Ahmed HAMDAOUI
Professeur à la Faculté des
Sciences Semlalia de Marrakech
Université Cadi Ayyad.
Les causes profondes de l’échec de l’enseignement scientifique public au Maroc sont loin d’être uniquement linguistiques … MAIS, force est de constater, qu’avec l’échec de l’arabisation précipitée, non réfléchie et très mal planifiée, le facteur linguistique même s’il n’est pas le seul incriminé, il reste un facteur aggravant dans les problèmes actuels de notre enseignement.
Une première mise au point s’impose, je ne crois pas qu’il existe UN SEUL marocain qui ne souhaiterait pas que le Maroc soit doté d’un enseignement public de qualité et Arabisé. Que ceux qui s’affichent comme seuls défenseurs de la langue arabe arrêtent leur hypocrisie ! En effet, la majorité d’entre eux quand il s’agit de leurs propres enfants et pour garantir leur avenir professionnel ils n’hésiteront pas à les mettre dans l’enseignement privé ou dans les missions étrangères…
La question qui se pose maintenant, c’est comment rectifier le tir sans aggraver encore plus la situation ? … Sachant que nous avons trop laisser pourrir la situation et par voie de conséquence la solution IDEALE sera très difficile à trouver.
C’est dans ce contexte que vient la proposition de retourner à l’usage de la langue française dans l’enseignement scientifique primaire et secondaire. C’est donc la solution qui semble la plus accessible et la moins mauvaise. Ne serait-ce que pour mettre en phase l’enseignement secondaire avec le Supérieur. Le Maroc est le seul pays au monde où l’on change de langue pour l’enseignement scientifique quand on passe du Lycée à l’Université !...
Arabiser l’enseignement scientifique universitaire est absolument hors de question dans l’état actuel des choses, sauf si l’on veut tuer définitivement toute la chaîne. Utiliser une autre langue comme l’anglais par exemple demanderait une préparation d’une dizaine d’année (corps enseignant, manuels,…).
Au Maroc, en Algérie comme dans d’autres pays ayant été colonisé par la France, on doit absolument nous débarrasser du complexe que nous avons envers la langue française. En effet, ce n’est pas parce qu’on utilise la langue française dans l’enseignement que nous allons nous jeter dans les bras de la France comme disent certains. A tout ceux qui adoptent ce langage je leur dis que : jamais les missions françaises n’ont eu autant de succès que depuis l’échec de l’arabisation de notre enseignement. A ceux-là je leur dis aussi que nos jeunes qui remplissent les missions étrangères finissent par quitter le pays …, voulez-vous qu’on continue dans cette voie ?
En quoi l’usage partiel de la langue française dans notre enseignement peut-il affecter nos identités nationales ? …
Si un jeune marocain bien formé arrive à nous produire de la haute technologie ou une voiture 100 % marocaine, on ne peut que nous réjouir et être fiers du système d’éducation qui l’a formé, on n’ira pas lui demander avec quelle langue il l’a fait.
La qualité de notre enseignement dans sa globalité ne pourra jamais se redresser sans un bon enseignement des langues.
Personnellement je trouve que la généralisation et l’abus de l’usage du dialecte, est une solution de facilité qui risque d’avoir des conséquences graves sur plusieurs domaines de développement du pays. Céder à la facilité de l’usage du langage courant dialectal est un frein à l’apprentissage des autres langues vivantes, langue arabe comprise.
A travers l’expérience de chacun de nous on doit tous savoir que l’apprentissage d’une langue avec toutes ses bonnes règles est très pénible et cause beaucoup de souffrances. Cette souffrance est d’autant plus grande que cet apprentissage est fait à un age avancé. L’effort est vite abandonné quand on a une solution de facilité à sa portée.
Les langues vivantes et surtout les langues étrangères se perdent si elles ne sont pas pratiquées, c’est comme ça que nous avons perdu le bon usage de la langue française et même l’usage de la langue arabe.
Ainsi, c’est vraiment malheureux de constater la disparition progressive de notre champ audio-visuel des émissions en langue arabe classique pure ou en français. La télévision ne diffuse plus les films ou les séries en versions originales, maintenant on les duplique avec un langage vulgaire de la rue …
Une toute dernière mise au point de grande importance, cette analyse en rapport avec la qualité de l’enseignement n’est absolument pas dirigée contre l’usage de la « darija ». Bien au contraire les dialectes marocains et la langue berbère « amazigh », sont une richesse et un patrimoine à préserver et à développer. Ceci me ramène à ma remarque du début de cet article : les causes des problèmes de l’enseignement scientifique au Maroc sont loin d’être uniquement linguistiques. Pour appuyer cette thèse j’aime toujours donner comme exemples les cas de la Suisse, de la Belgique et de l’Alsace en France. En Suisse ou en Belgique malgré l’existence de plusieurs communautés linguistiques, l’enseignement et la recherche scientifiques marchent très bien et sont compétitifs à l’échelle internationale. A l’est de la France la région d’Alsace est très attachée à son dialecte l’alsacien qui est plus proche de la langue allemande et n’a rien à voir avec la langue française. Pourtant, l’Alsace, qui utilise comme toutes les autres régions de France, le français comme langue officielle, est parmi les premières régions de France sur le plan technologique et productions scientifiques. L’Université de Strasbourg a maintenant DEUX prix Nobel le premier en chimie et le dernier en Médecine et Biologie Moléculaire…
Moralité de toute cette histoire, le Maroc a tout intérêt à redonner à l’apprentissage des sciences et des langues vivantes tous leurs titres de noblesse, le développement économique du pays en dépend.
L'OBSCURANTISME ENTRE AUSSI DANS LES ECOLES DE LA RÉPUBLIQUE !
RépondreSupprimerNeji Djelloul le ministre de l'Education Nationale saura-t-il lui faire barrage ?
Habib Ben Fredj :
Une fois, je suis arrivé devant ma salle de classe et je n'ai trouvé qu'une dizaine d'élèves, même pas le tiers de l'effectif. C'était des élèves de première ou de terminale, je ne me souviens plus très bien.
J'ai demandé où étaient les autres, on m'a répondu qu'ils étaient dans la petite mosquée du lycée et qu'ils étaient en train de discuter s'ils allaient faire grève ou non contre moi.
Je ne sais pas exactement à quel moment est née l'hostilité. Probablement le jour où j'avais un texte à expliquer, qui figurait pourtant dans le manuel scolaire et qui traitait de l'esprit scientifique et de la méthode expérimentale comme unique moyen d'accéder à la vérité pour expliquer les phénomènes de l'univers.
Le débat m'avait amené, c'était inéluctable, à dire que les sciences exactes n'admettent pas tout ce qui est de l'ordre des affirmations religieuses, de la magie et qu'il ne fallait pas mélanger physique et métaphysique.
En fait, ce que je construisais pendant des heures de cours, le professeur d'éducation islamique le démolissait en un quart d'heure ... et la partie était facile pour lui : des siècles de dogmatisme et de fanatisme jouaient en sa faveur !
Ce qui m'a fait beaucoup de peine dans toute cette histoire, c'est que parmi les quelques élèves qui me soutenaient, il y avait une fille à l'intelligence vive, alerte et combative. Ils l'ont tellement persécutée, insultée et traitée de pute sur les graffitis qu'on voyait sur les murs du lycée, qu'un jour on m'a annoncé qu'elle s'était suicidée en buvant une bouteille d'eau de javel et que personne n'était là au bon moment pour la secourir.
Une pensée émue pour Jamila Hamouda, morte à la fleur de l'âge, assassinée par la bêtise humaine .
ENSEIGNEMENT : REFORMES OU BRICOLAGES ?
RépondreSupprimerGhazi Riahi (2.1.2017):
Notre ministre de l'Education Nationale parle de réforme de l'enseignement et il ne sait pas quoi réformer !!
Et contrairement à la réflexion de certains, j'en sais quelque chose, et ce que je sais c'est que la réforme doit toucher 5 points essentiels :
• le contenu des programmes,
• la coordination entre les différents cycles,
• la langue adéquate choisie pour les matières scientifiques et techniques,
• la vie scolaire à réorganiser,
• le niveau des enseignants à recycler.
Je suis à même de développer chacun de ces points.
J'espère que Monsieur le ministre n'entend pas par réforme, les petites mesurettes qu'il a prises, à savoir, changer la période des examens, changer la période des vacances, enlever les 25% au bac et enlever la semaine bloquée ...., ceci ce n'est que du bricolage.
Je sais pertinemment qu'il existe des commissions de travail pour préparer la réforme, mais encore faut-il que le public soit informé de l'avancement de ces travaux et de leurs contenus et de procéder à des consultations nationales et de lancer un débat public et non parlementaire (à majorité islamiste) pour qu'il n'y ait pas de fausses démarches et de mauvais choix.
Je dis STOP aux expérimentations et STOP à l'improvisation.
Je sais par ailleurs que le groupe de travail subit la pression des syndicats (Mastouri et Yaacoubi), du parti Ennahdha et celui de Marzougui pour que les réformes soient orientées (dans le très mauvais sens).