L'individualisme poussé à l'extrême par la gauche, fait le lit du communautarisme dans lequel s'engouffrent les islamistes dont le projet est de redissoudre l'individu dans le groupe qui porte le nom de "Oumma" où l'individu appartient au groupe par le contrôle de sa sexualité avec une main mise totale sur le corps de la femme objet de ses désirs ! Les Frères musulmans peuvent dire merci à cette gauche stupidement démagogique.
R.B
BONNES FEUILLES - Après avoir suscité un profond débat aux Etats-Unis,
l'essai de ce professeur de l'université Columbia de New York, intitulé La
gauche identitaire, l'Amérique en miettes, sort en France le 3 octobre. Le
Figaro en publie, en exclusivité, de larges extraits.
Pour avoir commis ce livre,
l'auteur s'est vu comparer par certains de ses collègues … au chef du Ku Klux
Klan. Pourtant Mark Lilla n'a rien d'un extrémiste. Il est professeur de
littérature à l'Université Columbia de New York et se revendique comme de
gauche. Mais, écrit-il, « les États-Unis sont en proie à une hystérie morale sur
les questions de race et de genre, qui rend impossibles toute réflexion et tout
débat public ». Son ouvrage,La Gauche identitaire, l'Amérique en miettes, vise à
sortir de cette impasse.
Pour l'auteur, la gauche américaine s'est enfermée
dans le piège de la politique des minorités au point d'abandonner toute notion
de bien commun et de diviser profondément la société. C'est dans les campus
universitaires que l'évolution a été la plus radicale. Pour ne pas laisser le
champ libre à Donald Trump, Lilla invite la gauche à se remettre en question.
Le Figaro publie, ici, les bonnes feuilles de son ouvrage.
● On peut être identitaire et de gauche «Identitaire».
Un mot dur. On pense aussitôt aux
jeunes voyous, crâne rasé ou presque, en cuir noir et Doc Martens, brandissant
des drapeaux fleurdelisés devant la statue de Jeanne d'Arc. Ou jetant une tête
de porc devant la porte d'une mosquée. Ou occupant un col alpin pour faire
barrage aux migrants. Certes, il y a des casseurs d'extrême gauche, des Black
Blocs, des zadistes. Ils sont perturbateurs mais marginaux, et leur violence ne
menace personne. Non, identitaire est synonyme d'extrême droite, voilà tout. Il
y a trente ans, c'était vrai. Mais depuis, une véritable gauche identitaire
s'est développée, d'abord aux États Unis puis, petit à petit, ailleurs.
Sous
l'influence du postmodernisme dans nos universités, les jeunes Américains
apprennent que chacun d'eux a une identité unique, quoique toujours fluctuante,
façonnée par les affinités raciales, sexuelles, et de genre. Et que chacune
d'entre elles mérite d'être reconnue et acceptée. Cet individualisme
identitaire, pour ainsi dire, s'est révélé être un pendant parfait à
l'individualisme économique de notre époque.
Le nouveau moi identitaire se
trouve très à l'aise avec le moi néolibéral parce que ni l'un ni l'autre n'ont
cure d'un républicanisme ringard et désuet. Dans un monde où le capital et le
travail traversent les frontières fluidement, où les hauts fonctionnaires
rendent superflus les débats politiques, où les réseaux mettent en contact des
personnes isolées à la recherche d'un «like», le mot solidarité n'a guère de
sens. Il a été remplacé côté gauche identitaire par le terme peu charmant
d'intersectionnalité, ce qui signifie des alliances temporaires d'individus
dont les identités s'entrecroisent, pour atteindre des objectifs à court terme.
L'engagement politique comme un Tinder pour gens pressés. Et une arme
impuissante face à l'assaut populiste de droite qui a mené Donald Trump au
pouvoir, et qui menace les minorités que la gauche prétend défendre.
● Quand la vérité sort de la bouche de Trump
Les primaires républicaines de
2016 se révéleront sans nul doute aussi significatives historiquement parlant
que l'élection qui s'ensuivit. Il ne faut jamais oublier que Trump a battu les
partis politiques dominants des États-Unis, en commençant par celui auquel il
appartenait - du moins en théorie. Le spectacle fut extraordinaire. Le briseur
d'idoles ne venait ni de la gauche ni de la droite. Il arrivait d'en bas. Libre
de toute révérence envers Reagan, de toute allégeance envers la cause du parti,
de toute analyse approfondie de la courbe de Laffer, ou de toute adhésion au
principe de non-contradiction.
La vérité sortait de sa bouche beaucoup plus
souvent que ses critiques n'ont bien voulu le reconnaître, mais à la manière
d'un enfant, par accident, mettant ainsi mal à l'aise les adultes présents dans
la pièce. Debout devant des usines fermées et des foules d'ouvriers au chômage,
il a déclaré que la délocalisation industrielle et les accords commerciaux
détruisaient plus de richesses qu'ils n'en produisaient pour des gens comme
eux. Il a évoqué sans hésiter l'envie de leur offrir des formations et une
couverture sociale minimale. Il parlait comme si l'Amérique le leur devait bien
(cependant, percevant l'état d'esprit de son public, il s'est bien gardé de
mentionner ce qu'ils se devaient les uns aux autres). Les candidats adverses se
sont contentés de fixer leurs chaussures…
● Le modèle Facebook de l'identité
Dans le modèle Facebook du moi,
les liens qui m'importent et que je décide d'affirmer ne sont pas politiques au
sens démocratique du terme. Ils sont tout au plus des affinités électives. Je
peux même m'identifier à un groupe auquel objectivement je ne semble pas
appartenir. En 2015, une jeune femme perturbée, alors présidente d'une branche
locale de la NAACP (Association nationale pour la promotion des gens de
couleur) et qui affirmait avoir été victime de plusieurs crimes à caractère
raciste, a été trahie par ses parents qui ont révélé qu'elle était, en vérité,
blanche. Une vague de critiques outrées s'est abattue sur elle, et les médias
de droite se sont servis de cette histoire comme exemple supplémentaire de la
dinguerie de la gauche. Mais si le modèle Facebook de l'identité est exact, ses
soutiens, et il y en a eu, avaient raison de la défendre. Si tout processus
d'identification s'articule légitimement autour de l'identification du soi, il
n'y a aucune raison pour que cette femme ne puisse pas proclamer être ce
qu'elle imagine être. Bref.
Le modèle Facebook de l'identité a également
inspiré un modèle Facebook de l'engagement politique. Durant l'ère Roosevelt,
l'identité de groupe a été reconnue non seulement comme façon légitime de
mobiliser les gens pour agir politiquement en tant que citoyens, mais aussi
comme outil nécessaire afin de contraindre notre système politique à tenir sa
promesse d'égalité entre tous ses membres. Mais le modèle Facebook est
entièrement consacré au moi, mon moi chéri, et non à nos histoires communes, ni
au bien commun, ni même aux idées. Les jeunes gens de gauche - par contraste
avec ceux de droite - sont moins enclins de nos jours à relier leurs
engagements à un ensemble d'idées politiques. Ils sont beaucoup plus enclins à
dire qu'ils sont engagés politiquement en tant que X, concernés par les autres
X, et les problèmes touchant la Xitude.
● Campus en délire
Plus la gauche universitaire
devient obsédée par l'identité personnelle, moins elle est encline à prendre
part à un débat politique sensé. Durant la dernière décennie, une nouvelle et
très révélatrice locution provenant des universités a pénétré les médias : « En
tant que X, je dirais que… » Cette phrase n'a rien d'anodin. Elle indique à
celui qui écoute que j'ai une position privilégiée pour m'exprimer sur ce sujet
(en revanche, on n'entend jamais « En tant qu'homosexuel d'origine asiatique,
je me sens incompétent pour donner mon avis sur la question »).
Elle érige un mur contre les
questions qui, par définition, proviennent d'une perspective étrangère à X. Ce
qui transforme l'échange en rapport de force : le vainqueur du contentieux sera
celui ou celle qui se prévaut de l'identité moralement supérieure et exprimera
la plus grande révolte face à la question qu'on lui pose. Ainsi, les discussions en salle de classe qui jadis auraient commencé par « Je pense A, et voici pourquoi », prennent
aujourd'hui la forme « En tant que X je suis choqué(e) que vous puissiez
affirmer B ». Ceci est parfaitement sensé si vous croyez que l'identité
détermine tout. Cela signifie qu'il n'existe aucun espace impartial pour le
dialogue. Les hommes blancs ont une « épistémologie », les femmes noires une
autre. Que reste-t-il à dire ?
L'argument se voit donc remplacé
par le tabou. Parfois nos campus les plus privilégiés semblent empêtrés dans le
monde archaïque de la religion. Seuls ceux ayant un statut identitaire approuvé
sont autorisés, tels des chamans, à s'exprimer sur certains sujets. On élève
certains groupes - aujourd'hui les transgenres - au rang d'icônes temporaires.
Les boucs émissaires - aujourd'hui les orateurs politiques conservateurs - sont
dûment désignés et chassés des campus dans des rites d'épuration.
Les
propositions deviennent pures ou impures, non plus vraies ou fausses. Et non
seulement les propositions, mais de simples mots. Les « identitarismes » de
gauche, qui se considèrent comme des créatures radicales, contestant ceci et
transgressant cela, sont devenus aussi corsetés que les institutrices
protestantes d'antan par rapport à l'utilisation de la langue anglaise,
analysant chaque conversation en quête de locutions déplacées et tapant sur les
doigts de ceux et celles qui les utilisent par inadvertance.
● Apprendre à parler poliment
La politique en démocratie relève
de la persuasion et non de l'expression de soi. Acceptez que vous ne serez
jamais d'accord avec les gens sur tout La gauche a des élections à remporter et
un électorat centriste issu de la classe ouvrière à reconquérir. Il faut
commencer par là. Et rien ne rebutera plus sûrement les électeurs que de se
faire sermonner de cette façon. Voici donc quelques rappels à l'intention de
ceux et celles pour qui la conscience identitaire est primordiale : les
élections ne sont pas des réunions de prière, et personne n'a envie d'entendre
votre témoignage personnel. Ce ne sont ni des séances de thérapie, ni une façon
d'être reconnu(e). Ce ne sont ni des séminaires ni des moments à vertu
pédagogique. Il ne s'agit pas de dénoncer les dégénérés et les bouter hors de
la ville.
Si vous souhaitez sauver l'âme de l'Amérique, pensez à devenir
pasteur. Si vous souhaitez obliger les gens à se confesser et à se convertir,
enfilez une chasuble blanche et rejoignez les rives du Jourdain. Mais si vous
voulez reprendre le pays à la droite, et apporter un changement durable pour ceux
auxquels vous tenez, il est temps de descendre de votre chaire. Et une fois que
vous serez descendu(e), apprenez à écouter et à imaginer. Il vous faudra
visiter, ne serait-ce qu'intérieurement, des endroits où il n'y a pas de wifi,
où le café est du jus de chaussette, où vous n'aurez nullement envie de poster
une photo de votre dîner sur Instagram. Et où vous mangerez avec des gens qui
rendent sincèrement grâce pour ce qu'ils ont dans leur assiette.
Ne les
regardez pas de haut. En tant que gens de gauche dignes de ce nom, vous avez
appris à ne pas vous comporter ainsi avec les paysans des contrées lointaines ;
faites de même avec les pentecôtistes du Sud et les propriétaires d'armes à feu
des Rocheuses. Tout comme il ne vous viendrait pas à l'esprit de taxer les
croyances d'une autre culture de simple ignorance, n'attribuez pas
automatiquement à la machine médiatique de droite tout ce qu'on vous dit.
Efforcez-vous d'entendre ce qui se cache derrière les fausses affirmations, et
voyez si vous pouvez vous en servir pour créer un lien.
La politique en
démocratie relève de la persuasion et non de l'expression de soi. Acceptez que
vous ne serez jamais d'accord avec les gens sur tout - rien de plus normal dans
une démocratie. Ceux et celles qui s'engagent dans les mouvements sociaux axés
sur l'identité ont tendance à se retrouver uniquement parmi des personnes
partageant les mêmes opinions qu'eux, leur ressemblant physiquement, ayant fait
des études similaires. Gardez-vous d'imposer des tests de pureté à ceux que
vous souhaiteriez convaincre. Tout n'est pas une question de principes -
d'ordinaire, pour en préserver un, il faut en sacrifier d'autres, tout aussi
importants. Les valeurs morales ne sont pas les pièces prédécoupées d'un puzzle
qui s'imbriquent sans effort.
● Ce que nous partageons
Pour sortir de ce casse-tête, la
seule solution est de recourir à quelque chose que nous partageons tous dans
une démocratie, mais qui n'a rien à voir avec notre appartenance identitaire,
sans toutefois nier l'existence et l'importance de celle-ci. Et cette chose
s'appelle citoyenneté. Certes, le terme citoyen a une connotation désuète aux
États-Unis, et évoque chez les personnes d'un certain âge des images
d'enseignants martelant un tableau noir avec une baguette en bois pendant les
cours d'instruction civique. Mais il a un grand potentiel démocratique - et
démocrate -, en particulier aujourd'hui. Car la citoyenneté est un statut
politique, rien de moins et rien de plus.
Dire que nous sommes tous citoyens ne
revient pas à dire que nous sommes en tout point pareils. C'est un fait de
société avéré : de nombreux Américains se définissent aujourd'hui par
appartenance à un groupe, mais rien ne les empêche de se définir simultanément
en tant que citoyens comme n'importe qui. Les deux idées peuvent être - et sont
- vraies. À l'heure actuelle, il est crucial de nous concentrer sur ce statut
politique commun, et non sur nos différences manifestes. La citoyenneté est une
arme fondamentale dans la bataille contre la doctrine néolibérale parce qu'elle
rappelle que nous faisons tous partie d'une entreprise commune légitime, que
nous, le peuple, avons créée de notre plein gré. Et que nous ne sommes pas des
particules élémentaires. »