismes ont longtemps représenté un credo unificateur, credo dans lequel le président égyptien Jamal Abdennasser a abondamment puisé pour asseoir sa puissance et sa popularité.
Mais, voici que deux autres accidents surgissent et font basculer le cours de l’histoire : le premier est la création de l’état d’Israël en 1948 et le renvoi des palestiniens hors de leurs villages et de leurs propriétés. Second accident: la guerre des six jours. Défaite cuisante, humiliation au-delà de l’imaginable, qui sonna le glas du nationalisme arabe. Dès lors, les frustrés de ce nationalisme s’engouffrèrent dans l’islamisme politique, seul credo mobilisateur, seule échappatoire à la honte qui submergeait un Proche-Orient, foulé aux pieds par les occidentaux, humilié par la présence imposée des sionistes, en plein cœur de ses territoires.
Mais, l’occident, prompt à tout récupérer, vit dans cet islamisme naissant, une aubaine pour contrecarrer les mouvements communistes, encore prégnants dans le monde arabe. Ainsi, l’année 1979 condense, en un raccourci saisissant, une série d’événements fondateurs de l’islamisme radical :
- En février 1979, naissance de la république islamique d’Iran, en lieu et place du régime moderniste du Shah. 
- En avril, exécution au Pakistan de Zulficar Ali Bhutto, jugé trop laïque. 
- En décembre 1979, invasion de l’Afghanistan par les soviétiques, pour lutter contre des djihadistes, secrètement armés par les américains. 
- Durant la même année, le choc pétrolier et l’envolée du prix du pétrole, modifia l’équilibre au sein du monde arabe, hissant au-devant de la scène, des pays tels l’Arabie Saoudite, le Yémen, le Qatar… Avec eux, un islamisme radical se propagea dans le monde arabe, financé par les richesses, émanant de la manne pétrolière. 
- Au même moment, l’Iran de Khomeiny contribuait à l’émergence de mouvements armés dans les pays de la région : Hezbollah au Liban, Hamas à Gaza, Houthistes au Yémen.
Dès lors, entre les groupes Jihadistes, une guerre de pouvoir s’alluma, chacun redoublant de violence et de massacres pour asseoir sa supériorité. Qu’on se souvienne des atrocités commises par l’organisation dite « état islamique », pour avoir le dessus sur « El Qaïda »…

Mais, l’histoire a continué d’avancer. En 1989, la chute du mur de Berlin vit partir en poussière un siècle de communisme. Dès lors, la guerre froide se mua en un conflit larvé pour dominer le Proche et le Moyen-Orient, avec leurs immenses réserves de pétrole et de gaz. Or, quoi de mieux, pour faire plier cette région, que de la détruire, et de la morceler en parcelles, si possible antagonistes, non seulement soumises à la guerre, mais se faisant la guerre entre elles ?

Après le 11 septembre 2001, l’Amérique avait un prétexte, moralement irréprochable, pour envahir la région, sous prétexte de punir Saddam Hussein d’avoir envahi le Koweït et de détenir une arme chimique qui n’existait pas.
C’est ainsi que les USA et leurs alliés Européens, démolirent l’Irak, la Syrie, le Yémen, confortèrent une guerre civile qui dure encore en Libye, occidentaux aidés par des islamistes dûment armés par eux, (voire entraînés sur les porte-avions américains).

Mais, la roue du temps a continué de tourner, inexorable. Aujourd’hui, bien des indicateurs attestent du déclin de l’islamisme, sous les diverses formes qu’il a revêtues, au cours du temps. L’indicateur le plus sûr est la quasi-extinction de l’islamisme guerrier, à l’exception des « loups solitaires » qui, malheureusement, continuent leurs attentats, aussi meurtriers qu’incohérents, à travers le monde. Mais, l’extinction de l’islamisme guerrier est bel et bien advenu : liée d’abord à la défaite militaire d’Al-Qaïda puis à celle de l’effroyable état islamique. Elle relève aussi de la pression, exercée par les occidentaux (américains en premier), sur les pays du golfe et surtout le Qatar, pour suspendre leur soutien matériel aux djihadistes. De la même façon, les USA ne sont pas étrangers au revirement politique survenu en Arabie Saoudite, sous la houlette du prince héritier Mohamed Ben Salman, lequel a entrepris une lutte, mesurée mais effective, contre le wahhâbisme.
Pour l’islamisme politique, le déclin est aussi avéré. Les islamistes ont compté sans la capacité des appareils d’Etat à résister au changement.
Pour revenir au mouvement Ennahdha, le dernier événement, à savoir le rejet par le parlement du gouvernement (nahdhaoui pur jus) de Habib Jomli, a procédé d’un sursaut national où l’on a vu s’unir des partis laïques et modernistes, jusque-là opposés par des querelles idéologiques et des rivalités personnelles qu’on croyait inexpugnables. Pareil événement rejoint l’été 2013 où des manifestations populaires de grande ampleur, jointes au refus des grandes organisations du pays, ont empêché le passage d’un projet de constitution, émanant de la Chariâa et fait tomber le gouvernement d’Ennahdha.
Mais, le déclin de l’islam politique est également perceptible ailleurs qu’en Tunisie. En Iran, pays-berceau de l’islam politique, et qui vient de fêter 40 ans de république islamique, l’ambiance est au marasme. Le retour des sanctions économiques américaines (après le retrait de Washington de l’accord sur le nucléaire), l’absence d’investissements étrangers, ont considérablement affaibli le pays. Nombre d’iraniens de la classe moyenne ont basculé vers une pauvreté, durement ressentie et décriée à travers tout le pays, via grèves et manifestations. Quant à l’islamisation de la vie publique, elle est plus théorique que véritable. Depuis des années, l’Iran a amorcé une libéralisation des mœurs, lente mais irrévocable. En cela, iraniennes et iraniens sont en avance sur leur législation, tout comme sur l’image stéréotypée que leurs dirigeants s’acharnent à maintenir.

Plus proche du cœur d’Ennahdha, la Turquie de Rejeb Taieb Erdogan, et son fameux parti « l’AKP », présumé défenseur d’une démocratie bâtie sur l’islam, mais alliant modernisme et économie néo-libérale, a longtemps représenté pour nos nahdhaoui l’exemple de succès de l’islam politique.
Toutefois, Mr Erdogan, au pouvoir depuis 2002, a durci sa position à partir de 2012 : retour des écoles coraniques, contrôle de la mixité dans les cités universitaires, réduction drastique de la vente d’alcool.
Après le coup d’état avorté de 2015 et les milliers d’arrestations qui l’ont suivi (50.000 détenus), Erdogan va montrer la dimension extrémiste de son régime : création d’une université islamique, affirmation de la vocation première de la femme est la maternité, autorisation du retour des confréries soufi, hostilité active à l’égard des Kurdes…
Mais, surtout, le président turc, fragilisé par une popularité en berne, a ajouté à la panoplie islamique de son parti une fibre nationaliste, référence historique à la grandeur de l’empire ottoman, brandissant au passage le spectre d’un impérialisme économique occidental qu’il veut affronter dans les eaux territoriales Libyennes, pour mettre la main sur les gisements de gaz naturel, question de renflouer les caisses de l’Etat turc.
Ces rafistolages qui fleurent bon l’opportunisme politique, ne rassurent que partiellement un électorat dont près de 50% se disent opposés à la politique d’Erdogan. Tous ces déboires sont loin d’être le témoin d’un pays victorieux, affermi dans ses convictions, gouverné par un président ayant le vent en poupe.
Quelles leçons Mr Erdogan pouvait-il encore dispenser à Ghannouchi, parti lui rendre visite, au lendemain d’une cuisante défaite parlementaire ? Certainement pas des messages de force, ou d’optimisme. La Turquie, politiquement affaiblie, socialement divisée, offre le piteux visage d’un islam politique austère et stérile, de plus en plus fermé sur lui-même.
Portrait amer d’une défaite annoncée.

Comme bien d’autres phénomènes de société, l’islam politique a jailli, soutenu par des hommes et des événements ; il a joué sa partition durant quelques décennies, puis s’est lentement éteint.

Aujourd’hui, le voici qui entreprend, comme d’autres avant lui, de quitter le terrain…


dimanche 19 juillet 2020

Lettre d'Albert Camus aux injustes ...

Il me faut écrire comme il me faut nager, parce que mon corps l’exige(1),  parce que l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même.(2)

Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne   sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais ma tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse.(3)

Il n'y a pas de vie sans dialogue, et sur la plus grande partie du monde, le dialogue est aujourd'hui remplacé par la polémique, langage de l'efficacité. Le XXI siècle est, chez nous, le siècle de la polémique et de l'insulte. Elle tient, entre les nations et les individus, la place que tenait traditionnellement le discours réfléchi.

Mais quel est le mécanisme de la polémique ? Elle consiste à considérer l'adversaire en ennemi, à le simplifier par conséquent, et à refuser de le voir. Celui que j'insulte, je ne connais plus la couleur de son regard. Grâce à la polémique, nous ne vivons plus dans un monde d'hommes, mais dans un monde de silhouettes.(4) Ce qui me semble caractériser le mieux cette époque, c'est la séparation(5), la défiance et l’hostilité envers celui qui n’est pas un autre vous.

Or, je ne crois qu'aux différences, non à l'uniformité. Parce que les premières sont les racines sans lesquelles l'arbre de liberté, la sève de la création et de la civilisation, se dessèchent.(6) Loin d’être le seul, nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde.(7)

On ne décide pas de la vérité d'une pensée selon qu'elle est à droite ou à gauche et encore moins selon ce que la droite et la gauche décident d’en faire. Si la vérité me paraissait à l’extrême-droite, j’y serais(8), mais gardons bien à l’esprit que nous finissons toujours par avoir le visage de nos vérités.(9)

La logique du révolté est de vouloir servir la justice pour ne pas ajouter à l'injustice de la condition.(10) Et je ne peux m'empêcher d'être tiré du côté de ceux, quels qu'ils soient, qu'on humilie et qu'on abaisse. Ceux-là ont besoin d'espérer, et si tout se tait, ou si on leur donne à choisir entre deux sortes d'humiliation, les voilà pour toujours désespérés et nous avec eux. Il me semble qu'on ne peut supporter cette idée, et celui qui ne peut la supporter ne peut non plus s'endormir dans sa tour. Non par vertu, mais par une sorte d'intolérance quasi organique, qu'on éprouve ou qu'on n'éprouve pas. J'en vois, pour ma part, beaucoup qui ne l'éprouvent pas, mais je ne peux envier leur sommeil.(11)
Je fus pour ma part placé à mi-distance de la misère et du soleil. La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout.(12)

L’injustice sépare, la honte, la douleur, le mal qu’on fait aux autres, le crime séparent. Tout homme est un criminel qui s’ignore, mais il y a quelque chose de plus abject encore que d’être un criminel, c’est de forcer au crime celui qui n’est pas fait pour lui.(13)

La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.(14) Vous avez cru que tout pouvait se mettre en chiffres et en formules ! Mais dans votre belle nomenclature, vous avez oublié la rose sauvage, les signes du ciel, les visages d'été, les instants du déchirement et la colère des hommes ! Ne riez pas. Ne riez pas, imbécile.(15)

L'amitié est la science des hommes libres. Et il n’y a pas de liberté sans intelligence et sans compréhension réciproques.(16) Mais la liberté est également un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi. J'ai compris qu'il ne suffisait pas de dénoncer l'injustice, qu’il fallait donner sa vie pour la combattre.(17)

Notre tâche est de trouver les quelques formules qui apaiseront l'angoisse infinie des âmes libres. Nous avons à recoudre ce qui est déchiré, à rendre la justice imaginable dans un monde si évidemment injuste. Naturellement, c’est une tâche surhumaine, mais on appelle surhumaines les tâches que les hommes mettent du temps à accomplir, voilà tout.(18)

J’essaie, pour ma part, solitaire ou non, de faire mon métier. Et si je le trouve parfois dur, c’est qu’il s’exerce principalement dans l’assez affreuse société où nous vivons, où l’on se fait un point d’honneur de la déloyauté, où le réflexe a remplacé la réflexion, où l’on pense à coup de slogans et où la méchanceté essaie trop souvent de se faire passer pour l’intelligence.

Si un journal est la conscience d’une nation, un média peut en être l’inconscience et vous en êtes l’illustration, le funeste symbole. C’est en retardant ses conclusions, surtout lorsqu’elles lui paraissent évidentes, qu’un penseur progresse, mais l’époque veut aller vite et la bêtise insiste toujours.(19) Par un curieux renversement propre à notre temps, le crime se pare ainsi des dépouilles de l'innocence, et c’est l’innocent, victime du condamné récidiviste, qui est sommé de fournir ses justifications.(20)

Je ne suis pas de ces serviteurs de la justice qui pensent qu’on ne sert bien la justice qu’en vouant plusieurs générations à l’injustice. Sans liberté vraie, et sans un certain honneur, je ne puis vivre.(21)

La liberté est le droit de ne pas mentir(22). Elle est aussi la chance de devenir meilleur, quand la servitude de la pensée est la certitude de devenir pire.

Le bacille du fascisme ne meurt, ni ne disparaît jamais, resté pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, attendant patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses.(23) Il mue, prend diverses formes, mais sa noirceur reste intacte. Vos réquisitoires quotidiens, obsessionnels et venimeux en sont la triste incarnation.

Vous et vos comparses, êtes un beau crépuscule, ce mensonge qui met chaque objet en valeur, quand la vérité, comme la lumière, aveugle.(24)

Je n’ignore rien de ce qui attend ceux que l’époque qualifie de ringards et de bien-pensants. Chaque fois qu'une voix libre s'essaie à dire, sans prétention, ce qu'elle pense, une armée de chiens de garde de tout poil et de toute couleur aboie furieusement pour couvrir son écho.(25)

Mais la paix est la seule bataille qui vaille d’être menée(26) et sur la terre de l’injustice, l’opprimé prend sa plume, telle une arme, au nom de la justice.(27)

Au fond de chaque homme civilisé se tapit un petit homme de l'âge de pierre, qui réclame à grands cris un œil pour un œil(28). Mais les gens sont aussi des miracles qui s’ignorent(29) et je crois au soleil même quand il ne brille pas.

Qui ne donne rien n’a rien et le plus grand malheur n’est pas de ne pas être aimé mais de ne pas aimer(30).

Le contraire d’un humaniste, étant trop souvent un homme sans amour(31), puissiez-vous découvrir au milieu de votre hiver, un invincible été(32), pour aimer, donner, transmettre, enfin, autre chose que la peste.

* Extraits choisis dans l'oeuvre de Camus et texte construit par Sofia SOULA-MICHAL
(1) Carnets I (1935-1942)
(2) La Peste (1947)
(3) Discours de Stockholm (10 décembre 1957)
(4) Le Témoin de la Liberté (1948 Conférences et discours)
(5) Carnets II (1942-1951)