jeudi 30 juin 2016

Un colonel tunisien sacrifie sa vie pour sauver son fils de Daech

Un père payera de sa vie pour récupérer son fils que les Frères musulmans d'Ennahdha ont expédié comme chair à canon pour le compte de leur sponsor l'émir du Qatar dans sa guerre contre Bachar Al Assad.
R.B

Nebil Ben Yahmed


Tué lors du dernier attentat terroriste qui a visé la Turquie, le colonel major Fathi Bayoudh, 58 ans et originaire de Ksour Essaf, était chef du service de pédiatrie à l’hôpital militaire de Tunis. Il avait pris un congé de trois mois pour rester en Turquie jusqu’à ce que son fils Anouar lui soit rendu. Comme les 6000 jeunes Tunisiens que Rached Ghannouchi et Moncef Marzouki ont galvanisé contre la Syrie et encouragé à s’y rendre pour mener le « djihad », Anouar Bayoudh avait fini par être endoctriné par les cybers-terroristes et par la propagande d’Al-Jazeera. 

Selon le témoignage de l’un de ses amis, Anouar Bayoudh n’est resté au combat que six mois. Contrairement à ce qui a été rapporté par certains de nos confrères, ce n’est pas aux autorités tunisiennes et encore moins aux services tunisiens de notre ambassade en Turquie que le jeune Anouar a finalement décidé de se rendre à la police turque pour être extradé par la suite en Tunisie. 

Sa déradicalisation, il la doit exclusivement au courage, à l’abnégation et à l’amour de son père qui avait pris un long congé pour s’installer dans un hôtel pas loin des frontières syro-turques et qui a payé des passeurs et des trafiquants pour rentrer en contact avec son fils et, finalement, le ramener à la raison. 

Le destin a voulu que le moment où son fils allait lui être rendu, le colonel Bayoudh tomberait à la suite d’un attentat perpétré par ceux-là même qui avaient enrôlé son fils, à savoir les islamo-barbares de Daech, que le Qatar finance et que la Turquie soutenait jusqu’au récent revirement du frère musulman Erdogan. 

Fathi Bayoudh s’est rendu à l’aéroport Atatürk pour accueillir son épouse arrivée de Tunis pour assister au dénouement heureux d’un long calvaire. 


Anouar, le fils, est vivant et il va pouvoir rentrer à Tunis avec sa mère et avec son père dans un cercueil. Au prix de sa vie, le vrai martyr Fathi Bayoudh a sauvé son fils en y laissant sa propre vie. 
              

samedi 25 juin 2016

La France : un produit qui se vend bien chez les bédouins

La France un terrain de jeu pour le Qatar ou un pays à conquérir par l'émir ? En tous cas les responsables politiques français ne peuvent rien refuser à leur ami l'émir; et surement pas la diffusion du wahhabisme en France, en soutenant ses protégés les Frères musulmans ! 
R.B
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Après tant d’autres actifs français de prestige, la maison Balmain tombe aux mains de la famille régnante du Qatar.
On a appris, ce 21 juin 2016, que la maison Balmain, créée en 1945 par le couturier Pierre Balmain, et qui était détenue auparavant à 70% par les héritières de l’ancien PDG Alain Hivelin (mort en décembre 2014) et à 30% par la direction, vient de passer aux mains du Qatar, moyennant un prix de 450 millions d’euros supérieur aux prévisions du marché. L’acheteur est plus précisément le fonds d’investissement Mayhoola, lié à la famille régnante du Qatar, déjà propriétaire de la griffe italienne Valentino.
Ce énième rachat d’un actif français de prestige offre l’occasion de faire le point sur la puissance tentaculaire prise en France par ce petit émirat dirigé d’une main de fer par le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani.

INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

Rappelons que la France a adopté en février 2009 un régime fiscal particulier pour l’Etat qatari, qui est tout bonnement exonéré de taxe sur les plus-values immobilières. Nicolas Sarkozy, qui est à l’origine de cette mesure d’exception, a souhaité ainsi « faciliter les relations commerciales entre la France et le Qatar » et notamment l’investissement des Qataris dans l’immobilier français….
L’ancien émir du Qatar, le cheikh Hamad Ben Khalifa al-Thani, s’est offert un terrain de 18 hectares dans la commune de Mouans-Sartoux, entre Grasse et Mougins, dans les Alpes-Maritimes. Il a fait construire sept maisons sur cet immense parc, afin de loger sa nombreuse suite et sa très grande famille (il a trois femmes et 24 enfants).
Le QIA (Qatar Investment Authority) – qui gère la fortune de la famille Al-Thani, régnante sur le Qatar -, possède par ailleurs :
- l’hôtel Lambert, situé à la pointe de l’île Saint-Louis, au cœur de Paris. Ce sublime hôtel particulier, qui a été la première acquisition des Qataris à Paris, a été racheté par le fonds souverain du Qatar à la famille Rothschild pour 80 millions d’euros.
- les 16 enseignes du groupe Printemps et notamment son « vaisseau amiral », le célèbre grand magasin installé sur les grands boulevards parisiens.
- l’immeuble Virgin, situé 52, avenue des Champs-Elysées. La QIA l’a racheté en juin 2012 à Groupama pour 500 millions d’euros.
- l’immeuble du « Figaro », situé 14 boulevard Haussmann à Paris. Cet immeuble d’une superficie de 23.000 m² a été acquis en juin 2012 par QIA pour 300 millions d’euros. L’immeuble abrite également plusieurs services de l’ambassade américaine.
- l’immeuble HSBC, situé 103 avenue des Champs-Elysées à Paris. Cet immeuble d’une superficie de 35.000 m² a été acquis en 2009 pour 400 millions d’euros.
- l’hôtel de Coislin, voisin de l’hôtel de Crillon, à l’angle de la rue Royale et de la place de la Concorde, dans le 8e arrondissement.
- l’hôtel d’Evreux, situé place Vendôme. Cet hôtel particulier, ancienne résidence du gouverneur du Crédit foncier, a été racheté en 2003 par l’émir du Qatar pour 230 millions d’euros.
- le prestigieux hôtel particulier Landolfo-Carcano, qui fait office de siège de l’ambassade du Qatar, 1 rue de Tilsitt, qui donne sur la place de l’Étoile.
- l’hôtel particulier Kinsky, 53 rue Saint-Dominique, qui fait office de résidence secondaire pour la famille princière Al Thani.

INVESTISSEMENTS HÔTELIERS

Par ailleurs, le fonds d’investissement Qatari Diar – propriété de QIA, donc de la famille régnante – qui s’est spécialisé dans l’achat d’hôtels de luxe, possède désormais :
- le palace Royal Monceau Raffles, situé avenue Hoche, dans le 8e arrondissement de Paris, non loin de la place de l’Étoile.
- le palace hôtel Hilton Paris Opéra (ex-« Concorde Opéra »), rue Saint-Lazare à Paris.
- le palace hôtel InterContinental, situé rue Scribe, près de la place de l’Opéra à Paris. Cet établissement prestigieux date de 1862 et sa décoration en est le reflet, avec ses chambres d’époque Napoléon III.
- 40% de la « Société fermière du casino municipal de Cannes » (SFCMC), propriétaire de l’hôtel Majestic, de l’hôtel Gray d’Albion et de deux casinos à Cannes.
- l’hôtel Martinez à Cannes.
Un autre fonds d’investissement qatari spécialisé dans les palaces – dénommé Katara Hospitality (ex « Qatar National Hotels Co. ») et propriété de la famille régnante – possède quant à lui tout ou partie des palaces suivants :
- le Peninsula Paris, situé avenue Kléber, dans le 16e arrondissement de Paris. Ce palace s’est installé dans l’ancien « centre de conférences international » où s’était tenue la conférence de paix mettant fin à la guerre du Vietnam
- l’hôtel du Louvre, situé rue Saint-Honoré à Paris, face à la rue de Rivoli et au musée du Louvre.
- le Hyatt Regency Paris Étoile, ancien hôtel « Concorde Lafayette », situé Porte Maillot à Paris.

INVESTISSEMENTS INDUSTRIELS

Le Qatar Investment Authority (QIA) contrôle :
- 7,5 % du capital d’EADS, la compagnie mère d’Airbus, n°1 mondial de l’aviation commerciale.
- 3 % du géant pétrolier français Total.
- 1% du géant du luxe français LVMH
- 12,83% du Groupe Lagardère.
- 5% de Veolia Environnement.
- 4,2% de Vinci.

INVESTISSEMENTS SPORTIFS

Le Qatar Investment Authority (QIA) contrôle :
- 100 % du club Paris Saint-Germain.
- 100% du club Paris Saint-Germain Handball.

INVESTISSEMENTS DANS LES BANLIEUES

Après une forte polémique, le Qatar a renoncé à créer son fonds d’investissement dans les banlieues annoncé lors de la dernière campagne présidentielle en 2012, et a accepté de le transformer en un fonds commun d’investissement franco-qatari pour les PME.

« INVESTISSEMENTS » ET PRESSIONS POLITIQUES

Dans le livre « Une France sous influence », Vanessa Ratignier et Pierre Péan racontent comment la France est devenue « le terrain de jeu » du Qatar.
Les deux auteurs relatent notamment comment l’ancien président Jacques Chirac aurait raconté à son successeur à l’Élysée, Nicolas Sarkozy, que le Premier ministre du Qatar, Hamad Jassem al-Thani avait tenté de le corrompre, en venant à l’Elysée avec des valises remplies de billets : « Nicolas, fais attention. Des rumeurs de corruption fomentée par le Premier ministre qatari te concernant circulent dans Paris … Fais vraiment attention ».
Des bruits circulent en particulier sur le financement par le Qatar du divorce de Nicolas Sarkozy avec sa deuxième épouse Cécilia en octobre 2007. Certains suggèrent qu’il aurait été payé par un prélèvement effectué sur l’argent versé par le Qatar à la Libye, en échange de la libération des infirmières bulgares détenues par le régime de Kadhafi. 
Le Qatar aurait versé bien plus que le montant de la rançon réclamée par la Libye. Le tout sur des comptes en Suisse qui auraient notamment servi à financer le divorce de Nicolas Sarkozy…
En 2008, l’émir de Doha raconte que le président français en aurait même pleuré sur son épaule : « Sarkozy pleurait presque. Il m’a raconté que sa femme Cécilia lui demandait 3 millions d’euros pour divorcer. C’est moi qui ai payé », aurait-il confié à l’ancien activiste libanais Anis Naccache, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1982 pour avoir tenté d’assassiner l’ancien Premier ministre du shah d’Iran, Shapour Bakhtiar.
De son côté, François Hollande s’est rendu quatre fois au Qatar depuis son élection en 2012. Le premier chef d’État qu’il a reçu à l’Elysée a été l’émir du Qatar.
François Hollande est encore allé au Qatar le 4 mai 2015 pour y signer la vente de 24 avions de chasse Rafale, pour le plus grand profit de la maison Dassault. (notre photo montre François Hollande, une nouvelle fois ridicule, devant l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, à Doha, capitale de l’émirat).

CONCLUSION

Je rappelle enfin :
a - que le Qatar, comme l’Arabie Saoudite, ont des liens pour le moins troubles et ambigus avec le financement de Daesh et du terrorisme qui frappe les pays occidentaux.
b - que ce raz-de-marée d’achats des plus prestigieux actifs français par le Qatar n’aurait pas été possible sans l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). 
On ne voit d’ailleurs pas comment ce raz-de-marée pourrait cesser tant que la France restera sous la contrainte des traités européens.

UE : il faut réinventer le rêve

Après le Brexit (British exit) de la Grande Bretagne, des voix s'élèvent pour dénoncer la technocratie qui va finir par avoir raison de l'UE.
R.B
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" Et maintenant, si on tentait de s'atteler à nouveau à la construction d'une Europe de la paix, certes, mais aussi des valeurs et des peuples ? 

1. Certes, c'est la Grande Bretagne qui vient de décider de quitter l'Union par 52% des voix. Cependant, imaginons qu'un tel scrutin eut été organisé dans les 27 autres états membres ; dans combien d'entre eux le résultat serait-il similaire ? Plusieurs, c'est sûr, ce qui témoigne qu'on ne peut continuer à mener l'Europe sans les peuples, parfois contre eux, comme cela est le cas depuis bientôt deux décennies.

2. Michel Rocard a raison : il faut remettre l'ouvrage de la construction européenne sur les rails, cela était sans doute difficile avec nos amis anglais, le ferons nous après leur départ ? Sinon, ce pourrait être en effet la fin programmée de l'Union.

3. J'ai toujours pensé juste l'analyse de Charles de Gaulle sur l'adhésion de la Grande Bretagne : c'est là un grand pays, habité par de grands peuples. Notre reconnaissance de leur héroïsme de 1940 est éternelle et doit le rester. Pour autant, cette grande nation est en effet celle du commerce et du grand large, des relations privilégiées avec les États-Unis, du libre échange. Son appétence première pour l'Union était liée à l'ouverture d'un vaste marché, dans ses traditions, pas à l'attirance pour la construction d'une ensemble politique et des valeurs contraignant.

4. Cette sensibilité constante de la Grande-Bretagne à un élargissement déréglementé d'un espace d'échange commercial l'emportant sur toute autre considération a rencontré, bien entendu, la sympathie d'autres grandes nations marchandes, les Pays-Bas, et même, pour partie de son histoire, l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle l'adhésion de la Grande Bretagne à l'Union marque une inflexion des principes des pères fondateurs vers la pratique d'un élargissement de plus en plus large et sans critère strict du périmètre de l'Union, l'instauration en son sein d'une compétition sociale et fiscale, l'adoption d'un traité constitutionnelle qui établit comme règles celles de l'économie libérale néoclassique (celui rejeté en 2005 par les Français), etc.

5. C'est cette nouvelle donne, assénée à toute force, en faisant revoter les peuples jusqu'à ce qu'ils consentent, ou bien en contournant leur volonté comme ce fut le cas avec le traité de Lisbonne pour les Français, qui a de plus en plus été vécu comme une logique "sans les peuples", parfois contre eux.

6. Le fondement idéologique des traités européens et les intérêts de l'Allemagne ont conduit à privilégier jusqu'à Mario Draghi une politique strictement monétariste de la Banque centrale européenne dans l'obsession d'un évitement de l'inflation, ce qui a abouti à une tension récessionniste en Europe - et son cortège d'austérité pour les peuples - plus prolongée qu'ailleurs dans la monde.

Le départ des Britanniques, j'en fais le pari, ne leur sera pas à terme, après les inévitable turbulences du moment, préjudiciable. Débarrassée des dernières contraintes de la solidarité européenne; le Royaume-Unis sera bien vite un compétiteur redoutable pour les autres pays, en particulier ceux restés dans l'Union. 

Il importe par conséquent en effet de faire face à la nouvelle donne, elle peut-être un défi salutaire dans une authentique situation de quitte ou double.

                                        ******

Jean Diharsce
 
Dire juste à tous ceux qui nous ont mené là mon infinie tristesse, ma lassitude extrême. Qu'avez-vous fait de nos rêves, qu'avez-vous fait de l'idéal ?

Je suis un militant de l'univers. Et la mondialisation était une belle idée. Vous l'avez réduite aux transferts des capitaux, à l'alignement par le bas de toutes les valeurs et aux révoltes des peuples avec un caractère dramatiquement inquiétant, celui du fanatisme religieux. 
Votre monde aujourd'hui flotte quelque part entre l'Afrique et l'Europe, en milliers de cadavres.

Je suis, en tant que militant de l'univers, partisan de l'Europe. Cette belle idée issue de siècles de guerres intestines. Quoi de mieux que d'abattre les frontières et rapprocher les peuples pour vivre enfin en paix ? Vous en avez fait une super structure technocratique contraignante, normative par le bas, impuissante à chaque fois que la générosité devrait en être l'apanage. 
Votre Europe aujourd'hui tourne le dos aux peuples qui le lui rendent bien et ne rêvent plus que de frontières et de barbelés.

Je suis au nom de tout cela, et depuis toujours quelle qu'en soit la forme, un militant du socialisme. Celui qui parlait de l'émancipation, de l'internationalisme et de l'égalité. Et ce socialisme s'est réduit aujourd'hui à une alternative du tout venant de la gestion d'un système économique, politique et social, qui nie ses valeurs fondatrices. Votre socialisme aujourd'hui c'est celui du 49-3, de la déchéance de nationalité et du refus de l'urgence écologique et sociale.

Et voilà aujourd'hui où nous en sommes. Cette trahison des idéaux fabuleux et justes, issus du siècle des lumières conduit à une désespérance générale et les peuples, ici, ailleurs ou autre part, écoutent et tendent les bras à tous les populismes et à tous les tenants d'un ordre nouveau dont l'histoire nous a appris les tragiques conséquences.

Ce ne sont pas les peuples qui sont en cause. Ce sont ceux qui les ont conduits là, dans cette désespérance sociale où le non à tout n'est que la conséquence de l'abandon du rêve.

Tristesse et lassitude. Et bien sûr, bien sûr ... chercher aujourd'hui les autres voies menant au réveil et à l'espérance. On ne se refait pas. 
On reste acteur. Mais ailleurs, autrement. Pour juste éviter le pire et réinventer le rêve.


L'ordre islamique tente progressivement de s'installer en France

L'islamisme s'installera en France aussi, comme il s'est installé chez les "arabes" ... toujours avec la bénédiction des responsables politiques français, de droite comme de gauche !
R.B
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Après les meurtres de policiers à Magnanville par un islamiste, l'écrivain Boualem Sansal compare la situation actuelle de la France à celle de l'Algérie au début de la guerre civile.

Alexandre Devecchio - FIGAROVOX : Depuis un an, sur fond de tensions culturelles, la France vit au rythme des attentats. Dernier en date, l'assassinat à coups de couteau, revendiqué par l'État islamique, d'un policier et de sa compagne dans leur maison. Que vous inspire ce nouvel acte de terreur ?

Boualem SANSAL : Ça me glace le sang. Voici venu le temps du couteau et de l'égorgement. Il est à craindre que cette méthode fasse florès, car un hadith célèbre prête au prophète Mahomet cette terrible sentence adressée aux mécréants: « Je suis venu à vous avec l'égorgement ». On a vu combien Daech a pris ce hadith à la lettre et combien de milliers de personnes ont été égorgées comme des moutons, avec tous les raffinements que des esprits malades peuvent inventer pour exalter leur soif de cruauté. C'est le deuxième cas en France : en juin 2015, en Isère, un islamiste avait égorgé et décapité son patron puis accroché sa tête au grillage d'une usine. La méthode va certainement inspirer beaucoup de jeunes islamistes. Au couteau, eux ajouteront la caméra qui démultiplient l'horreur. Ils filmeront leur crime et balanceront le film sur les réseaux sociaux. Le terrorisme islamiste en Europe n'en est qu'à ses débuts, nous verrons avec le temps combien il sait être inventif : l'égorgement, le viol, l'empalement, l'éventrement seront au menu, comme ils le sont au Daech et comme ils l'ont été en Algérie à grande échelle, pendant la guerre civile. Au Daech comme en Algérie, les terroristes sont très fortement endoctrinés et encadrés : ce sont des soldats de la terreur, ils exécutent des ordres. En Europe, une telle organisation n'est pas possible, pas encore. C'est pourquoi les commanditaires et les stratèges du terrorisme islamiste mondialisé poussent à l'ubérisation du terrorisme, les instructions sont dans la toile à la disposition de qui veut devenir jihadiste et martyr.

Alexandre Devecchio : Peut-on vraiment comparer la France et l'Algérie ?

Boualem SANSAL : L'islamisme sait s'adapter, il se fiche de la culture du pays, il veut la détruire et imposer la sienne, et comme il a trouvé des recrues en Algérie il trouvera des recrues en France. Aujourd'hui, il les sollicite, les prie, demain il les forcera à assumer leurs devoirs de soldats du califat, et le premier de ces devoirs est de libérer l'islam de la tutelle de l'Etat mécréant qu'est la France. 

En Algérie, les maquis islamistes étaient pleins de jeunes qui ont été forcés de faire allégeance à l'émir de leur village, de leur quartier : c'était rejoindre le maquis ou se faire égorger ainsi que toute sa famille. S'il s'évade c'est la famille, voire tout le village, qui paie.

Alexandre Devecchio : Derrière le terrorisme, existe-t-il un problème plus large d'islamisation de la France ?

Boualem SANSAL : C'est le but même de l'islam conquérant, gagner la planète, convertir toute l'humanité. Le terrorisme n'est qu'une méthode pour conquérir des territoires, soumettre leurs populations et les convertir par force, comme il l'a fait au Daech avec les communautés chrétiennes. C'est la méthode des islamistes radicaux, les jihadistes. 

Les islamistes modérés et les musulmans pacifiques récusent cette méthode, ils préfèrent la voie douce, la da'wa, l'invitation à écouter le message d'Allah, ou la prédication publique. 

Entre les deux méthodes, la conquête militaire et la da'wa, il y a tout ce que l'intelligence humaine a pu inventer pour convertir et enrôler. La France est un terrain très favorable à l'islamisation par la voie douce et par le moyen de la violence : elle est inquiète, divisée, épuisée, dégoûtée. Les retours à la pratique religieuse se multiplient chez les musulmans et les conversions explosent.

Alexandre Devecchio : Une serveuse musulmane a été giflée à Nice parce qu'elle servait de l'alcool durant le ramadan…

Boualem SANSAL : L'ordre islamique tente de s'installer en France, c'est un fait patent. En maints endroits, il est déjà installé. Dans un pays musulman, cette serveuse aurait été arrêtée et jetée en prison par la police. Durant le ramadan, la folie s'empare du monde musulman et fait commettre d'horribles choses. La faim et la soif ne sont pas seuls responsables, il y a que ce mois est sacré (c'est pendant le ramadan que Mahomet a reçu le coran, apporté à lui par l'archange Gabriel), les gens sont pris dans la ferveur et la bigoterie. Durant ce mois, certains imams sont littéralement enragés.

Alexandre Devecchio : Comment les islamistes s'y prennent-ils pour accroître leur influence ?

Boualem SANSAL : La force des islamistes et des prédicateurs est la patience. Ils inscrivent leur action dans la durée. Une autre qualité est l'inventivité et leur capacité à maîtriser les instruments à leur portée : les chaines satellitaires, Internet, les réseaux sociaux, les outils marketing, les techniques de communication, la finance islamique, le cinéma, la littérature, tout est mobilisé pour atteindre la plus grande efficacité. 

Dans les pays du sud, les islamistes n'ont que les moyens traditionnels pour avancer, ils convoquent les vieilles recettes de charlatanisme, la sorcellerie, la magie, le maraboutisme, ils investissent les mosquées, les souks, les stades, les fêtes religieuses, les hôpitaux. L'action sociale n'a pas de secrets pour eux. Dans tous les cas, ils n'ont aucun souci d'argent, les donateurs généreux et intéressés ne manquent pas.

Alexandre Devecchio : Bombarder Daech peut-il régler la question ?

Boualem SANSAL : Elle n'est une solution que si elle est accompagnée d'une intervention militaire au sol menée par les pays arabes. Pour compléter, il faut ensuite installer à demeure une mission onusienne pour reconstruire la région, disposant d'une force armée capable d'empêcher les représailles


jeudi 23 juin 2016

Il y a Nahdha ... et nahdha !

Les islamistes se jouent des mots ... aussi, quand Ghannouchi donne le nom d'Ennahdha à son parti ! Or il y a "Nahdha" ... et "nahdha" ! La première étant synonyme de renaissance, voulue et mise en place par M'hamed Ali grand admirateur de Napoléon et du siècle des Lumières; et la seconde, n'étant qu'une usurpation d'un vocable vidé de son sens pour duper le monde et dont l’objectif est le retour à l'obscurantisme de Mohamed Abdelwahhab ... qu'admirent tant les Frères musulmans et autres islamistes que soutient stupidement un Occident toujours aussi cupide !
R.B

" Le 5 octobre 1972 un parti était fondé : le " Front national ". 
On parle du " nouveau ", pas du vrai, celui de la Résistance; l'extrême droite ayant toujours aimé brouillé les repères, défaire le sens des mots, et les salir au passage". 
Hervé Le Tellier - Le nom sur le mur.
L’Occident a toujours caressé l’islam salafiste dans le sens du poil

Le Temps - Salma Bouraoui : Votre relation avec l’Occident semble être assez complexe entre l’admiration, l’espoir et le désenchantement. Quelles en sont les raisons ?

Abdelaziz Kacem : Mon rapport, le rapport de ma génération à l’Occident est passé par les trois étapes que vous énoncez si bien. De l’admiration et de l’espoir, il en reste encore, mais le désenchantement est immense. L’Occident n’est plus ce qu’il était. À Paris, je m’en vais chercher Sartre et je tombe sur Bernard-Henri Lévy et Finkielkraut, je cherche Zola et je me trouve nez à nez avec Houellebecq. Mais où sont les grands d’antan ?

Salma Bouraoui : Mais nos élites ont été, pour une large part, formées à l’école occidentale.

Abdelaziz Kacem : Oui, mais nous sommes confrontés à un phénomène étrange et j’aime en appeler à l’histoire pour essayer de comprendre. En 1798, l’Égypte, tirée de sa torpeur séculaire par l’Expédition de Bonaparte, s’aperçut de son vertigineux retard. Le vice-roi Mohammed Ali, admirateur de Napoléon, décida, contre l’avis des ulémas, d’envoyer à Paris, en 1826, la première mission universitaire arabe : quarante-quatre étudiants. Il prit soin de faire accompagner ses futurs cadres d’un jeune imam, Rifâ‘a al-Tahtâwi, chargé de diriger leurs prières et de veiller sur leur fidélité à la tradition.
C’est cet homme censé être là pour freiner toute velléité d’occidentalisation intempestive chez ses ouailles, qui, contrairement à toute attente, a rapporté en Égypte d’abord, et, par la suite, dans le reste du monde arabe, les premiers ferments de la modernité. 
En 1830, il assiste aux Trois Glorieuses, il voit comment la colère populaire peut entraîner l’abdication d’un monarque et il en tire les leçons politiques qui s’imposent.

Salma Bouraoui : Quel est concrètement l’apport de Tahtâwi ?

Abdelaziz Kacem : Élève studieux, le jeune imam était doué d’une grande capacité d’apprendre. Curieux, rien n’échappait à son observation. Ses promenades dans Paris prenaient l’allure d’une véritable investigation. Frappé par la présence et la participation active des femmes françaises dans la vie sociale, il en déduisit que la mixité et le « soufour » (dévoilement) n’était en rien contraires à la morale.

Dès son retour au pays, il jeta les bases de l’émancipation des Égyptiennes, qui, grâce à lui, commencèrent à fréquenter l’école. Se voulant passeur de « lumières », Tahtâwi traduisit et fit traduire plusieurs essais grâce auxquels les jeunes élites de son temps accédèrent à la pensée française. Il a notamment traduit, en vers bien frappés, la Marseillaise. Mais aussi la Charte constitutionnelle de Louis XVIII, ainsi que le Code de Napoléon, ce qui, de la part du spécialiste de la Charia qu’il était, montrait bien qu’il avait pris conscience des limites de la législation dite islamique.

Tahtâwî a été le précurseur, l’annonciateur de la Nahdha. Pendant plus d’un siècle encore, après un séjour en Europe, la jeunesse du tiers-monde rentrait au pays, porteuse de germes de progrès et de développement. 

À l’heure actuelle, comble du paradoxe, c’est à Londres, à Francfort, à Montréal, à Stockholm, voire à Paris ou Bruxelles, qu’un jeune musulman risque d’attraper le virus intégriste le plus virulent.

Salma Bouraoui : Où en est la Nahdha aujourd’hui ?

Abdelaziz Kacem : La Nahda ou Renaissance a rayonné sur la partie utile du monde arabe, j’entends l’Égypte, l’ancienne Bilâd ach-Châm (Syrie, Liban, Palestine), l’Irak et le Maghreb, pendant exactement un siècle.
En amont, Tahtâwî, mort en 1873, en aval, Taha Hussein, décédé en 1973. Un siècle durant lequel, cette partie civilisable de l’arabité a connu une véritable révolution culturelle. Le marxisme, le darwinisme, le positivisme, ont fécondé une pensée arabe en danger de stérilisation. La littérature arabe est sortie des siècles de la décadence, qui correspondent à la période d’occupation ottomane, la poésie est vivifiée d’une sève nouvelle, le roman est né.

Malheureusement la Nahdha a été harcelée jusqu’à l’épuisement par la réaction religieuse. Saura-t-on jamais l’étendue des lésions occasionnées à l’intellect arabe par le salafisme. Le leadership assumé, depuis la mort de Nasser en 1970, par l’Arabie wahhabite a fini par oblitérer toutes les avancées de la Nahdha. Le Hanbalisme, ennemi juré de la raison, a déjà réussi à fragiliser tous les progrès scientifiques et philosophiques réalisés, à Bagdad, sous al Ma’mûm (786-833). André Miquel disait : « Si ce grand Prince avait pu vivre dix ans de plus, l’arabité aurait changé durablement de visage ». Ibn Hanbal, via Ibn Abdel Wahhab, en passant par Ibn Taymiyya, continuent de frapper. Demandez aux jeunes « diplômés » d’aujourd’hui, que savent-ils d’al-Ma’mûn et de la Nahdha ?

C’est là un aspect essentiel de la crise qui convulse le monde arabe. L’éducation et la culture sont deux secteurs sinistrés. L’économie une fois confiée à des mains propres et compétentes peut, rapidement, recouvrer la santé. L’éducation et la culture, pour les guérir, il en faut de la compétence, du courage, de la patience et surtout beaucoup de Lumière.

Salma Bouraoui : Mais quelle est la responsabilité de l’Occident dans cet état des choses ?

Abdelaziz Kacem : Paradoxalement, les discussions aussi bien dans les cafétérias universitaires que dans les gargotes des quartiers populaires tournent constamment autour d’un thème sempiternel : l’Occident est l’ennemi de l’islam. Cela est faux.

L’Occident a toujours caressé l’islam salafiste dans le sens du poil, non par conviction, mais par intérêt. Regardez les relations privilégiées et contre-nature qu’entretient l’Europe avec les pays du Golfe, grands consommateurs de viagra et gros acheteurs de ferrailles létales qu’ils utilisent non pour libérer la Palestine mais contre leurs frères. Même le Yémen n’échappe pas à leur nuisance. C’est cette connivence occidentalo-saoudo-qatari que nous condamnons.

Les laïcs arabes se sentent littéralement trahis. Du reste, regardez les bouleversements qui secouent le monde arabe, ils n’ont atteint que des régimes républicains, qui, en dépit de tout ce qu’on leur reprochait, firent le choix de la modernité. L’Irak, la Syrie et la Libye, sous prétexte d’y apporter la démocratie, sont attaqués par des pays où la notion même de démocratie constitue la pire des hérésies.

Salma Bouraoui : Vos écrits sont critiques quant à la relation passionnellement tendue entre l’Orient et l’Occident. Estimez-vous que ces liens se sont encore compliqués suite à ce qui s’est passé depuis l’avènement de ce qu’on appelle le printemps arabe ?

Abdelaziz Kacem : Relations passionnelles en effet, avec des hauts et des bas, des millénaires de guerres depuis Alexandre le Grand jusqu’à Bush le Petit. Le couple Orient-Occident ne compte plus ses mariages et ses démariages. Mais votre question a le mérite de ne pas m’obliger de remonter au déluge. L’Europe, en mal d’experts crédibles et de maîtres-à-penser, n’a pas vu venir.
Sous l’égide de la Commission européenne, une rencontre a été organisée à Bruxelles, le 23 avril 2012, sur le thème : « Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée : une volonté commune de promouvoir les droits et libertés démocratiques dans les pays du sud de la Méditerranée ». J’y étais invité, comme expert, à faire l’exposé introductif et je n’y suis pas allé par quatre chemins.

Salma Bouraoui : Quelle a été la teneur de votre message ?

Abdelaziz Kacem : Mon intervention est consultable sur le site internet de la Commission européenne. J’y condamne fermement l’intervention criminelle de l’OTAN en Libye. J’y fais part de mon amertume, celle d’un homme qui voit se fissurer tout ce pour quoi il a consacré sa carrière d’écrivain, d’éducateur et d’homme de terrain en matière de culture et de communication : la superstition revient au galop, le dialogue des cultures se dissout dans une mondialisation mercantile où le mot intérêt commun, a remplacé la noble expression d’« amitié entre les peuples. »
Concernant la Syrie, j’y préviens : si le régime tombait, l’un des pays les plus ancrés dans l’histoire de la civilisation serait wahhabisé et il se commettrait là une erreur lourde de conséquences sur toutes les relations dans cette partie si sensible du monde. J’explique surtout que l’islamisme fait partie de ces maladies qui se prennent pour un remède. 

Or, par des manipulations successives, on a joué l’islam contre le communisme ; on a dressé l’islam contre l’arabisme de type nassérien. Avec la bénédiction de certaines superpuissances occidentales facilement identifiables, la Ligue Saoudienne du Monde islamique, continue de financer la subversion obscurantiste contre toute velléité de modernisation en terre d’islam.

Salma Bouraoui : Mais vous avez des rapports personnels avec des instances européennes. En quoi consistent-ils ?

Abdelaziz Kacem : Outre me études supérieures en Sorbonne, il m’a été donné de participer activement à de nombreux travaux sur le dialogue des cultures, j’ai été invité à la tribune de nombre d’institutions culturelles, j’ai donné des conférences dans plusieurs universités françaises et belges. Mes contributions aux Biennales poétiques depuis une quarantaine d’années ont fait de moi le président d’honneur de la Maison Internationale de la Poésie, à Bruxelles.

J’ai toujours dit à mes homologues européens mon rêve de voir resurgir une Europe moins recroquevillée sur sa géographie, plus consciente de sa grande histoire, une histoire à laquelle le Maghreb en général et la Tunisie en particulier se sentent organiquement impliqués. Nous avons plus besoin d’humanisme que d’humanitaire, ceci pouvant compléter cela.

Salma Bouraoui : Comment voyez-vous l’avenir des relations euro-arabes ?

Abdelaziz Kacem : Au plan économique, il n’y a pas de souci à se faire. L’argent islamiste, en dépit du soi-disant contrôle américain, s’avère soluble dans l’économie de marché. Pour le reste, les deux parties sont en crise, une crise culturelle que je résume, en connaissance de cause, dans ces vers :

De cet Orient qui perd le Nord et de ce Nord
désORIENTé j’écris ce vain journal de bord

Salma Bouraoui : Puisque nous en sommes à la poésie, vous, l’agrégé d’arabe, connu dès votre jeune âge comme poète de langue arabe, par quel détour, en êtes-vous venu à la francophonie, à tel point que l’Académie française vous a décerné, en 1998, au titre de ses Grands Prix, celui du « Rayonnement de la Langue et de la Littérature françaises » ?

Abdelaziz Kacem : Ceux de ma génération ont reçu une bonne formation bilingue. Ce détour, je m’en explique assez longuement dans mon dernier livre, « l’Occident d’une vie » (L’Harmattan, 2016). J’y parle de « détournement ». Et puis, quand on est souvent pris aux mirages de l’indicible et aux hoquets de l’imprononçable, il arrive un moment où l’on se sent à l’étroit dans une seule langue. Mais je continue d’écrire dans ma première langue. Je suis un homme double et cela dérange plus d’un fondamentaliste.

Salma Bouraoui : Récemment, le ministère du Tourisme a fermé sa représentation en Suisse.

Abdelaziz Kacem : Cette décision a été expliquée par une nouvelle structuration du secteur et le ministère a exprimé son intention de renforcer sa représentation dans les pays du Golfe. Trouvez-vous cela révélateur quant à nos relations avec l’Occident qui se sont compliquées suite aux attentats survenus en Tunisie ?

Il me souvient que notre représentation en Suisse était bien intégrée dans le tissu culturel helvétique. Je le savais pour avoir été impliqué dans ses activités médiatiques. Sa fermeture, provisoire, je l’espère, ne saurait s’expliquer que par notre incapacité de convaincre les touristes suisses de revenir, chez nous, sans craindre pour leur vie.
Après tout, le terrorisme menace et frappe d’autres destinations, en Europe et aux États-Unis, sans entraîner une paralysie de leur infrastructure touristique, semblable à celle que connaît le secteur dans notre pays. Cela dit, notre clientèle a été, est encore et sera toujours, pour l’essentiel, européenne.

Que l’on cherche à sensibiliser d’autres populations à passer leurs vacances sur nos plages, cela n’a rien d’anormal, sauf que l’on revient ici, me semble-t-il, au mythe califal d’un tourisme islamique. Les ressortissants des pays ciblés ont d’autres préférences, d’autres plaisirs, d’autres exotismes à satisfaire. 

Mais vous avez raison de voir dans ces révisions une velléité de prendre nos distances avec nos voisins de l’autre rive, auxquels nous sommes liés par des affinités millénaires, ce qui serait une aberration.

Salma Bouraoui : Depuis le départ de Ben Ali, la scène politique nationale ne cesse de connaître des rebondissements sans fin. Comment évaluez-vous la situation actuelle et ce, surtout après l’annonce de l’initiative présidentielle ?

Abdelaziz Kacem : Cela fait plus de cinq ans que Ben Ali a été chassé du pouvoir. Une période suffisante pour parer au plus pressé. Quel en est le bilan ? Force est de constater que la Tunisie, après son départ, n’en finit pas de sombrer. Aucun secteur n’est épargné par la crise. L’inflation est galopante, le pouvoir d’achat s’effondre, l’endettement est effarant, le problème du chômage, sauf miracle, est insoluble. 

L’indiscipline et l’incurie dans les services publics s’aggravent, l’incivisme et le je-m’en-foutisme s’étalent au grand jour, une culture du non-travail s’installe, et ce laisser-aller profite à l’insécurité.

Salma Bouraoui : Votre vision est sombre. Et la démocratie et la liberté d’expression, qu’est-ce que vous en faites ?

Abdelaziz Kacem : La démocratie se résumerait-elle au verdict des urnes ? La démocratie est une culture, elle ne se limite pas à une campagne électorale. Quel nouveau personnel politique en est-il sorti ? Beaucoup d’ivraies et peu de bons grains. L’ivraie a pour synonyme la zizanie. C’est tout dire.

Nous reprochions à la dictature, d’avoir inféodé la Tunisie à telle ou telle grande puissance. La Troïka et son « président provisoire » ont tout fait pour nous satelliser à d’infamantes « Machiakhats » (pays du Golfe).

Pour ce qui est de la liberté d’expression, je dirais plutôt liberté de parlote. L’expression suppose un discours pensé, construit et constructif. En quoi, par exemple, la création artistique et littéraire a-t-elle bénéficié d’une telle levée d’écrou ? Que voit-on à la télévision ? Les plateaux du baratin ont suppléé aux productions de feuilletons, de documentaires, de variétés de bon aloi. 

Vous parlez de rebondissements. Des péripéties en rase-mottes, à vrai dire. Ce n’est pas cela qui aidera au décollage. 
Le pays est en panne et le président en est conscient.

Salma Bouraoui : Que pensez-vous du gouvernement Essid ?

Abdelaziz Kacem : Je crois qu’il n’a pas démérité. Seulement, faute de charisme et d’autorité réelle, il a atteint son point d’incompétence. Ce n’est pas en limogeant un gouverneur par-ci, un délégué par-là qu’on fait montre de son énergie et de sa fermeté. Il est facile de dégommer des responsables. Ils ne sont pas syndiqués. Les subalternes le sont et ce sont eux qui font problème. Je n’ai pas apprécié le limogeage, sous la pression d’un parti politique, du ministre des Affaires religieuses en conflit avec un imam intégriste. Othman Battikh a déjà été injustement limogé par le « président provisoire » pour avoir eu le courage de dire que la Syrie n’était pas terre de jihad.

Salma Bouraoui : Alors êtes-vous pour un gouvernement d’union nationale ?

Abdelaziz Kacem : Les gens s’inquiètent. La constitution d’un tel gouvernement peut calmer provisoirement les esprits. En pratique, je ne crois pas qu’une composition multicolore pourrait constituer un ensemble cohérent.

Regardez ce qui se passe au Liban. Ce dont le pays a besoin, c’est de voir ses destinées confiées à des gens capables d’abord de faire redémarrer les machines de l’État, de reconsolider l’existant, sans quoi nul redressement n’est possible, nul investissement n’est à espérer. 

On connaît les limites de la classe politique. Pourquoi ne pas avoir recours à des technocrates crédibles et politiquement bien soutenus ?

Abdelaziz Kacem est poète et essayiste bilingue. Outre sa carrière universitaire, il a assumé de hautes fonctions dans les domaines de la communication et de la culture. Il a notamment dirigé la RTT (Radiotélévision tunisienne) ainsi que la Bibliothèque nationale et les Relations extérieures au sein du ministère de la Culture.
Il est l’auteur de recueils de poésie et d’essais sur la littérature comparée, la poétique générale, et les problèmes culturels de notre temps. Ses ouvrages « Culture arabe/Culture française : La parenté reniée » (l’Harmattan, 2002) et « Al-Andalus, vestige d'une utopie » (Riveneuve, 2013) font partie de son approche au sujet du dialogue euro-arabe. Il met actuellement la dernière main à un essai intitulé : « L’Occident et nous ».