" L'encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr "
dit le prophète MohammadProfesseur de philosophie au lycée Averroès à Lille
Aujourd’hui, le Prophète est aussi « Charlie »
Voici une tradition prophétique islamique (hadith) que j’aime raconter à mes élèves de terminale : un jour, un compagnon du prophète Mohamed surprend celui-ci en train de pleurer, et lui demande la raison de ces larmes qui lui fendent le cœur. Le Prophète lui répond alors entre deux sanglots : «J’ai vu que dans le futur j’allais devoir témoigner contre ma propre communauté.» Et je pose ensuite cette question à mes élèves : «Ce futur sur lequel pleurait le Prophète de l’islam, n’est-ce pas notre propre époque ?»
Je veux témoigner dans Libération, de mon vécu propre des événements tragiques de ces derniers jours, en tant que citoyen français d’abord, et de culture musulmane ensuite. Oui, c’est bel et bien en tant que citoyen français qu’il me faut réagir aujourd’hui, et non pas en tant que membre d’une communauté religieuse (nécessairement hétérogène d’ailleurs, donc imaginaire, irréelle…), d’un mouvement politique, d’un courant d’idée, etc.
J’ai raconté ce hadith mardi à une classe de terminale dans laquelle les élèves sont majoritairement musulmans, et où il y a des filles voilées et d’autres non voilées. Je leur ai raconté cette histoire en ayant à l’esprit la une du Charlie Hebdo, renaissant de ses cendres, révélée par les médias la veille de sa sortie, mais aussi un dessin de Cabu tellement juste et si peu compris par beaucoup de musulmans, malheureusement, montrant un prophète de l’islam en colère s’exclamant : «C’est dur d’être aimé par des cons !» J’atteste ici en tant que citoyen français de culture musulmane de l’authenticité de ce hadith relayé par Cabu, paix à son âme ! Et je brandis en même temps une pancarte avec écrit dessus en lettres capitales : «Humour !»
Depuis quelque temps, et surtout depuis ces horribles meurtres d’innocents commis par des fous furieux criant «Allah est le plus grand !» ou «Le prophète Mohamed a été vengé !», je me demande si beaucoup de musulmans n’ont pas un énorme problème avec l’humour. Et j’ai repensé à un livre du psychanalyste François Roustang, qui m’avait beaucoup intéressé lors de sa sortie, intitulé Comment faire rire un paranoïaque ? François Roustang y explique que nous avons tous en nous un paranoïaque qui a besoin d’ennemis identifiés pour se rassurer quant à son identité propre, parce que ses ennemis lui servent de «limites» ou de «bornes» (qu’il n’a pas pu se constituer lui-même) lui permettant imaginairement de ne pas se diluer en un chaos angoissant. Et François Roustang ajoute que ce paranoïaque en nous, manque cruellement d’humour. Parce que ne plus prendre au sérieux sa propre paranoïa, ses «ennemis certains», ce serait renoncer à son identité imaginaire aussi consistante qu’un ectoplasme. Pourtant, commencer à rire de sa propre folie est le début de la guérison nous révèle aussi Roustang dans son très bon livre tragiquement d’actualité.
Est-ce à dire, alors, que la connaissance serait sœur de l’humour ? A cette question, je réponds sans hésitation, oui ! Ils sont risibles ces pseudo-savants de l’islam qui connaissent si mal leur religion et son patrimoine universel ! Mais ils sont risibles tant qu’ils ne passent pas au stade de la kalachnikov ou de l’attentat dit «kamikaze» pour répondre à ceux qu’ils perçoivent comme des ennemis de l’islam. Rappelons-nous que le prophète Mohamed lui-même disait que «l’encre du savant est plus précieuse que le sang du martyr».
Alors oui, ce prophète caricaturé, insulté, moqué, mais surtout ignoré, est aussi Charlie aujourd’hui, n’en déplaise à un grand nombre de musulmans qui trouveront peut-être ce propos déplacé ou naïf, voire insultant, surtout de la part de quelqu’un qui se réclame comme eux de la culture islamique. Oui, j’ose le dire, comme le très beau dessin de Luz le suggère avec tendresse et intelligence : le prophète de l’islam, Mohamed, pleure avec nous toutes les victimes innocentes de la barbarie et de l’ignorance, et demande à Allah le pardon pour les nombreuses brebis égarées se réclamant de sa religion alors qu’elles n’ont toujours pas compris l’essentiel de son message.
Il faut être intelligent, pour pouvoir faire de l'humour - ce que ces islamistes n'ont pas : ils sont cons!
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