Et dire que l'Europe et plus particulièrement la France les suit tête baissée qu'elle soit dirigée par la Droite ou par la Gauche !
R.B
R.B
Préfet honoraire, ancien
directeur de la DST
Islamophobie, judéophobie et
christianophobie
Les phobies, dont certains
d'entre nous meublent le paysage immuable de leurs certitudes, ne doivent rien
au hasard. Nées de l'ignorance et de la crainte de l'autre, elles prospèrent
"comme des cornichons dans des bocaux à l'abri des courants d'air",
ainsi que s'en indignait Georges Bernanos, fustigeant le clan des bigots dans
ses "grands cimetières sous la lune". Le gouvernement des hommes,
passé dans des mains irresponsables, a fait qu'au cours du demi-siècle écoulé
se sont empilées tant d'erreurs dévastatrices que l'on s'en pâmerait
d'épouvante s'il nous restait un peu de mémoire.
La première de ces erreurs puise ses racines dans ce fonds
indestructible du "maccarthysme", développé depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale et indéracinable depuis. Il s'est installé dans la
conscience d'une large partie de la classe politique aux Etats-Unis cette idée
simpliste que le marxisme était le premier ennemi de la démocratie en Amérique
et même de la démocratie tout court. Sincèrement ressentie, cette antienne a prospéré
tout au long de la
Guerre froide et il fallait
s'appeler Charles de Gaulle pour ne pas y succomber. Aussi, quand l'Armée rouge
envahit l'Afghanistan en décembre 1979, afin d'imposer une "République
populaire" anti-islamique et accessoirement soutenir la revendication
afghane d'un accès à l'Océan indien, cette intrusion par la force se heurte à
une double opposition, suscitée par le Pakistan du général Zia et l'Iran de
l'ayatollah Khomeiny. La
CIA entre alors en scène et
organise à partir du territoire pakistanais, précisément dans la région de
Peshawar, la formation de combattants fanatisés par une idéologie résolument
islamiste, appelant à la guerre sainte, le djihad, mais qui porte en elle le
germe d'un anti-occidentalisme que ses initiateurs américains n'avaient pas
imaginé. Sur le terrain, la formation paramilitaire dispensée par des
instructeurs américains et probablement britanniques inclut des formes d'action
de combat clandestin qui ne se distinguent des camps d'instruction du désert
libyen ou de la plaine de la Bekaa que par les références doctrinales,
anti-israéliennes pour les premières, anti-soviétiques pour les secondes. C'est
dans ce contexte qu'émergent des figures de chefs de guerre dont une des plus
emblématiques est celle d'Oussama Ben Laden, sujet saoudien.
Les Soviétiques chassés d'Afghanistan, les libérateurs se
convertissent naturellement en djihadistes et s'engagent dans deux autres
guerres contre deux autres régimes réputés "marxistes", la Serbie et
l'Algérie. Longtemps nié, l'engagement des volontaires de retour d'Afghanistan
en Bosnie et dans le maquis algérien ne peut plus être contesté de nos jours.
En Algérie, on les appelle d'ailleurs les "Afghans" et en Bosnie, ils
installent, avec la bénédiction et les fonds de l'Arabie saoudite et de l'Iran,
des camps d'entraînement, où déjà de jeunes Français viennent s'exercer au
métier de terroriste. Belgrade et Alger qui, au passage, conjuguent leurs
forces, deviennent infréquentables et, dans les chancelleries, on se frotte les
mains de leurs déconvenues. Une large partie de la presse emboîte le pas des
"philosophes" qui réprouvent la barbarie serbe et dénoncent le
"qui tue qui?" en Algérie. Ce sont les années 90 qui voient se
conforter en Europe et au Maghreb un parti ouvertement islamiste avec la création
de deux Etats musulmans dans les Balkans, la Bosnie et le Kosovo, et s'affirmer
à travers San Egidio, l'image de respectabilité du Front islamique du salut.
Entre-temps, les islamistes prennent le pouvoir en Iran, avec la
complicité américaine -le shah étant proprement lâché par ses grands amis
d'hier- et, par la force, écartent le parti démocratique iranien qui, puisqu'il
n'est pas religieux et défend l'image d'un Iran laïc, se voit derechef qualifié de
"marxiste". C'est le premier grand pays musulman à rejoindre la
mouvance intégriste et si cette image est quelque peu atténuée par l'obédience
chiite de la "République islamique", Téhéran devient la première
capitale du terrorisme religieux.
Comme si cela ne suffisait pas, les Etats-Unis vont s'appliquer à
déblayer le terrain devant cette caricature de démocratie qui aide à
déstabiliser l'Algérie et le Liban, qui contribue à la création de la Bosnie,
et qui souffle sur les braises de l'activisme palestinien dans la bande de Gaza
et en Palestine. Les maladresses américaines atteignent leur summum avec
l'Irangate et le soutien inespéré à une armée iranienne au bord de la rupture.
Puis commence l'enchaînement des attaques contre les régimes arabo-musulmans
laïcs, c'est-à-dire amis ou anciens féaux de la Russie. Le premier à payer est
le plus farouche adversaire de l'Iran, l'Irak de Saddam Hussein. Tombé dans le
piège d'une provocation parfaitement démontée en son temps par le général
Pierre-Marie Gallois, le leader du Baas envahit le Koweït et encourt les représailles
de la plus vaste coalition militaire qui ne se soit jamais vue, avec cette
conséquence inouïe d'un pays sur la voie du modernisme et du développement
renvoyé à des temps reculés, conformément à la promesse du secrétaire d'Etat
américain. Telle est la mission civilisatrice de la première puissance
mondiale.
Malheureusement, comme une guerre bactériologique mal conçue,
l'Amérique se retrouve confrontée aux démons qu'elle a engendrés. L'islamisme
radical se retourne contre son géniteur et entreprend de délivrer le monde d'un
modèle détestable à ses yeux, celui d'une éthique fondée sur les droits de
l'Homme et l'égalité entre les sexes. Les attentats du 11-septembre agissent
comme un révélateur sur une opinion qui se croyait à l'abri de toute forme
d'agression, mais par un manque de lucidité consternant, le gouvernement
américain ne pointe pas du doigt les vrais coupables, pourtant aisément
identifiables, et désigne au contraire ceux qui sont devenus ses alliés
objectifs, les chefs des Etats arabes laïcs. Quand on dit qu'il n'est pire
sourd que celui qui ne veut pas entendre, il faudrait ajouter qu'il n'est pas
plus aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Ainsi, ce sont des citoyens saoudiens qui, très majoritairement,
pilotent les avions qui sont précipités sur les tours de Mahattan. On punit
l'Afghanistan dont aucun ressortissant n'est en cause. Ce sont les Iraniens qui
construisent la bombe atomique et les missiles intercontinentaux qui la rendent
opérationnelle. On envahit de nouveau l'Irak qui ne dispose d'aucune arme de
destruction massive. C'est Kadhafi qui renonce à l'arme nucléaire. On le fait
renverser par une révolution "téléguidée". Le tout à l'avenant.
Mieux encore, quand George W. Bush s'en va en guerre, il pactise
avec Téhéran et bombarde les camps de l'Armée de libération iranienne (les
moudjahidines du peuple) pour débarrasser de son opposition le régime qui le
gratifie du sobriquet de "Grand Satan". La France ne fait pas mieux
et se met aux ordres de l'ayatollah Khamenei pour procéder à une grande rafle
jamais vue dans les rangs d'une opposition, de quelque nature qu'elle soit. Il
faut punir et on punit les "dictateurs", laissant prospérer les
fourriers du djihadisme. On se retient de contrôler les mouvements de fonds, on
oublie les financiers de ce terrorisme messianique, on s'acharne sur ceux qui
le combattent. On plaint les gentils Tchétchènes, on oublie les enfants de
Beslan. On s'indigne des attentats dans le métro de Londres ou ceux de Madrid,
pas de ceux du métro de Moscou. Autant de contre-sens qui rendent inextricable
une situation pourtant claire. Faute de hiérarchiser les priorités, faute de
considérer que le terrorisme peut frapper partout et pas nécessairement notre
population et nos intérêts, on perd des repères et on complique la tâche de
services qui travaillent bien. Faute de prendre en compte la désespérance de
populations encore soumises à l'arbitraire, on fait la litière des idéologies les
plus détestables.
L'Irak, la Libye "libérés" connaissent des situations
bien pires que du temps des dictateurs, simplement parce que nos gouvernants se
sont érigés en redresseurs de torts et émettent la prétention de dire quels
gouvernements sont légitimes, qui doit débarrasser le plancher. L'ONU ne
respecte plus ses propres principes, comme celui de l'intégrité de ses Etats
membres, l'OTAN, alliance défensive centrée sur l'Atlantique Nord, est devenue
le gendarme de la planète entière. La porte est ainsi ouverte au "grand
n'importe quoi", quand les provocateurs se font censeurs et les agitateurs
professeurs de vertu. C'est ainsi que lorsque l'Iran se range parmi les Etats
qui affectent de réprouver le terrorisme islamiste, on ne peut que s'en
indigner comme le fait la présidente du CNRI, Maryam Radjavi, organisation qui
fait, depuis plus de trente ans, l'objet d'attaques homicides hors d'Iran et,
dans le pays même, d'une persécution impitoyable. Comme beaucoup d'autres mais
avec l'expérience de l'épreuve, elle dénonce la perversion d'une attitude qui
cherche dans une interprétation falsifiée de l'islam la justification de sa
politique.
Qu'on le veuille ou non, la troisième religion du Livre -par ordre
chronologique- se trouve menacée dans son expression même par des outrances
voire des crimes qu'elle ne mérite pas. Ce n'est pas acceptable. La religion de
Mahomet mérite le même respect que le judaïsme et le christianisme et c'est aux
chrétiens, les premiers, de l'affirmer. Comme il appartient à nos gouvernements
de renoncer à exercer un magistère sur les autres pays, quels que soient les
dirigeants qu'ils se sont donnés. Si la démocratie, à supposer qu'elle soit le
modèle universel et plurivalent qu'on nous présente, doit gouverner le monde,
il nous est interdit, par raison et simple bon sens, de l'imposer.
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