Des élections vont inévitablement arriver et beaucoup de Tunisiens
vont avoir à faire un choix très difficile. Voici quelques données dont ils
devront tenir compte.
Le premier constat, très partagé : est que la coalition
actuelle, celle de Nidaa Tounes et des Frères musulmans, n’a guère apporté de
satisfaction aux Tunisiens qui constatent la régression du pays dans de
nombreux domaines :
- Une économie en difficulté avec une inflation
galopante et une dépréciation de la monnaie qui rend la vie quotidienne des
tunisiens de plus en plus difficile.
- Un laisser aller dans la gestion des
communes au point de vue de la propreté, du civisme et de la sécurité.
- Une police qui se livre à des actes choquants à l’égard des citoyens montrant
clairement que l’état de droit, seule garantie d’une vie libre et démocratique,
n’est pas au rendez-vous.
- Une justice qui prend des décisions qui choquent la majorité des citoyens et qui
démontrent son manque de professionnalisme, son mépris du droit et son
incompétence sinon sa corruption.
- Les forces de l'ordre continuent à être la cible des islamistes qui les jugent "taghout" (ceux qui obéissent à d'autres lois que celles d'Allah), et comme tel les condamnent à mort.
- Les forces de l'ordre continuent à être la cible des islamistes qui les jugent "taghout" (ceux qui obéissent à d'autres lois que celles d'Allah), et comme tel les condamnent à mort.
- Une islamisation rampante mais très
active, de la société : comme les écoles et les crèches islamistes qui se
multiplient comme des champignons ou la volonté d’instaurer un tourisme "religieux" que proposent les
islamistes …
Le deuxième constat : est que tout cela est le fruit de l'alliance contre nature de Nidaa Tounes avec les islamistes, alliance
qui n’est que le résultat de la trahison du Président Béji Caïd Essebsi et de
son parti lequel a montré sa vraie nature en laissant les petites ambitions personnelles prendre le pas sur l’intérêt du pays.
Cette alliance est une trahison qui
fait beaucoup de mal à la démocratie car les tunisiens ne peuvent plus croire à
la parole des hommes politiques. Ils ont entendu Béji Caïd Essebsi dire tout le
mal qu’il pensait des islamistes avant les dernières élections, jurant tous ses
dieux qu’il ne s’alliera jamais avec Ghannouchi ; et quelques jours après son
élection, ils l’ont vu s’allier aux Frères musulmans !
Ce qu’il a réitéré récemment en disant de nouveau qu’il avait "peut-être" eu tort de s’allier
à eux ; et pourtant il continue de plus belle !
Si cette alliance avait donné des résultats, les tunisiens
l’auraient acceptée. Mais vraiment où sont les résultats ? Et cela pour
une simple raison, c’est qu’il n’y a pas et ne peut y avoir de ligne politique
entre deux partis qui ont des idéologies contraires. Comme il fallait s’y
attendre, le pouvoir se contente de demi-mesures. Il ne prend aucune décision
nécessaire qui heurterait l’allié ; alors que ce dernier ne cesse
d’imposer de gré ou de force le programme de la confrérie au gouvernement et
aux tunisiens.
Or on ne fait pas progresser un pays dans ce genre de bouillie politique !
Le troisième constat : est que les autres partis qui se disent
progressistes, sont :
- Soit inexistants ou des coquilles
vides, destinées seulement à faire parler de leurs leaders ;
- Soit complétement à côté des réalités,
poursuivant des buts totalement chimériques, ne sachant pas faire les compromis
nécessaires.
Certains veulent le « grand soir » sachant qu’il
n’arrivera pas et se complaisent dans une opposition d’apparence. Ils ne
cherchent même pas à créer une coalition qui s’opposerait clairement et
fortement au danger islamiste ; au point que l’on peut légitimement se
demander s’ils ne les soutiennent pas ! D’autres, et ils sont nombreux,
font du pied aux islamistes.
Et, enfin, il est
clair, et beaucoup s’en rendent compte aujourd’hui, que la Constitution a prévu un mode électoral désastreux car rendant
impossible l’émergence d’une majorité claire et forte. C’est ce mode de scrutin
qui a conduit à l’alliance funeste entre Nidaa Tounes et les islamistes ;
c’est-à-dire entre le progrès et la régression, comme si cela pouvait aller
ensemble !
Alors face à ces constats que peut penser et faire l’électeur
tunisien ?
- Il peut en comparant la Tunisie aux autres pays
« arabes », se dire que dans le fond tout n’est pas une réussite mais
que le pays a évité le pire, le chaos que d’autres ont connu. C’est cette
analyse qui serait extrêmement dangereuse car sous prétexte que l’on a évité le
chaos, on accepterait la régression, l’islamisation rampante. Et, au bout du
compte, un pays qui, renonçant à sa marche vers le progrès, retomberait dans
l’ignorance, le refus des libertés et du progrès … et demain, de nouveau dans
le chaos. Est-ce cela que les Tunisiens veulent pour leurs enfants ?
Veulent-ils sacrifier une génération ? Raisonnablement, aucun ne le voudrait.
En dehors de cette attitude, l’électeur tunisien a, en réalité,
très peu de choix véritable : Ou il se disperse entre tous les petits partis
qui n’auront aucun pouvoir et cela ne mènera à rien. Ou il se satisfait de la
coalition actuelle et laisse le pays continuer dans sa régression, dans ses
demi-mesures paralysantes et dans son islamisation rampante. Dans ce cas, selon
sa tendance, il vote pour Nidaa Tounes ou pour Ennahdha et conforte cette
alliance contre nature. Il conforte de ce fait une sorte de dictature soft née
des compromissions de ces deux partis et laisse le pays aller petit à petit à
la ruine.
- Mais beaucoup, ne pourront se satisfaire de cette situation. Au
risque de favoriser les islamistes, ils décideront de donner une leçon aux
prétendus progressistes de Nidaa Tounes en se détournant massivement de ce
parti pour sanctionner sa trahison, comme ils l’ont déjà fait avec les deux
autres partis de l’ex-troïka dont les chefs tout comme Béji Caïd Essebsi,
juraient tous leurs dieux qu’ils ne s’allieraient jamais avec les Frères
musulmans.
Il faut, en effet, que les politiques se rendent compte qu’ils ne
peuvent impunément tromper leurs électeurs et n’en subir aucune conséquence.
Tous ceux qui, malgré la trahison, continueraient de voter pour
Nidaa Tounes, donneraient d’une certaine façon un blanc-seing à ce parti pour
d’autres trahisons. A quoi bon voter dans ce cas ?
Si d’ici les élections aucune majorité claire et progressiste ne se
dégage, je ne rééditerai
pas l’appel au vote utile que les partis ont fini par croire acquis d’avance et
une fois pour toute ; puisqu’ils ont trahi ! Je ne pourrai, tout en
le regrettant, que conseiller de s’abstenir massivement et, en tous cas, de
refuser nos suffrages à Nidaa Tounes qui s’est présenté comme unique rempart
contre les islamistes pour gagner les suffrages de millions de tunisiens et
surtout de tunisiennes mais qu’il a trahis !
On dira que l’abstention n’est pas très démocratique. C’est
inexact. Une abstention massive sera un message indiscutable envoyé aux
politiques. Elle aura pour résultat d’affaiblir clairement le pouvoir issu des
urnes. Dans cette hypothèse, cela risque d’être les islamistes. Tant mieux. Et
puis, est-ce plus démocratique de faire, une fois élu, le contraire de la
politique pour laquelle les électeurs ont votée ?
C’est, dira-t-on, favoriser la prise de pouvoir par Ennahdha !
Cela est tout à fait vrai mais outre que cela créera un électrochoc, cette
situation aura le mérite de la clarté. Ennahdha qui, aujourd’hui n’assume
aucune responsabilité dans la crise et dans l’échec, s’abritant toujours derrière
ses alliés « démocrates » d’Ettakatol & du CPR d’abord et
maintenant de Nidaa Tounes ; devra bien assumer les échecs * que connaissent
les tunisiens depuis que ce parti s’est accaparé leur « révolution ».
Cela mettra un terme à la stratégie délibérée et machiavélique des
Frères musulmans qui consiste à ne pas vouloir être en première ligne du
pouvoir, de façon à ne pas en assumer la responsabilité ; préférant se
cacher derrière leurs alliés pour pouvoir placer leurs hommes et islamiser de
manière rampante la société tunisienne. Ce que fait malheureusement encore
Ennahdha avec la complicité cette fois-ci de Nidaa Tounes. Qu’elle le fasse au
grand jour et que les tunisiens jugent !
Par ailleurs, quelques soit la dangerosité de ses projets, Ennahdha
sera contenue, n’en doutons pas, par la Société Civile tunisienne qui a montré
sa force et qui est plus efficace que les frileux politiques dont beaucoup
manquent d’envergure.
Enfin, la conjoncture internationale et le recul partout de
l’islamisme politique, rendront vaines les velléités dictatoriales des
islamistes.
Dès lors l’abstention, sanction nécessaire des hommes politiques
sans honneur, ne représente pas un danger si grand qu’il devrait nous faire
accepter l’inacceptable.
Ne pourra avoir mon vote que le parti qui dira clairement ces
quelques principes clairs :
- S’engager à ne jamais faire la moindre
alliance avec les islamistes.
- Interdire les partis religieux, la
religion n’ayant pas sa place en politique parce qu’elle a une vocation à des
positions totalitaires et parce que la religion n’a pas à diviser le peuple
comme elle le fait de toute évidence aujourd’hui depuis que les islamistes se
sont emparés de sa « révolution ».
- S’engager à modifier le mode de scrutin
prévu par la Constitution pour instaurer un système qui, donnant une prime au
parti placé en tête, lui assure une majorité claire permettant de réellement
gouverner et d’avoir une vraie politique. La démocratie ce n’est pas le
compromis ou le consensus mou : c’est
l’alternance de politique claire.
- Œuvrer pour une réelle reprise en main
de l’éducation qui a régressé de manière choquante et qui a donné naissance à
un peuple incapable de faire face aux défis du siècle.
- Continuer mais avec fermeté dans l’instauration
d’un véritable Etat de droit par le contrôle de la police et par
l’assainissement de la justice de ce pays.
- Enfin, faire en sorte que dans une
économie libérée, renforcée par l’état de droit, une redistribution plus juste
permette plus de justice sociale entre les citoyens et entre les régions du
pays.
Voilà le seul programme qui puisse sortir le pays de l’ornière où
il se trouve. Ce n’est pas l’attelage Nidaa Tounes-Ennahdha qui pourra le
mettre en œuvre.
Rachid Barnat
* Faut-il préciser que ce qui est perçu comme échecs de la part des
tunisiens, n’est que réussites pour les islamistes dont le projet est de
détricoter et détruire tout ce qu’avait fait Bourguiba : à savoir une
Nation et une Administration moderne pour ancrer la Tunisie dans la
modernité ; alors que l’objectif des pan-islamistes
et leurs complices les pan-arabistes, est
de diluer ce peuple dans un magma appelé « Oumma islamya » (communauté des musulmans) pour les premiers et « Oumma Arabya » (monde arabe) pour les seconds ! C’est
dire leur lubie.
Lire : Abstention, piège à cons ?