Le 25 juillet 2021, jour de la fête de la République, Kaïs Saïed en profitera pour mettre fin à un parlementarisme devenu la risée du monde entier et promet de mettre fin à l'islam politique de Ghannouchi et ses Frères musulmans dont les Tunisiens n'en voulaient plus et auxquels il a fait croire de les en débarrasser !
Le 25 juillet 2022, les Tunisiens découvrent la supercherie de ce président fantasque et comprennent à quel point il les a grugés par sa prétendue guerre contre la corruption; puisque le référendum voulu par Kaïs Saïed s'avère un échec total, les Tunisiens dans leur immense majorité l'ayant boycotté !
Sa nouvelle constitution étant faite sur mesure pour lui, en lui accordant tous les pouvoirs et en l'exemptant de toute responsabilité en cas d'échec.
Après l'expérience islamiste, voici l'expérience arabiste ...
Depuis leur fumeuse révolution ourdie par le Qatar dont l'émir ne cesse de les ridiculiser en installant à Carthage ses anciens collaborateurs, "analystes politiques" à El Jazeera-RV; l'actuel tartour *, succédant à Moncef Marzougui, alias tartour 1er.
Vivement que les Tunisiens dégagent ces complexés de l'Histoire qui veulent leur imposer des idéologies qui ont échoué partout !
Leur dernier espoir, est de revenir au Destour qui avait libéré le pays et bâtit la Tunisie moderne et dont le véritable hériter est le PDL de Madame Abir Moussi.
Que de temps perdu depuis la fumeuse révolution du 14 janvier 2011 qui a livré la Tunisie aux complexés de l'Histoire qui ont pris en otage les Tunisiens juste pour assouvir leur vengeance de Bourguiba qui avait combattu à juste titre toutes ces lubies dangereuses pour la nouvelle République & la jeune Nation Tunisiennes.
R.B
* Tartour (adj) origine arabe : Personnage insignifiant, de décor. Se dit d'un président sans prérogatives. Le terme a été introduit par l'agence AFP pour designer un président sans prérogatives.
Zakaria Bouker Le Don Quichotte Tunisien ... Michel Camau*
Kaïs Saïed pose les jalons d’une orientation
idéologique de type nationaliste arabe
La Tunisie de Kaïs Saïed : La nouvelle
Constitution soumise à référendum lundi 25 juillet consacre une rupture avec
l’esprit du « compromis tunisien », analyse le politologue Michel Camau. Dans un entretien** au Monde Afrique, M. Camau analyse
le projet de nouvelle Constitution du chef de l’Etat Kaïs Saïed, soumise à
référendum, comme « la remise en cause » de « ce que pouvait
représenter la tunisianité », à savoir un « compromis » entre « l’appartenance
arabe mâtinée d’islam » et « un projet moderniste dans le sillage des Lumières
».
Quelles sont les racines du phénomène Kaïs Saïed en
Tunisie ?
Il faut revenir à l’indépendance. La Tunisie politique
connaît un problème qui est largement partagé de par le monde. Ce problème
réside dans un rapport différencié au politique suivant les couches de la
population. Une partie d’entre elles, identifiée généralement aux élites,
revendique la citoyenneté en fonction des notions et représentations de la
liberté politique, de la société civile et de l’Etat de droit. Une plus large
composante de la population n’a de rapport au politique que du point de vue de
l’accès à des conditions de vie dignes. En d’autres termes, elle est tributaire
de la définition et de l’impact de politiques publiques à même de répondre à
ses besoins.
Avec Bourguiba, la tentative de « solution » du
problème a résidé dans la mise en place d’un dispositif de paternalisme d’Etat.
Cet Etat, qui promettait « la joie de vivre », s’est lancé dans des programmes
d’infrastructure en matière de santé, de logement, d’éducation. Il dispensait
ses « bienfaits », il ne reconnaissait pas des droits. A l’époque, le géographe
Habib Attia a pu écrire que les populations rurales attendaient moins de Dieu
que de l’Etat. Cette formule paternaliste a trouvé dans le parti unique le
moyen d’articuler les relations entre ces populations et les élites. Cela
correspondait à une période bien précise qui était celle du
développementalisme, en Tunisie et ailleurs.
Et avec Ben Ali ?
La formule a été également une formule de paternalisme
d’Etat, mais dans un tout autre contexte qui était celui de la mondialisation
libérale. Elle a consisté, pour l’essentiel, dans la mise en place de filets
sociaux. Malgré tout, l’Etat n’était plus à même de répondre véritablement aux
besoins de la majorité de la population par des politiques publiques efficaces.
Là encore, le parti jouait le rôle d’articulateur entre les deux types
sociétés.
Puis la révolution de 2010-2011 a éclaté. Qu’a-t-elle
fait de ce paternalisme d’Etat ?
Avec la révolution, le paternalisme d’Etat a été remis
en cause puisque cet Etat était perçu comme synonyme de corruption, de voleurs…
Autrement dit : synonyme de non-reconnaissance des droits à la dignité. Il y a
eu un moment où la révolution, du 17 décembre 2010 [soulèvement à Sidi Bouzid]
au 14 janvier 2011 [départ de Ben Ali], a opéré une espèce de concordance entre
ceux qui revendiquaient le droit d’avoir des droits – aspiration égalitaire –
et les élites exigeant la liberté politique et l’Etat de droit. Bien sûr, cela
n’a été qu’un moment. On a ensuite assisté à une distorsion, entre ce que
j’appelle, d’une part, la révolution institutionnalisée, et d’autre part, la
révolution de la dignité, laquelle perdure à travers les mouvements sociaux et
les changements s’opérant dans le rapport à l’autorité.
Quel est le rôle de Kaïs Saïed dans cette distorsion
post-2011 ?
Il a justement eu l’intelligence et l’opportunité de
s’insinuer dans cette faille dans un contexte de « crise d’hégémonie ». Kaïs Saïed
est apparu comme un recours, par ironie de l’histoire, car ce type de situation
profite généralement à une personnalité dotée d’un capital héroïque, souvent un
militaire. C’est un modeste enseignant de droit constitutionnel qui a joué le
rôle de « sauveur ». Il est parvenu à se forger une réputation et à acquérir
une notoriété à la faveur de postures qui prenaient le contre-pied des manières
de s’exprimer et d’agir des élites modernistes en place depuis l’indépendance.
Quelle rupture le phénomène Saïed consacre-t-il dans
la trajectoire tunisienne ?
Nous assistons à la fois à une régression et à un
basculement. La régression consiste en un nouvel autoritarisme. Le basculement
se rapporte au nationalisme arabe. Kaïs Saïed est un constitutionnaliste qui se
révèle en rupture avec le constitutionnalisme. Il a certes été nourri dans une
large mesure par la tradition constitutionnaliste française, mais il a toujours
eu un regard vers l’Orient. Il est capable de vous parler de Carré de Malberg,
de Maurice Hauriou, de Joseph Barthélemy et d’autres auteurs classiques. En
même temps, il se référera à un certain nombre de penseurs islamiques et
arabes. Sa vision va le conduire à interpréter une partie des dispositions
adoptées par les Etats arabes et musulmans comme le produit de l’impérialisme.
Comme dans les rapports entre l’Etat et la religion ?
Oui, dans les dispositions relatives à la religion de
l’Etat. Il disait, dans une conférence en 2018, au moment de son départ à la
retraite de l’université, qu’en fait c’étaient les puissances impérialistes qui
avaient imposé dans certains pays les dispositions constitutionnelles relatives
à l’islam comme religion de l’Etat, et ce pour lutter contre le communisme.
Nous avons là l’indice d’une vision des choses qui est assez répandue au
Moyen-Orient et qui voit dans les menées impérialistes, lesquelles sont
incontestables, la cause de tous les maux. Et aujourd’hui, avec sa
Constitution, Kaïs Saïed lève le voile sur cette autre composante de sa
personnalité, celle du nationaliste arabe. Certes, le nationalisme arabe n’a
plus vraiment de vecteurs et de canaux représentatifs, mais il reste un
référent pour un certain nombre de courants politiques. Kaïs Saïed, avec sa
Constitution, pose les jalons d’une orientation idéologique de type
nationaliste arabe, où le constitutionnalisme au sens strict est finalement
présenté comme un produit de l’Occident inadapté aux sociétés arabes.
Quelle est l’amplitude de cette rupture ?
Il s’agit d’un basculement lourd de conséquences. Il
est rendu possible par l’éradication des élites à laquelle Kaïs Saïed a procédé
depuis un an. Il supprime tous les intermédiaires qui sont l’expression d’un
point de vue théorique d’universaux démocratiques, des droits de l’homme, de la
politique des partis. Il met en place une nouvelle architecture politique et
idéologique qui rompt avec les présupposés du constitutionnalisme. Dans sa
nouvelle Constitution, il y a quelque chose de bien construit. Il s’agit d’une
rupture en douceur avec ce que pouvait représenter la tunisianité,
c’est-à-dire, finalement, une forme de compromis entre deux dimensions,
l’appartenance arabe mâtinée d’islam et un projet moderniste dans le sillage
des Lumières. Avec Kaïs Saïed, le compromis est remis en cause. Il y a un
basculement. D’où la concentration des pouvoirs qu’il opère en se réclamant de
cette « culture » arabe et musulmane qui est, selon lui, la culture
authentique, celle du peuple tunisien.
Et c’est là qu’intervient sa conception de la «
construction démocratique par la base ». Certains la rapportent au conseillisme
communiste …
Le problème, c’est qu’il y a véritablement chez lui un
double jeu sur le plan des idées et de sa pratique. Il se croit investi d’une
mission quasi divine de rédemption. Chez lui, le peuple revêt la dimension
d’une communauté charismatique dont lui-même serait l’opérateur. Et là, il y a
une contradiction colossale. C’est-à-dire qu’en réalité il fait du conseillisme
sans conseils. Le conseillisme, historiquement, est toujours le produit
d’initiatives populaires et donne lieu à une nouvelle articulation des
pouvoirs. Mais il n’y a pas de mouvement conseilliste en soutien de Kaïs Saïd.
Nous avons là une imposition par décret d’un pseudo-conseillisme.
Autrement dit, nous avons avec Kaïs Saïed un populisme
« par le haut », mais sans populisme « par le bas », sans mouvement social qui
pourrait donner vie au conseillisme. Je m’inspire là des travaux très
intéressants de Federico Tarragoni. Dans son ouvrage L’Esprit démocratique du
populisme (La Découverte, 2019). F. Tarragoni, qui a beaucoup travaillé sur le
Venezuela, observe que le populisme « par le haut » comporte une dimension
autoritaire et le populisme « par le bas » une fonction critique. Et il ajoute
: si le populisme « par le haut » l’emporte, alors c’est la voie ouverte au
fascisme. Je ne reprendrai pas le terme « fascisme » pour la Tunisie actuelle
mais nous avons avec Kaïs Saïed un populisme « par le haut » qui prétend
institutionnaliser des conseils déconnectés d’aspirations ou de revendications
de mouvements susceptibles de les dynamiser.
Et sur quoi cela pourrait-il déboucher ?
Le peuple de Kaïs Saïed est un peuple mystique. C’est
une catégorie purement idéologique. Il s’agit d’une hypostase [substance
première comme réalité ontologique]. Et le peuple réel, celui qu’il rencontre,
il tente de le conformer à cette hypostase. Nous en avons eu l’illustration
avec la consultation électronique populaire organisée en début d’année et qui a
été un échec [530 000 participants pour un pays de 12 millions d’habitants]. Il
affirme néanmoins que ce fut un succès. A la clé, il y a toujours une
explication, le complotisme. Ce sont des « complots » qui empêchent le peuple
hypostasié de pouvoir véritablement exprimer sa volonté. Le complotisme est une
dimension primordiale chez Kaïs Saïed et elle présente une parenté avec le
complotisme en vogue chez certains nationalistes arabes.
Le divorce est-il inévitable entre le peuple réel et
le peuple fantasmé ?
Je crois que Kaïs Saïed a deux ennemis principaux :
lui-même et le « peuple ». Lui-même parce que c’est un homme qui correspond, je
dirais, à la métaphore du hérisson. Le philosophe Isaiah Berlin avait filé
cette métaphore en distinguant les renards et les hérissons. Les renards sont
des personnalités à même de s’intéresser à plusieurs domaines sans qu’il y ait
un lien très fort entre ces divers domaines d’intérêt. Les hérissons, quant à
eux, rapportent tout à une vision centrale, un seul système en fonction duquel
tout est compris et ressenti. Autrement dit, les hérissons ont un principe
organisateur unique. Et c’est le cas de Kaïs Saïd qui, ayant un seul principe
organisateur, décolle de la réalité. Et nous voyons bien qu’il se heurte
constamment à la cruauté du réel. Il s’agit de toutes ces promesses de
bien-être, de justice, de répartition des richesses… qui ne connaissent pas un
début de réalisation.
Et je dirais, en empruntant la formule à un autre
auteur, Michael Oakeshott, qu’il n’a pas « l’imagination du désastre ». Il est
persuadé qu’avec sa nouvelle Constitution toutes les difficultés vont pouvoir
trouver une solution, que la Tunisie est suffisamment riche et qu’il suffit de
récupérer l’argent des corrompus pour que tous les problèmes se résolvent. Que
la justice se réalisera une fois le peuple débarrassé des juges corrompus, etc.
N’ayant pas l’« imagination du désastre », il est tout à fait possible qu’il
aille directement dans le mur. Et ce mur, c’est son peuple, ce peuple qui n’est
pas celui qu’il imagine.
Dans ce contexte, que va devenir l’héritage de la
révolution tunisienne ?
Kaïs Saïed n’est qu’un chaînon dans une série
d’événements qui jalonnent la révolution tunisienne. Celle-ci n’est pas
achevée. Kaïs Saïed correspond à un moment de cette révolution, apparemment un
moment de régénération, en réalité, un moment de régression. Tocqueville se
lamentait en 1830 sur le fait que la Révolution française n’avait pas encore
atteint le rivage. En 2022, la Révolution tunisienne n’a pas atteint le rivage,
mais il n’y a pas lieu de se lamenter. Bien au contraire, il y a matière à se
rassurer. Il y a, au sein de la société tunisienne, un certain nombre de
collectifs porteurs d’initiatives pour changer les rapports sociaux.
*Michel Camau est professeur émérite, politologue
spécialiste du monde arabe et musulman. Ses travaux ont surtout porté sur
l’autoritarisme et la démocratie dans cette région, en particulier en Tunisie.
Il est notamment l’auteur du Syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de
Bourguiba et Ben Ali (Presse de Sciences Po, 2003) avec Vincent Geisser et
L’exception tunisienne. Variations sur un mythe (IRMC-Karthala, 2018).
** Propos recueillis par Frédéric Bobin Le Monde 24/
07/22