Hamma Hammami a fait un premier pas en changeant le nom de son parti, maintenant il doit être encore plus réaliste et devenir pragmatique ! Car les tunisiens sont fatigués par toutes les idéologies du siècle dernier . Alors, encore un effort Hamma !
R.B
H.B. : Pour une alliance stratégique: Nidaa Tounès-Front populaire
Comment
passer du stade de la déconstruction à celui de la reconstruction ? Comment
devenir un parti de gouvernement après avoir été pendant des décennies un parti
anti-tout, partisan du «y a qu’à, faut qu’on» ?
Comment cesser de juger le monde à travers le prisme déformant de tous
les «ismes», se débarrasser de ses a priori et de tous ses travers
qu’il traîne comme un péché originel ?
La révolution a surpris l’extrême gauche tunisienne alors
qu’elle avait fini par se contenter de son statut de parti des mécontents.
Affaiblie par la répression qu’elle avait subie pendant plusieurs décennies,
déréalisée, elle n’a pas vu venir ce mouvement populaire surgi du fin fond du
pays et auquel, a fortiori, elle n’était pas préparée. D’où son hésitation,
aujourd’hui, à abandonner cette posture, somme toute confortable, en se
réfugiant dans le «ni-nisme», alors que le pouvoir est à portée de
la main grâce à la victoire ou la semi-victoire de Nidaa. On fait la fine
bouche, on traîne les pieds, on tergiverse et on pose des conditions
inacceptables quitte à jeter ce parti dans les bras d’Ennahdha. Cette
attitude est suicidaire car elle fait rater à cette mouvance le train de
l’histoire et risque de la condamner à une mort lente, mais inexorable.
Pourtant, le sort des groupes gauchistes des années 60 et 70
dont il ne reste que quelques résidus qui croyaient avoir raison contre tout le
monde aurait dû la faire réfléchir. Il ne faut pas se laisser griser par des
victoires politiques éphémères parce qu’acquises dans des circonstances
exceptionnelles qui risquent de ne pas se reproduire. Ses bons scores lors des
dernières consultations électorales, le Front populaire les doit moins à son
programme politique qui comporte des propositions dont tout le monde sait
qu’elles sont irréalisables aujourd’hui à moins de se couper du reste du monde
qu’à une bonne stratégie de communication qui s’inspire des élections
américaines ainsi qu’au charisme de son porte-parole.
Le Front populaire s’est certes débarrassé de ses vieux
oripeaux, d’abord les symboles qui nous renvoient à un passé sombre : la
faucille et le marteau, le mot communisme; puis les fondamentaux : la
lutte des classes, la dictature du prolétariat et l’interdiction de la
propriété privée. Il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Son alliance avec
le futur vainqueur des premières élections démocratiques du pays lors du sit-in
d’Errahil en 2013 lui avait permis de rompre son isolement et
d’acquérir une respectabilité et un prestige qu’il n’avait pas. Il est vrai
qu’il était alors dans la tactique. Aujourd’hui, il doit se résoudre à un
compromis historique comme l’ont fait les communistes italiens et français dès
les années 70 et même plus si affinités, en concluant une alliance stratégique
avec le même parti.
Car la
vocation d’un parti d’opposition est de se retrouver un jour au pouvoir. Et
cela ne pourra se faire qu’avec un parti du centre comme Nidaa avec lequel il
partage des valeurs communes. L’extrême gauche tunisienne restée dans
l’opposition pendant longtemps doit faire l’apprentissage du pouvoir,
acquérir une nouvelle culture, se confronter aux dures réalités pour changer la
vie. Un ministre de gauche français est entré dans l’histoire pour s’être
exclamé en 1936, au lendemain de la victoire du Front populaire : «Enfin, les
difficultés commencent». A quoi bon s'échiner à élaborer des programmes
économiques s'ils sont condamnés à rester dans les tiroirs? Peut-être
entendrions-nous dans quelques semaines d’anciens opposants tunisiens
assis autour de la grande table du Conseil des ministres plancher sur des
projets qu’ils avaient mis mille fois sur le métier sans avoir jamais reçu un
début d’exécution, s’exclamer eux aussi au moindre obstacle rencontré : «Enfin
les difficultés commencent».
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