lundi 18 août 2014

Cynisme ou aveuglement des Occidentaux ?

Pendant que le wahhabisme conquérant progresse, les responsables occidentaux dissertent du sexe des anges ... pour se convaincre de l’existence d'un islamisme "modéré" compatible avec la démocratie en soutenant les Frères musulmans !
R.B

Le Wahhabisme serait-il un contre Islam? Telle est la question que Jean-Michel Vernochet met en exergue de son livre Les Égarés*. Sorti il y a un an, cet ouvrage a déjà suscité des débats passionnés. Preuve s'il en est que la question évoquée est effectivement posée... notamment par les musulmans eux-mêmes!
Le qualificatif d'"Égarés" n'est pas du tout une innovation de l'auteur, mais la reprise d'une appellation commune aujourd'hui au sein du sunnisme traditionnel; une dénomination usitée à l'université d'el-Azhar au Caire par laquelle sont désignés ceux dont le fanatisme fondamentaliste, voire encore le salafisme débridé, s'avère à l'usage matériellement plus destructeur que spirituellement constructif...
L'auteur, ancien grand reporteur, professeur de journalisme, écrivain, nous plonge avec son dernier ouvrage Les Égarés dans le monde d'un islam politique dévoyé par un intégrisme totalitaire. 
Il commence par évoquer les sources et les origines historiques dufondamentalisme musulman tel qu'il est apparu, il y a près de trois siècles, dans l'histoire moderne. Cursus qui conduira le lecteur à mieux apprécier les raisons et les perspectives d'une radicale intransigeance dogmatique ayant provoqué, entre les tribus arabes elles-mêmes et entre les peuples, hostilités et affrontements.
Jan Varoujan 

Le Wahhabisme serait-il un contre Islam?

Le cynisme des puissances occidentales

Ces conflits et rivalités fratricides sont en fait souvent exploités avec un cynisme par les puissances occidentales. Celles-ci jouent en effet assez fréquemment des dissensions religieuses entre minorités confessionnelles afin de maintenir les nations arabes et non arabes dans une instabilité structurelle, géopolitiquement fructueuse, tout en les conduisant sur les voies hasardeuses d'un consumérisme à terme destructeur de toutes traditions spirituelles. Ainsi se trouve favorisée une véritable révolution des croyances et des mœurs - nous parlons bien sûr de l'expansion du fondamentalisme wahhabite - qui débouchera à terme et immanquablement sur une mutation de la civilisation musulmane... celle-ci majoritairement sunnite est hélas perméable ou vulnérable à la diffusion d'une idéologie totalitaire se faisant passer pour la vraie foi dans toute sa pureté primitive.
Car le sunnisme est d'autant plus exposé à ce "ressourcement par le bas" qu'il apparaît figé depuis des siècles en raison d'une quasi-absence - au contraire de l'islam chiite - d'actualisation exégétique... cela depuis la fermeture des portes de l'Ijtihad au XIe. Or, cet effort de réinterprétation de la révélation coranique dans le contexte des grandes transformations des XIXe et XXe, de la révolution industrielle à la révolution cybernétique, était pourtant essentiel!
Le monde musulman, malgré sa rapide adaptation aux évolutions techniques, est en effet resté en grande partie fermé sur le monde extérieur. L'islam traditionnel s'est ainsi montré incapable d'assumer les bouleversements sociétaux de l'histoire contemporaine. Or l'islam traditionnel se trouve aujourd'hui confronté au défi de grands débordements démographiques, de crises économiques endémiques, de paupérisation et de marginalisations de populations entières, ceci sans réponse efficace. A contrario, l'islam politique, idéologisé, celui des Frères musulmans - en réalité une version "présentable" du wahhabisme - prétend porter remède à tous les maux des peuples orientaux, avec le succès que l'on sait en Égypte et en Tunisie, deux pays qui ont très vite rejeté les fausses solutions islamistes.
En résumé, si théologiquement parlant l'islam n'a aucune raison de se "réformer" ou de se "moderniser", il doit, comme toute religion, être à même de pouvoir répondre aux transformations sociétales en cours, et pour ce faire transcrire le message coranique dans le langage des temps présents. Face à cette carence, voire à ce silence de l'Islam traditionnel, le wahhabisme fondamentaliste apporte une réponse péremptoire et définitive en voulant s'imposer seul comme l'Islam "authentique" à l'exclusion de tout autre.
Rapprochement entre dignitaires wahhabites et religieux juifs ultra-orthodoxes
J-M Vernochet fait à ce propos œuvre d'historien. Partant à la rencontre du fondateur du wahhabisme, Abdul Wahhab, dont les disciples ravageront La Mecque au nom d'un retour fallacieux à la "pureté doctrinale", en détruisant tombes, mausolées et sanctuaires, en rasant ou en bétonnant nombre de lieux historiques, à La Mecque, à Médine, en Afghanistan, au Mali, en Libye, à présent en Irak avec la mosquée du prophète Jonas, voire demain à Jérusalem même, au motif que tout culte et adoration ne s'adresse qu'à Dieu et à lui seul.
Actuellement, des discussions rapprochent à Jérusalem dignitaires wahabites et religieux juifs ultra-orthodoxes ultra-orthodoxes, lesquels envisagent ensemble la destruction sur l'Esplanade des Mosquées du Dôme du Rocher et de la mosquée al-Aqsa. Pour les wahhabites ce troisième lieu saint de l'islam sunnite - après La Mecque où la tombe du Prophète est détruite en 1804 et Médine - matérialiserait un culte rendu à Mahomet et non pas à Dieu, ce pour quoi il devrait être effacé. 

À ce titre, le Wahhabisme entend-il éradiquer tous les lieux d'intercession, à telle enseigne que le prophète Mahomet lui-même n'échappe pas à leur vindicte et qu'en occurrence il serait impie de célébrer l'anniversaire de sa naissance... mais non point celui du fondateur de l'hérésie, Abdul Wahhab ! 

L'auteur rappelle en outre que la diffusion du wahhabisme au cours du XIXe suscitera un climat insurrectionnel dans la presque totalité de l'aire islamique, du Maghreb à l'Asie centrale et au-delà. C'est en effet à tort que l'on a cru voir l'influence de ce schisme confinée au Nejd, au Hedjaz ou à l'Hadramaout.

Mais ils seront la révélation pour Londres de l'existence d'une force et d'une capacité d'incandescence utiles à la Grande-Bretagne, notamment en vue de disloquer un Empire ottoman déjà particulièrement décomposé dès le milieu du XIXe et plus encore après la défaite des empires centraux en 1918. Notons que ces politiques furent construites et mises en œuvre avant même que l'intérêt stratégique primordial des hydrocarbures ne se soit imposé avec la Première Guerre mondiale, politiques qu'il convient alors d'évaluer plus précisément selon leurs visées géopolitiques globales sur la route des Indes. L'Arabie saoudite et le Qatar sont - au moins jusqu'à aujourd'hui - des exemples de la réussite éclatante de cette politique. Stratégie dont les succès apparaissent moins brillants si l'on garde présent à l'esprit les débordements de ces États devenus intégristes, lesquels dépassent parfois, et de loin, les attentes de leurs partenaires et mentors européens et atlantistes.
Le mouvement Azatlyk pour une grande Turquie
Par exemple avec la diffusion du salafisme en Afrique de l'Ouest, les menées fondamentalistes en Libye et en Syrie, la création de l'Émirat de Mossoul, l'expansion du salafisme dans le Sud Caucase, en Asie Centrale, au Pakistan ou encore au Yémen, s'avèrent aujourd'hui singulièrement perturbateurs du nouvel ordre mondial... Ils restent cependant des pions sur l'échiquier complexe des nouvelles relations Est/Ouest. Ainsi, les récentes émeutes ukrainiennes pro-occidentales ont vu l'entrée en scène de jeunes Tatars de Crimée encadrant les manifestations : membres du mouvement Azatlyk (Liberté) - ils militent pour la grande Turquie et sont soutenus tant par des formations trotskistes - le Front de gauche russe de Serguei Oudaltsov, que par l'AKP de Recep Tayyip Erdoğan. Certains d'entre eux étaient semble-t-il de retour des théâtres d'opérations syriens où ils se livraient au djihad, armés et financés par Riyad et Doha.
Les ressorts cachés des guerres en cours
Au final, Les Égarés nous livre certaines clefs décisives permettant une lecture plus réaliste et plus approfondie des événements qui à l'heure actuelle bouleversent le monde arabe et musulman. Seule une connaissance précise que ce qu'est la dogmatique wahhabite peut donc nous permettre de comprendre précisément quels sont les ressorts cachés des guerres en cours. Des guerres qui ne se situent désormais plus à la périphérie de l'Europe, mais également à la périphérie des grandes concentrations urbaines de l'Ouest européen, à commencer par la France...
Il est ici opportun de rappeler que la doctrine salafo-wahhabite est essentiellement fondée sur la violence: celle de la conversion par tous moyens y compris la force, le meurtre et la guerre. Le recours à la contrainte en matière de prosélytisme se voit dans ce cas attribuer le statut d'obligation cachée, soit un "Sixième Pilier de l'islam" aux côtés de l'Unicité de Dieu, de la Prière, du Jeûne, de l'Aumône et du Pèlerinage... À ce titre la violence, acquiert une dimension structurelle intrinsèque, inhérente au plein exercice de la foi... telle que professée par ces combattants d'une guerre qu'ils prétendent "sainte"!
Les Égarés (Ed. Sigest) est donc une invitation à une réflexion politique et civilisationnelle primordiale au regard des défis que nos sociétés vont devoir relever et des épreuves qu'elles sont immanquablement appelées à traverser.















1 commentaire:

  1. Voici un blog pour mieux comprendre l'islam:
    http://vers-le-firdaws.blogspot.com/

    Bonne lecture. C'est simplifié. pour les francophones.

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