Depuis la nuit des temps, les religions servaient à dominer les hommes. Dans les guerres de religions entre musulmans et chrétiens, la bataille de Lépante marquera
la fin de l’expansionnisme musulman des Ottomans. Avec le wahhabisme, les
Anglais ont compris tout l’intérêt pour eux de l'instrumentaliser dans
leur politique colonialiste, pour disloquer l'empire Ottoman. Lewahhabisme ayant réussi aux Anglais, les Américains l'utiliseront à leur tour
dans leur politique impérialiste pour spolier les richesses des peuples
"arabo-musulmans" avec la complicité des Ibn Saoud, auxquels ils
assurent leur trône en tant que gardiens des lieux saints de l'islam, à charge
pour eux de soumettre les musulmans au wahhabisme plus propice à toutes les
spoliations. Ce que confirmait le prince Mohamed
Ibn Salman Ibn Saoud, en accusant les Américains d'instrumentaliser le
wahhabisme.
Les pays non-arbophones à majorités musulmans, ont très vite
succombé à l'invasion du wahhabisme, comme l'Indonésie, les Philippines,
l'Afghanistan, le Pakistan, dans des populations à
majorité étrillés et incultes. En sera-t-il de mêmes des pays
arabophones, comme la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, où les Frères
musulmans sévissent ? Si l'Algérie semble succomber à l'invasion du wahhabisme; le Maroc en sera préservé, le roi étant lui-même le chef religieux du malékisme.
Et qu'en sera-t-il de la Tunisie où l'instruction obligatoire a fait des
Tunisiens un peuple cultivés avec une élite qui n'a rien à envier à celle des
Occidentaux; puisqu'ils recrutent une bonne partie de leurs diplômés ?
Sauront-ils résister à la déferlante wahhabite des Frères musulmans, comme
l'avaient fait en leur temps, leur aïeuls ?
Ce que l'émir du Qatar a parfaitement compris pour entrer
dans le jeu des Occidentaux en instrumentalisant à son tour les Frères
musulmans qu'il soutient et finance, charge à eux de répandre le wahhabisme
dans leur pays respectif et d'y importer le modèle socio-économique qui va avec. Ce qu'il a fait en déclenchant le fumeux "printemps arabe" à de coup d'Etat, en installant Ghannouchi au pouvoir. Ce que fait Ghannouchi en Tunisie pour soumettre la
Tunisie et les Tunisiens à ses maîtres en les abrutissant de religiosité et de
bigoterie, en répandant l'obscurantisme que véhicule le wahhabisme.
Mais voilà, les pétromonarques ont eux aussi, d'autres
projets : ils tentent une nouvelle forme de colonisation, la
colonisation religieuse, beaucoup plus efficace, par la diffusion du wahhabisme
dans le monde entier. Et voilà comment le wahhabisme que les dirigeants
occidentaux ont instrumentalisé, persuadés qu'il restera cantonné chez les
peuples "arabo-musulmans", leur revient comme un boomerang; puisqu'il
est en train de se répandre chez eux aussi.
Ainsi l'arroseur, sera arrosé !
R.B
Lorsque le prince héritier saoudien a déclaré, dans une interview
au Washington Post, que c’était en fait l’Occident qui encourageait son pays à
diffuser le wahhabisme aux quatre coins du monde, il y a eu un long silence
dans presque tous les médias occidentaux, mais aussi dans les pays comme
l’Égypte et l’Indonésie.
Ceux qui ont lu cette
déclaration s’attendaient à une réprimande sévère de la part de Riyad. Elle
n’est pas venue. Le ciel n’est pas tombé. La foudre n’a pas frappé le prince ni
le Post.
Tout ce que le prince héritier a déclaré n’a pas été repris dans
les pages du Washington Post, mais ce qui l’a effectivement été, suffirait à
faire tomber des régimes entiers comme en Indonésie, en Malaisie ou au Brunei.
Ou au moins suffirait dans des « circonstances normales ».
C’est-à-dire si la population de ces pays n’était pas déjà désespérément endoctrinée et programmée, si ses dirigeants n’approuvaient ou ne toléraient
pas la forme la plus agressive, chauvine et ritualisée (par opposition à sa
forme intellectuelle ou spirituelle) de la religion.
Si on lit entre les lignes, le prince saoudien a suggéré que
c’était effectivement l’Occident qui, tout en menant une « guerre idéologique » contre l’Union soviétique et les autres pays socialistes,
avait choisi l’islam et son aile ultra-orthodoxe et radicale – le wahhabisme –
comme allié pour détruire presque toutes les aspirations progressistes,
anti-impérialistes et égalitaires dans les pays à majorité musulmane.
Comme l’a rapporté RT
le 28 mars 2018 : « La
diffusion du wahhabisme financé par les Saoudiens a commencé lorsque les pays
occidentaux ont demandé à Riyad de les aider à contrer l’Union soviétique
pendant la guerre froide, a déclaré le prince héritier Mohammed bin Salman au
Washington Post.
S’adressant au journal, bin Salman a dit que les alliés
occidentaux de l’Arabie saoudite ont exhorté le pays à investir dans des
mosquées et des madrasas à l’étranger pendant la guerre froide, dans le but
d’empêcher l’intrusion de l’Union soviétique dans les pays musulmans…
L’interview avec le prince héritier s’est initialement déroulée
« off the record ». L’ambassade saoudienne a néanmoins accepté
ultérieurement de laisser le Washington Post publier des passages spécifiques
de la rencontre. »
Depuis le début de la
propagation du wahhabisme, des pays se sont effondrés les uns après les autres,
ruinés par l’ignorance, le zèle fanatique et la peur, qui ont empêché les
populations d’États comme l’Indonésie d’après 1965 ou l’Irak d’après l’invasion
occidentale de revenir (à l’époque précédant l’intervention occidentale) et en
même temps d’avancer vers quelque chose qui était si naturel dans leur culture
dans un passé pas si lointain – vers le socialisme ou au moins une laïcité
tolérante.
En réalité, le
wahhabisme n’a pas grand-chose à voir avec l’islam. Ou, plus précisément, il
intercepte et fait dérailler le développement naturel de l’islam, sa lutte pour
une organisation égalitaire du monde et pour le socialisme.
L’essence de l’alliance wahhabo-britannique et du dogme, était et
est toujours extrêmement simple : « Les chefs religieux forceraient les gens à une peur
terrible et irrationnelle, et à la soumission qui s’ensuivrait. Aucune critique
de la religion n’est admise ; aucun questionnement de son essence et en
particulier de l’interprétation conservatrice et archaïque du Livre. Une fois
conditionnés de cette façon, les gens ont cessé de remettre en question d’abord
l’oppression féodale, puis plus tard l’oppression capitaliste ; ils ont
également accepté sans sourciller le pillage de leurs ressources naturelles par
les maîtres locaux et étrangers. Toutes les tentatives de construire une
société socialiste et égalitaire ont été découragées, avec brutalité, « au
nom de l’islam » et « au nom de Dieu ». »
Résultat, évidemment,
les impérialistes occidentaux et les serviles « élites » locales s’en
mettent plein les poches aux dépens des millions de gens appauvris et dupés
dans les pays contrôlés par les dogmes wahhabites et occidentaux.
Seul un petit nombre
de gens, dans les pays colonisés dévastés, réalisent que le wahhabisme ne sert
pas Dieu ou le peuple ; il soutient les intérêts et la cupidité
occidentaux.
C’est précisément ce qui se passe actuellement en Indonésie,
mais aussi dans plusieurs autres pays conquis par l’Occident, dont l’Irak et
l’Afghanistan.
Si la Syrie tombait, ce pays historiquement laïque et à
orientation sociale, serait forcé dans la même épouvantable direction. Les gens
là-bas en sont conscients, car ils sont éduqués. Ils voient aussi ce qui est
arrivé à la Libye et à l’Irak et ils ne veulent absolument pas finir comme eux.
Ce sont les combattants terroristes que l’Occident et ses laquais comme
l’Arabie saoudite ont lancés contre l’Etat syrien et son peuple. De même que le Soudan qui a fini par être divisé en deux Etats, les chrétiens ne supportant plus le rigorisme wahhabite.
Malgré son hypocrite
rhétorique laïque, fabriquée pour la consommation locale mais pas pour les
colonies, l’Occident glorifie ou au moins refuse de critiquer ouvertement ses
rejetons brutaux et « anti-peuple » – un concept qui a déjà consumé
et ruiné tant le Royaume d’Arabie saoudite que l’Indonésie.
En fait, il essaie de convaincre le monde que ces deux pays sont
« normaux » et, pour ce qui concerne l’Indonésie,
« démocratique » et « tolérante ». En même temps, il a
constamment combattu tous les pays laïques ou relativement laïques avec des
majorités musulmanes importantes, comme la Syrie (jusqu’à maintenant), mais
aussi l’Afghanistan, l’Iran (avant le coup d’État de 1953), l’Irak et la Libye
avant qu’ils ne soient soigneusement et brutalement détruits.
C’est dû au fait que l’état dans lequel l’Arabie saoudite,
l’Indonésie et l’Afghanistan se trouvent actuellement, est le résultat direct
des interventions occidentales et de l’endoctrinement. L’injection du dogme
wahhabite donne à ce « projet » occidental un parfum musulman, tout
en justifiant les milliers de milliards de dollars injectés dans les
« dépenses de défense » destinés à la « Guerre contre le
terrorisme » (un concept ressemblant à un étang de pêche asiatique, où on
introduit des poissons qui sont ensuite pêchés contre paiement).
L’obéissance, voire la soumission, c’est ce que l’Occident, pour
de nombreuses raisons, veut de ses États « clients » et de ses
néo-colonies. Le Royaume d’Arabie saoudite est un trophée important à cause de
son pétrole et de sa position stratégique dans la région. Les dirigeants
saoudiens font souvent tout pour plaire à leurs maîtres à Londres et
Washington, mettant en œuvre la politique étrangère pro-occidentale la plus
agressive. L’Afghanistan est « apprécié » pour sa situation
géographique, qui pourrait permettre à l’Occident d’intimider et même d’envahir
l’Iran et le Pakistan, tout en introduisant des mouvements musulmans
extrémistes en Chine, en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques
d’Asie centrale. Entre 1 et 3 millions d’Indonésiens « ont dû » être
massacrés en 1965-1966 afin de mettre au pouvoir une clique turbo-capitaliste
corrompue qui pouvait garantir que les ressources naturelles au départ infinies
(bien que s’amenuisant rapidement aujourd’hui) puissent s’écouler, dans un flot
ininterrompu et souvent non taxé, dans des endroits comme l’Amérique du Nord,
l’Europe, le Japon et l’Australie.
Franchement, il n’y a absolument rien de « normal »
dans des pays comme l’Indonésie et l’Arabie saoudite. En fait, il faudrait des
décennies, mais plus probablement encore des générations entières, pour les
faire revenir au moins à une sorte de « normalité » modeste. Même si
le processus devait commencer bientôt, l’Occident espère qu’à la fin, presque
toutes les ressources naturelles de ces pays auront disparu.
Mais le processus n’a pas encore commencé. La principale raison
de la stagnation intellectuelle et de l’absence de résistance est
évidente : les gens dans les pays comme l’Indonésie et l’Arabie saoudite
sont conditionnés de telle sorte qu’ils ne sont pas en mesure de voir la
réalité brutale qui les entoure. Ils sont endoctrinés et
« pacifiés ». On leur a dit que le socialisme est égal à l’athéisme
et que l’athéisme est mal, illégal et « péché/haram ».
Ainsi l’islam a été
modifié par les démagogues occidentaux et saoudiens, et il a été « envoyé
au combat » contre le progrès et un arrangement juste et égalitaire du
monde.
Cette version de la religion défend sans réserve l’impérialisme
occidental, le capitalisme sauvage ainsi que l’effondrement intellectuel et
créatif des pays dans lesquels elle a été introduite, y compris l’Indonésie.
Là-bas, à son tour, l’Occident tolère la corruption généralisée, le manque
criant de services publics voire les génocides et les holocaustes commis
d’abord contre les Indonésiens eux-mêmes, puis contre la population du Timor
oriental, et jusqu’à ce jour contre les Papous, hommes, femmes et enfants sans
défense.
Ce n’est pas seulement une « tolérance » – l’Occident
participe directement à ces massacres et à ces campagnes d’extermination, car
il participe à la diffusion des formes les plus viles du terrorisme et des
dogmes wahhabites aux quatre soins du monde. Tout cela alors que des dizaines
de millions d’adeptes du wahhabisme remplissent quotidiennement les mosquées,
pratiquant des rituels mécaniques sans réflexion approfondie ni introspection.
Le wahhabisme fonctionne – il fonctionne pour les entreprises
minières et les banques dont les sièges sociaux sont à Londres et à New York.
Il fonctionne aussi extrêmement bien pour les dirigeants et les
« élites » locales dans les États « clients ».
Ziauddin Sardar, un
éminent érudit musulman du Pakistan, qui habite Londres, n’a aucun doute sur le
fait que le « fondamentalisme musulman » est, dans une grande mesure,
le résultat de l’impérialisme et du colonialisme de l’Occident.
Il m’a expliqué lors d’une conversation que nous avons eue il y
a plusieurs années :
« En effet, la confiance entre l’Occident et l’Islam a été
brisée… Nous devons comprendre que le colonialisme a fait beaucoup plus
qu’abîmer les nations et les cultures musulmanes. Il a joué un rôle majeur dans
la suppression et la disparition finale de la connaissance et du savoir, de la
pensée et de la créativité des cultures musulmanes.
La rencontre coloniale a commencé par l’appropriation de la
connaissance et du savoir de l’Islam, qui est devenu la base de la
« Renaissance européenne » et des « Lumières » et s’est
terminée par l’éradication de cette connaissance et de ce savoir des sociétés
musulmanes et de l’Histoire même.
La colonisation l’a fait par l’élimination
physique – détruire et fermer des institutions d’enseignement, interdire
certaines formes de savoir indigène, tuer des penseurs et des érudits locaux –
et par la réécriture de l’histoire comme l’histoire de la civilisation
occidentale, dans laquelle toutes les histoires mineures des autres
civilisations sont intégrées.
« Du coup, les cultures musulmanes ont été coupées de leur
propre histoire avec de nombreuses conséquences graves. Par exemple, la
suppression coloniale de la science islamique a conduit à l’exclusion de la
culture scientifique de la société musulmane.
Cela s’est fait en introduisant
de nouveaux systèmes administratifs, juridiques, éducatifs et économiques, tous
conçus pour instaurer la dépendance, l’obéissance et la soumission à l’égard
des puissances coloniales. Le déclin de la science et du savoir islamiques est
un aspect de la décadence et de la détérioration des sociétés musulmanes.
L’Islam a été transformé, passant d’une culture dynamique et d’un
mode de vie global à une simple rhétorique. L’éducation islamique est devenue
un cul-de-sac, un aller simple vers la marginalité. Elle a également conduit à
la réduction conceptuelle de la civilisation musulmane. Je veux dire par là que
les concepts qui ont formé et dirigé les sociétés musulmanes se sont dissociés
de la vie quotidienne des musulmans – conduisant au genre d’impasse que nous
trouvons dans les sociétés musulmanes aujourd’hui.
Le néo-colonialisme
occidental perpétue ce système. »
En Indonésie, après le
coup d’État militaire de 1965 soutenu par l’Occident, qui a détruit le Parti
communiste d’Indonésie (PCI) et porté au pouvoir un régime pro-marché et
pro-occidental extrémiste, les choses se sont détériorées avec une
prévisibilité, une cohérence et une rapidité effrayantes.
Alors qu’on disait que le dictateur fasciste Suharto, un implant
occidental après 1965, « se méfiait de l’islam », il a en fait
utilisé toutes les grandes religions avec une grande précision et un effet
fatal sur son archipel. Au cours de son despotisme pro-marché, tous les
mouvements de gauche et les « -ismes » ont été interdits, donc la
plupart des formes progressistes d’art et de pensée. La langue chinoise a été
rendue illégale. L’athéisme a également été interdit. L’Indonésie est
rapidement devenue l’un des pays, les plus religieux de la planète depuis sa conversion au wahhabisme.
Au moins un million de personnes, y compris des membres du PCI,
ont été brutalement massacrés dans l’un des génocides les plus monstrueux du
XXe siècle.
La dictature fasciste du général Suharto a souvent joué la carte
islamique pour ses fins politiques.
Comme le décrit John Pilger dans son livre The New Rulers of The
World (Les nouveaux maîtres du monde) : « Les généraux de Suharto ont souvent utilisé des groupes
islamistes dans les pogroms de 1965-1966 pour attaquer les communistes et
quiconque se trouvait en travers de leur chemin. Un modèle a émergé :
chaque fois que l’armée voulait asseoir son autorité politique, elle utilisait
les islamistes pour des actes de violence et de sabotage, de sorte que ce
sectarisme pouvait être accusé et justifier l’inévitable
« répression » – par l’armée… »
Un « bel
exemple » de coopération entre la dictature meurtrière de droite et
l’islam radical.
Après le départ de Suharto, la tendance à une interprétation
grotesque et fondamentaliste des religions monothéistes a continué. L’Arabie
saoudite et le wahhabisme favorisé et parrainé par l’Occident se sont mis à
jouer un rôle de plus en plus important. Tout comme le christianisme, souvent
prêché par d’anciens exilés radicaux de droite de la Chine communiste et leurs
rejetons ; principalement dans la ville de Surabaya mais aussi ailleurs.
De pays laïque et progressiste sous le gouvernement du président
Sukarno, l’Indonésie s’est progressivement dégradée en un État wahhabite et
pentecôtiste chrétien de plus en plus rétrograde et bigot.
Après avoir été forcé de démissionner de la présidence de
l’Indonésie au cours de ce que beaucoup considèrent comme un coup d’État
constitutionnel, Abdurrahman Wahid (connu en Indonésie sous le surnom de Gus
Dur), un laïc musulman progressiste et sans doute socialiste, m’a fait part de
ses pensées :
« De nos jours, la plupart des Indonésiens ne se soucient
pas de Dieu ni ne pensent à lui. Ils ne font que suivre des rituels. Si Dieu
descendait du ciel et leur disait que leur interprétation de l’islam est
fausse, ils continueraient à suivre cette forme d’islam et ignoreraient le
Dieu. »
« Gus Dur » a aussi vu clair dans toutes les combines
des élites militaires et pro-occidentales. Il m’a dit, entre autres choses, que
l’attentat de 2003 contre l’hôtel Marriott à Jakarta avait été organisé par les
forces de sécurité indonésiennes puis imputé aux islamistes, qui en fait ne
faisaient qu’exécuter les ordres donnés par leurs patrons politiques du régime
militaire pro-occidental, déguisé jusqu’à aujourd’hui en une « démocratie
multipartite ».
En Indonésie, une obéissance extrême et inconditionnelle aux
religions a conduit à une acceptation aveugle d’un système capitaliste, et de
l’impérialisme occidental et de sa propagande. La créativité et le pluralisme
intellectuel ont été totalement éliminés.
La quatrième nation la plus peuplée de la planète, l’Indonésie,
n’a présentement aucun scientifique, architecte, philosophe ou artiste
d’envergure internationale. Son économie est alimentée exclusivement par le
pillage débridé des ressources naturelles des vastes régions, autrefois
vierges, du pays, comme Sumatra et le Bornéo indonésien (Kalimantan), ainsi que
de la partie occidentale brutalement occupée de la Papouasie. L’ampleur de la
destruction de l’environnement est monumentale ; c’est quelque chose que
j’essaie actuellement de capter dans deux films documentaires et un livre.
La conscience de l’état des choses, même parmi les victimes, est
minimale ou légitimement inexistante.
Dans un pays qui a été dépouillé de ses richesses, de son
identité, de sa culture et de son avenir, les religions jouent aujourd’hui le
rôle le plus important. Il ne reste tout simplement rien d’autre à la majorité.
Le nihilisme, le cynisme, la corruption et la violence règnent sans rencontrer
d’opposition.
Dans les villes sans théâtres, sans galeries ni cinémas d’art et
d’essai, mais aussi sans transports publics ni même trottoirs, dans les centres
urbains monstrueux abandonnés aux « marchés » avec peu de verdure ou
de parcs publics, les religions remplissent le vide. Comme elles sont
elles-mêmes rétrogrades, favorables au marché et cupides, les résultats sont
aisément prévisibles.
Dans la ville de Surabaya, pendant les prises de vues pour mon
film documentaire réalisé pour la chaîne de télévision sud-américaine TeleSur
(Surabaya – Eaten Alive by Capitalism – Surabaya – Dévorée vivante par le capitalisme),
je me suis heurté à un énorme rassemblement chrétien protestant dans un centre
commercial, où des milliers de gens étaient dans une transe totale, criant et
levant les yeux au plafond. Une prédicatrice criait dans un microphone : « Dieu aime les riches et
c’est pourquoi ils sont riches ! Dieu déteste les pauvres, et c’est
pourquoi ils sont pauvres ! »
Von Hayek, Friedmann,
Rockefeller, al-Wahhab et Lloyd George, ensemble pourraient difficilement
définir leurs « idéaux » d’une manière plus précise.
Qu’a dit exactement le
prince saoudien pendant sa mémorable et révolutionnaire interview avec The
Washington Post ? Et pourquoi est-ce si pertinent pour des pays comme
l’Indonésie ?
Il a dit essentiellement que l’Occident avait demandé aux Saoudiens
de rendre les États « clients » de plus en plus religieux, en
construisant des madrasas et des mosquées. Il a également ajouté : « Je crois que l’islam est
raisonnable, que l’islam est simple, et les gens sont en train d’essayer de le
détourner. »
Les gens ? Les
Saoudiens eux-mêmes ? Les religieux dans des pays comme
l’Indonésie ? Les dirigeants occidentaux ?
À Téhéran, en Iran, on
m’a souvent dit lorsque je discutais de ce problème avec de nombreux chefs
religieux : « L’Occident
a réussi à créer une religion totalement neuve et étrange, puis il l’a injectée
dans divers pays. Il appelle cela l’islam, mais nous ne pouvons pas le
reconnaître… Ce n’est pas l’islam, pas du tout. »
En mai 2018, en
Indonésie, des membres de groupes terroristes hors-la-loi ont provoqué une
émeute dans une prison, ont pris des otages puis ont brutalement assassiné des
gardiens. Après l’écrasement de la rébellion, plusieurs explosions ont choqué
Java Est. Des églises et des postes de police ont pris feu.
Des gens sont morts. Les tueurs ont utilisé les membres de leurs
familles, et même des enfants, pour perpétrer les attentats.
Les hommes
responsables étaient en fait inspirés par les combattants indonésiens implantés
en Syrie – les terroristes et les assassins qui ont été appréhendés et renvoyés
par Damas dans leur pays plongé dans la confusion.
De nombreux
terroristes indonésiens ayant combattu en Syrie sont de retour chez eux, enflammant et « inspirant » leurs compatriotes. La même
situation que dans le passé – les cadres jihadistes indonésiens qui
combattaient le gouvernement pro-soviétique en Afghanistan sont revenus plus
tard et ont tué des centaines et des milliers de gens à Poso, à Ambon et dans
d’autres régions d’Indonésie.
Les extrémistes
indonésiens sont en train de devenir célèbres dans le monde entier, menant les
batailles de l’Occident en tant que légionnaires, en Afghanistan, en Syrie, aux
Philippines et ailleurs.
Leur influence au pays
croît également. Il est aujourd’hui impossible de mentionner en public une
réforme sociale ou, Dieu nous en garde, socialiste. Les réunions sont
dispersées, les participants battus, et même les représentants du peuple (les
députés) sont intimidés, accusés d’être des « communistes », dans un
pays où le communisme est toujours interdit par le régime.
Le gouverneur progressiste et très populaire de Jakarta, Ahok, a
d’abord perdu les élections puis a été traduit en justice et jeté en prison
pour « insulte à l’islam », des accusations manifestement fabriquées.
Son péché principal : nettoyer les rivières polluées de
Jakarta, construire un réseau de transports publics et améliorer la vie des
gens ordinaires. C’était clairement « non islamique » du moins du
point de vue du wahhabisme et du régime mondial occidental.
L’islam radical indonésien est craint aujourd’hui. Il est
incontesté. Il gagne du terrain, car presque personne n’ose le critiquer
ouvertement. Il submergera bientôt toute la société et l’étouffera.
En Occident, le « politiquement correct » a cours. Il
est tout simplement de la dernière impolitesse de critiquer la forme
d’« islam » indonésienne, voire saoudienne, par « respect »
pour les gens et leur « culture ». En réalité, ce ne sont pas les
Saoudiens ou les Indonésiens qui sont « protégés » – c’est l’Occident
et ses politiques impérialistes ; des politiques et des manipulations
utilisées à la fois contre les peuples et l’essence même de la religion
musulmane.
Tandis que le dogme
wahhabite-occidental devient de plus en plus puissant, ce qui reste des forêts
indonésiennes brûle. Le pays est littéralement pillé par les grandes
multinationales et par ses élites locales corrompues.
Les religions, le régime fasciste indonésien et l’impérialisme
occidental avancent main dans la main. Ils avancent – mais vers où ? Très
probablement vers l’effondrement total de l’Etat indonésien. Vers la misère qui
viendra bientôt, lorsque tout sera exploité et extrait.
C’est la même chose que lorsque le wahhabisme marchait main dans
la main avec les impérialistes et les pilleurs britanniques. Sauf que les
Saoudiens ont découvert leurs immenses champs de pétrole, des quantités de
pétrole pour subvenir à leurs besoins (ou au moins à ceux de leurs élites et de
la classe moyenne, puisque les pauvres vivent toujours dans la misère là-bas)
et leur interprétation bizarre de l’islam, inspirée et soutenue par les
Britanniques.
L’Indonésie et d’autres pays qui ont été victimes de ce dogme, ne
sont pas et ne seront pas aussi « chanceux ».
C’est magnifique que le prince héritier Mohammed bin Salman ait
parlé publiquement et clarifié la situation. Mais qui écoutera ?
Pour les Indonésiens, ses déclarations sont venues trop tard.
Elles n’ont pas ouvert beaucoup d’yeux, n’ont provoqué aucun soulèvement,
aucune révolution. Pour comprendre ce qu’il a dit, il faudrait au moins une
connaissance de base de l’histoire locale et mondiale, et au moins une certaine
capacité de penser avec logique. Tout cela fait désespérément défaut dans les
pays qui se sont retrouvés écrasés par l’étreinte destructrice de
l’impérialisme.
L’ancien président de l’Indonésie, Abdurrahman Wahid, avait
raison :
« Si Dieu venait et parlait aux gens … ils ne le suivraient
pas », pour dire l'emprise des religieux sur eux.
L’Indonésie continuera à suivre M. Wahhab et le dogme
capitaliste et les impérialistes occidentaux qui « ont tout
arrangé ».
Ils le feront dans les années à venir, en se sentant vertueux,
en jouant de vieux airs nord-américains pour meubler le silence, pour ne pas
penser et ne pas remettre en question ce qui se passe autour d’eux. Il n’y aura
pas de doutes. Il n’y aura pas de changement, pas de réveil ni de révolution.
Jusqu’à ce que le dernier arbre tombe, que la dernière rivière
et le dernier fleuve soient empoisonnés, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien
pour les gens. Jusque-là, ce sera la soumission totale, absolue : jusqu’à
ce que tout soit brûlé, noir et gris. Peut-être, alors, quelques humbles
petites pousses d’éveil et de résistance commenceront-elles à grandir.
Andre Vltchek : Philosophe, romancier, réalisateur et journaliste
d’investigation. Il a couvert des guerres et des conflits dans une douzaine de
pays.
Traduit de l’anglais
par Diane Gilliard